De nouveaux

témoignages...

 

Mises en place

Mars/Avril 2020

Bonjour à tous et à toutes

Si vous souhaitez nous faire part de vos impressions, vos histoires, vos réalisation... Bref tout ce qui a fait qu'un jour la falaise de Buoux est entrée dans votre vie de grimpeur. N'hésitez pas à nous contacter .

 

Merci pour votre participation

 

En mars 2016, sortait dans la revue  Grimper  numéro 171,  20 pages consacrées à

 "La fabuleuse histoire de BUOUX...

la légende continue !"

En voici quelques extraits, voir plus !

Bonne lecture

En guise d'intro...

 

Buoux, rien que c’est quelques lettres et la magie opère pour les furieux de la grimpe qui font parler la poudre…

Buoux, bienvenue dans ce petit coin de paradis qui fait à la fois   crépiter de joie les inconditionnels  adeptes du vallon et fait trembler les plus retissant…

Buoux,  haut lieu et incontournable bijou du Luberon ou faire fumer son carnet de croix n’est pas toujours gagné d’avance…

Buoux, un rapport au minéral hors norme dans cette falaise d’exception, cette falaise référence, cette falaise mythique, cette falaise verticalement hôte...

Buoux, ses fissures, ses dièdres, ses dalles, ses devers, ses bossettes, ses cacagnolets, ses réglettes,  ses bacs, ses bi doigts, tri doigts…  Bref, tout ce qui fait penser que la peau de vos doigts va passer un sale quart d’heure. L’heure du steak est-il arrivé ! … Mais rassurez-vous, Il y en aura toutefois pour tous les goûts et tous les niveaux dans des voies haute gamme.

Très nombreux sont les grimpeurs et les non grimpeurs  qui ont répondu présent pour vous faire partager quelques moments historiques, quelques moments anecdotiques de la vie de cette falaise et je les en remercie vivement. Tellement nombreux qu’il serait presque envisageable d’en faire un livre !   Ou serait-ce seulement qu’un bruit de fissure…

Buoux for ever…Plus qu’un coup de cœur !  

Snoop

 

Buoux et « sa Géol « …

Retour sur les bancs du collège… A vos cahiers de notes, il va y avoir interro à la fin du cours !

Les falaises de Buoux résultent du creusement par la rivière de l’Aiguebrun du plateau des Claparèdes. Cela dit, étudiologons d’un peu plus près la situation.

Et oui, Ca ne rigole pas… Nous sommes entre -20 et -16 millions d’années au fond d’une mer chaude, peu profonde qui recouvrait alors la région du Luberon ainsi qu’une partie de la Provence. Au fond de cette mer, va se déposer d’épaisses couches de sédiments, qui plus tard formeront les roches du plateau des Claparèdes. Ici la roche est de formation gréseux, souvent biodétritique, formée de sédiments grossiers tels que des grains de quartz, des petits graviers et des débris d’organismes fossiles. A nous les réglettes, les croûtes, les plats, les mono-doigts, les tri-doigts, les bacs crochetants, les facs fouareux… Cette roche est souvent appelée « Molasse », terme qui trouve son origine dans la latin « Mola », la meule. Elle sera très souvent utilisée pour  tailler  des meules pour les moulins, des habitations et bien plus tard des prises… Par certains grimpeurs !

Nous sommes entre -5.8 et -5.3 millions d’années. Alors que la COP 21, n’était pas encore au calendrier, le réchauffement de la planète ne va pas tarder à pointer son nez. Cependant, va savoir pourquoi,   le détroit de Gibraltar se ferme ! Le niveau de la mer méditerranée chute brutalement… Fini les week-ends en bord de mer Lubéronesque. Cette période, appelé « crise de salinité Messinienne » se répercute sur les cours d’eaux bordant le bassin méditerranéen qui creusent leur lit jusqu'à former des canyons… Connaissances géologiques du futur grimpeur Luberonus et ce n’est pas pour rien qu’un secteur de la falaise s’appelle « La plage »…

Pas de chance pour la région, mais quelle chance pour nous les futurs grimpeurs. Et c’est ainsi, que grâce à tous ces évènements successifs et conjugués, que sont naturellement nées les falaises de Buoux pour le plus grand plaisir de générations d’escaladeurs à « mains nues ».

Snoop et Christine Balme, géologue.

 

De la grotte à l’ère du camping-car….

 

La vie dans le vallon de l’Aiguebrun, ne date pas d’hier, ni même d’avant hier…. Après le cours de géologie, place à la phase archéologique.

Les grottes du Vallon de l’Aiguebrun ont été occupées par l’homme depuis belle lurette et bien avant l’invasion  des hordes massives d’escaladeurs. Hésitation dans les dates pour  la période du  Néolitique, encore dite période « De l’âge de la pierre nouvelle ou polie » et là du coup, personne n’est plus sûr de rien mais… Il est cependant question de -9000 à environ -2100 avant J.C…d’après les ténors de la spécialité. Marche arrière... et   coup de théâtre 6 siècles avant J.C, pas J.C.D, Jean Claude Droyer allias Jésus Christ de Dardicule.  Durant  l’époque celto-ligure, les locaux de l’époque, utilise le plateau entouré de falaises qui deviendra plus tard le « Fort de Buoux » sorte de  vaisseau de pierre, voguant sur les frondaisons des gorges de l’Aiguebrun, lui-même situé au cœur d’un important ensemble d’aménagements troglodytiques. Rien que cela.  Laissons passer quelques années, houps quelques siècles… Pour nous retrouver  entre  476 et 1000 ans après J.C, cette fois-ci, durant le Haut Moyen âge ou  le vallon de l’Aiguebrun fut sans doute un haut lieu érémitique, vie propre à la vie de l’Hermite de base. Ce haut lieu serait à l’origine du village de Saint-Germain qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle colonie de vacances du « Moulin clos » et aurait été construit  vers le IX ème siècle de notre ère. Les vestiges d’habitations troglodytes que l’on rencontre dans la falaise sont très nombreux.    Dans  le secteur « Excalibur » par exemple, cet impressionnant escalier qui mène à une vire  donnant accès à des vestiges  d’une ancienne  tour d’observation. Ouvrage d’environ  20 mètres de haut construit au 3ème siècle et qui subsista jusqu’à la fin du moyen âge. Il ne reste que la base d’un muret  et des trous de poutres.  La grotte du Pilier des Fourmies, les canalisations du secteur de la  « Croisette », l’incroyable montée à « la Plage », Les cuves, les  rigoles, les tombes...  dateraient  vraisemblablement du haut moyen âge soit du  5ème au 8 ème siècle. Le  village de Buoux, quant à lui date du milieu et de la fin du 17 ème siècle. Côté « squat »  grimpeurs très tôt, tout fut exploité : les bivouacs au pied de la falaise, les bories sur le plateau des Claparèdes, les colonies de vacances du Vallon,  le camping sauvage surtout et n’ importe où, la grotte de la « Plage » par François Legrand entre autre, qui suite à un désaccord parental séjourna un hiver en ce haut lieu réputé pour rester le plus longtemps ensoleillé pendant la période hivernale,  certaines maison abandonnée entre Lourmarin,  Bonnieux et Apt…  Alors que certains optèrent pour la version  camping-car d’autres plus « richissimes » se payaient le luxe d’une chambre d’hôtel surchargée à l’Aptois sur la commune d’Apt !   Sous  tente ou en caravane et suite aux problèmes d’interdictions dans les années 80,  le camping des Cèdres à Apt, tenu par Lucette et Gérard à l’assistance,  fut quant à lui le rendez-vous incontournable et incontourné de la gente grimpante française et internationale. La complainte des chiquettes et la recette des croix  se passaient généralement le soir après 19 heures, bien au chaud dans le squat d’une caravane de location.  Par arrêté municipal à ce jour et toujours en rigueur, le camping sauvage,  (sur les parkings entre autre) les bivouacs dans le vallon de l’Aiguebrun, dans les grottes voisines et au pied des falaises sont strictement interdits.  Fini le temps « De l’âge de la pierre nouvelle ou polie »…  Pour le bien de tous,  de la bienveillance vis à  vis des locaux et du site tout particulièrement, le respect de cet espace se doit d’être exemplaire et respecté  si l’on souhaite pouvoir garder l’opportunité de continuer à grimper dans le vallon. Un oubli et de taille, même si vous vous pelez en plein hiver, le feu lui aussi est strictement interdit ainsi que l’usage d’un réchaud à gaz ou encore mieux à pétrole  à l’ombre des arbres pour faire chauffer les petits pots de vos chers rejetons…  N’oublions pas toutefois que nous somme au plein cœur du Parc naturel régional du Luberon.

Snoop

 

Par contre, plus jamais ça SVP...

 

Je t’aime moi non plus !

 

Les sports nature, d’intérêt général

Les sports de nature puisent dans les espaces naturels leur genèse, leur originalité, leur dynamisme, mais aussi leurs limites ! Vecteur majeur d’éducation, d’insertion, de santé, d’amélioration du cadre de vie, d’attractivité touristique et de retombées économiques, les pratiques de loisirs et de sports de nature doivent aussi se conjuguer avec la nécessité de préserver un patrimoine naturel fragile.

Il est en effet largement reconnu que nos espaces naturels sont soumis à de nombreuses pressions et voient leur préservation menacée. La nécessité de réglementer leur usage peut donc s’imposer. Pour autant, les sports de nature tiennent une place toujours plus importante dans notre société (1/3 du fait sportif en France, 25 millions d’adeptes dont la moitié pratiquent dans des espaces protégés) et se révèlent être un moyen de protection de ces espaces naturels en permettant aux usagers de mieux connaître et appréhender la fragilité de ces mêmes espaces.

 

Une réglementation pour préserver

Les falaises sont devenues au cours des siècles des zones épargnées de certaines perturbations majeures ayant conduit à la raréfaction de nombreuses espèces. La richesse et l’originalité des écosystèmes rupestres du Luberon ont donc amené, il y a plus de 25 ans et dans le cadre de la loi, à appliquer un principe de précaution – pas toujours estimé proportionné par les grimpeurs !, visant à prolonger la tranquillité et les conditions de survie d’espèces et d’habitats déjà très fragilisés par ailleurs et qui présentent une valeur patrimoniale en terme de biodiversité régionale et mondiale. Le Parc naturel régional du Luberon a ainsi été à l’origine de l’arrêté préfectoral de protection de biotope du 25 avril 1990 qui interdit la pratique de l’escalade sur tous les sites rupestres de l’ensemble du Petit Luberon, les combes du versant sud des Monts de Vaucluse, les collines de bords de Durance entre Pertuis et Mirabeau, ainsi que la combe de Lourmarin (y compris le spot majeur en aval) et le vallon de l’Aiguebrun (à l’exclusion du mythique site d’escalade sportive de Buoux).

 

Une gestion pour pérenniser

Le Parc naturel régional du Luberon,  partenaire d’Escala’Buoux depuis sa première édition en 2010, est aussi à l’origine de l’acquisition par la commune de Buoux, de l’ancienne colonie de vacances et des falaises voisines ouvertes à l’escalade, afin d’éviter la menace avérée d’un projet immobilier touristique déraisonnable sur les friches de la colonie de Marseille. Il a œuvré pour que les falaises et les environs des vieux bâtiments obtiennent le label Espace naturel sensible, délivré par le Conseil départemental de Vaucluse. Les moyens et le plan de gestion qui découle de cet ENS de 37ha, vont préserver la qualité du site, les paysages et les milieux naturels, assoir la pérennisation du site d’escalade de Buoux, et garantir l’accès au public et aux grimpeurs. C’est également un outil pour définir collectivement les objectifs de gestion, d’entretien et d’aménagements de ce site naturel et site sportif d’exception.

 

Le vallon de l’Aiguebrun à Buoux, joyau du Luberon

En région méditerranéenne, rares sont les cours d’eau plus ou moins permanents bordés de forêt luxuriante. L’Aiguebrun est de ceux-là, et son vallon constitue, au plan écologique, l’un des sites majeurs du territoire du Parc. Parmi les poissons, on trouve la truite fario, et le barbeau méridional, mais aussi l’écrevisse à pattes blanches, discrète et rare. La présence de ces trois espèces souligne la bonne santé de cet écosystème aquatique, mais surtout la nécessité de le préserver.  L’ensemble remarquable des falaises formées par l’incision du massif calcaire participent également à sa spécificité écologique et paysagère. Enfin, les milieux forestiers mâtures et les milieux ouverts ponctuent la diversité faunistique et floristique remarquable de cet espace naturel. Mais le vallon de l’Aiguebrun est aussi un territoire conquis par les hommes depuis des millénaires et son histoire et son occupation, continue et parfois intensive – comme celle des grimpeurs d’ailleurs !, témoigne de sa grande importance dans l’histoire du pays.

Le vallon de l’Aiguebrun révèle ainsi tout l’intérêt, mais aussi toute la difficulté, d’assurer la pérennité d’un projet de développement raisonné, entre le mythe d’un site naturel sauvage, préservé sans concession, et celui d’une zone d’animation outrancière, synonymes de dommages irréversibles…

 

Eric GARNIER

Chargé d’études sports de nature - Parc naturel régional du Luberon.

 


 

Bienvenue dans le Parc naturel régional du Luberon

 

À mi-chemin entre les Alpes et la Méditerranée, le territoire du Parc naturel régional du Luberon s’étend sur 185 000 hectares, de part et d’autre du massif du Luberon (1 125 m au sommet du Mourre-Nègre), sur le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence. Il recèle des milieux naturels d’une richesse et d’une diversité exceptionnelles, ainsi qu’un patrimoine architectural et paysager remarquable. Classé parc naturel régional depuis 1977, le Parc du Luberon gère la Réserve naturelle géologique (31 communes) et anime 7 sites Natura 2000 sur les 9 présents sur le territoire (54 000 hectares au total). Il appartient aujourd’hui à deux réseaux de l’Unesco : le réseau international des réserves de biosphère, en tant qu’animateur de la Réserve de biosphère Luberon-Lure, et le réseau des géoparcs mondiaux. Il est également membre d’Europarc, pour mettre en œuvre la Charte européenne du tourisme durable.

 

La Maison du Parc à Apt

Au cœur du centre ancien d’Apt, la Maison du Parc du Luberon vous accueille avec une exposition sur les richesses du territoire et une présentation ludique des missions du Parc. Le musée de géologie raconte l’histoire de la région depuis 150 millions d’années. Animations thématiques événementielles un samedi par mois d’avril à décembre.

Pour aller plus loin dans la découverte du Luberon ; nombreuses cartes IGN et topoguides par discipline, en vente à la Maison du Parc et sur le site Internet du Parc : www.parcduluberon.fr

Ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 13h30 à 18h (et samedi selon programme).

Entrée gratuite.

60, place Jean-Jaurès - 84400 Apt

Tél. +33 (0)4 90 04 42 00 – accueil@parcduluberon.fr

+ d’info : www.parcduluberon.fr

 

Le Centre de sauvegarde de la faune sauvage à Buoux

Situé à proximité du Château de l’environnement à Buoux, ce centre recueille tous les animaux sauvages blessés. Si vous trouvez un animal en détresse, contactez le centre pour sa prise en charge au +33(0)4 90 74 52 44 crsfs-paca@lpo.fr ou au +33(0) 04 90 04 42 00 accueil@parcduluberon.fr

Chemins des Parcs

Tours et détours dans les Parcs naturels régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

À pied, à vélo, VTT ou cheval, partageons les trésors de nos territoires préservés !

Pour découvrir, à son rythme et selon ses envies, une mosaïque de paysages, la faune et la flore remarquables de la Provence, le patrimoine rural méconnu…

cheminsdesparcs.pnrpaca.org

 

« La Bonté du Forgeron »

 

La découverte du Luberon  et de Buoux, pour Raymond et moi, fut un enchantement. La ferme des Séguins, le troupeau de chèvres chamoisées, le torrent de l’Aiguebrun à l’eau si claire, la lumière de son ciel…

En 1953, date de notre arrivée en Provence… en motobécane depuis Paris ! ce fût un concours de circonstance qui nous fit connaître ce vallon, grâce à  un groupe de spéléos, très fermé d’ailleurs, également passionnés de préhistoire, rencontrés à la Sainte Baume, Ils nous ont conseillés de nous rendre dans le vallon de l’Aiguebrun  à Buoux pour la beauté du paysage… Ce fut bien sûr le coup de foudre pour nous deux ! Avec le désir très vif d’y  habiter un jour !

La première fois que nous avons « touché » le rocher ce fut pour descendre la falaise, à gauche des Séguins, avec les échelles de spéléos et je peux dire que ce fut assez impressionnant !

A l’époque nous faisions, en plus de la spéléo et quelques fouilles préhistoriques, de l’escalade dans les Calanques (quelle merveille), aux Dentelles de Montmirail… Comme entraînement pour la haute montagne en été et du ski de rando en hiver.

En 1958, enfin nous avons pu réaliser notre rêve et venir habiter à Buoux avec notre première fille, Mireille, âgée de 3 semaines ! Puis un an après, acheter une « moitié de ruine » et avoir enfin des pierres à nous ! Francine notre deuxième fille y est née…

L’envie nous vint donc de grimper ces falaises, situées sous notre nez, avec les quelques copains fidèles dont Pierre Gras, vraiment une petite équipe.

Ayant monté un atelier de ferronnerie (cumulé pendant deux ans avec un bar-restaurant… l’argent étant assez rare !) cela permis la fabrication d’une multitude de « pitons » ajouté à des coins en bois assez originaux car nous étions assez fauchés. Mais quelle joie l’ouverture de ces voies, pas question de regarder la montre, avec descente en rappel  pour aller façonner soit le coin en bois, soit le piton qui convenait à la poursuite de la voie et sans oublier de se désaltérer, comme il se doit, avec le nectar des vignes du Luberon !

Et puis, le chantier étant si vaste, nous avons fait appel à la FSGT de Marseille qui, avec la jeune génération,  les Gorgeon, Nosley… ont donné un souffle nouveau, favorisé quand même par l’amélioration du matériel d’escalade.

Pour la suite se référer aux notes de Jean Gay parues dans le topo des falaises de Buoux édition 2004/2007.

Ce fut une période joyeuse, pleine de rires, de rigolades et de fêtes mais ne nous ont jamais fait oublier la GRANDE MONTAGNE, ses beautés et ses neiges éternelles qui nous poussaient toujours à la parcourir par tous les temps.

 

Le 30 mars 2010,

Huguette Coulon,

La Roche des Arnauds

 

 

Un demi-siècle dans le Vallon...

 

Un site et une lanterne magique

 

1ère image :

66 : Première visite, j’ai 13 ans et je regarde les «vieux» (Grassouillet, Ramuncho, Gus, Gayus… on a tous des surnoms dans la clique FSGT Marseille) s’escrimer dans la « Dock »… même plus ça existe comme voie maintenant à Buoux : Falaise « verboten » : Les Confines… et puis je crois que j’essaie… C’est trop dur, trop raide pour mes petits bras.

 

2ème image :

« Gendarme Pandore où allez-vous si pédérastement testiculant de la sorte ? - Je m’en vais sur ce mont de Vénus d’où l’on jouit d’un point de vulve partrouduculièrement clitoresque… » Il y en avait des dizaines comme cela, chansons paillardes théâtralisées pendant les soirées aux Claparèdes chez Ramuncho et la mère Huguette (au trou !...pour rester dans le ton !).

 

3ème image :

Dans la grande falaise, dix voies tout au plus…L’été 1969, il fait mauvais à Ailefroide.  Gayus nous emmène dans sa R 16 à Buoux… 1ère première ici : le Goître… quel pied!... devenue rapidement classique.

 

4ème image :

70 : Les révisions du Bac… Un petit break avant l’examen pour aller ouvrir (Lon Nol avait une voiture, la deuch mythique) la Cristopher que Serge Gousseault fera à l’automne et dont il dira "C'est beau et dur... bien les jeunes !". Du coup, on parle et il parle d’une ligne qu'il imagine à gauche des Fourmis… Pas évident. Et puis il quitte son corps dans les Grandes Jorasses en hiver. Alors nous allons nous atteler à cette ligne en sa mémoire. La Gougousse, technique lourde, confort à la clé, je déguste des raviolis, réchauffés dans la grotte, montés par la corde à matos, pendu en train d’équiper un bombé avec un rideau de neige derrière moi. Bien sur les pieds, le rocher de Buoux ne s’y trompe pas, nous avons réalisé quelques passages qui attireront l’élite régionale. Finie en 72 la Gougousse est crainte… C’EST LA GLOIRE !

 

5ème image :

71: On est sur la route de Florac où nous attendent d’autres aventures rocheuses et je commence à grimper dans ce qui sera « Autoroute du Soleil » bien plus tard… Je mousquetonne un bel arbre à dix mètres du sol et puis je pars en dülfer sur une écaille… et je … “tourne la page” ! Mon con de second  ne tient pas ou lâche la corde et bing, j’atterris assis par terre douze mètres plus bas… Une grosse fracture à la colonne vertébrale… merci l’ami ! Les pompiers d’Apt ne savent pas ce qui leur arrive. Le secours en paroi est loin d’être né dans la région... mais ils me ramènent à Cavaillon. Je me souviens de leurs efforts dans le chemin, sanglé sur mon brancard.

 

 

6ème image

Ramuncho c’est LE forgeron de Buoux - une “Figure” de la bande de copains, un peu “anars”- déconneur, ami des parents… Les samedis soirs étaient très animés en général chez eux, mais aussi parfois ailleurs. Une fois au détour d’une de leurs pérégrinations, ils avaient découvert dans une petite grotte… un four en pierre qui n’avait pas fonctionné depuis un ou plusieurs siècles certainement, en parfait état… avec encore des cendres à l’intérieur. Il y eut quelques soirées mémorables autour du four… La première cuite vers 19 ans… et ce qui m’a étonné : on arrive encore à grimper le lendemain matin, même bien d’ailleurs, une espèce de décontraction inhabituelle ! A la borie, squat d’une bergerie et puis aussi un peu partout, tout le temps. Comme cette fois où une bande de Mormons, ou quelque chose d’avoisinant, avait écrit en grandes lettres blanches « Jésus sauve » au bord de la route dans la combe de Lourmarin. On a ajouté « Toi vite ». La peinture de l’ami Lon Nol étant de bien meilleure qualité que celle des Mormons, on peut encore lire « Toi vite ». C’est lors d’un rassemblement national FSGT à la colonie Marseille que j’entends autour du feu pour la première fois une parodie sur l’air des “Bonbons” de Jacques Brel des paroles qui font : «J’me suis accroché au piton…».

 

7ème image : Buoux où s'écrit l'histoire....

73-75 : Déconner, bien sûr, mais grimper aussi. L’éperon du Nul (interdite maintenant) en face de l’éperon du Fort (également interdite, tombée dans l'oubli depuis la visite payante du fort )… où j’ai passé quatre heures et demie pour ouvrir cette traversée de 50 mètres et où j’ai inventé  la lunule artificielle percée au tamponnoir à main (l’ancêtre de l’Abalakov). Grimper sur les pieds comme ce rocher le demande… ça déstabilisait un peu les grimpeurs de la région habitués aux Calanques. Je m’y sentais tellement bien que j’ai passé de très longues périodes à y grimper en baskets (moins chères que les chaussons quand on n'a pas beaucoup de thunes). Quelques réalisations marquantes comme le «Toit du grand Tricot»… un chantier de tout un hiver, lorsque nous avions découvert les spits employés au Toit du Sugiton dans la Dévaluation. Départ sur le toit de la 2 CV pour mettre le premier golot, baudrier avec escarpolette pour le buste, pour se tendre encore un peu plus… une progression de dix mètres par week-end… Engagement nul… on s'amuse, on n'est plus du tout des alpinistes héroïques. Ô Sacrilège ultime: on ne sort pas au sommet ! Les aînés, eux qui étaient imprégnés de culture alpine, nous ont honnis, bannis...ils ne nous ont plus parlé pendant un bon moment.

Et aussi les séances de forge pour fabriquer les pitons chez Ramuncho. En effet on s'est vite rendu compte que ce rocher tendre ne supporterait pas les (dé)pitonnages successifs... La solution : équiper à demeure... Dur labeur de forer les trous de 14mm à la chignole manuelle quand on ne pouvait pas pitonner dans une fissure ! Mais ça tenait, je crois que certains ont été difficiles à extirper.

Mais…mais c'est trop bon ! On grimpe léger ! Cela se répand très vite dans le Sud... en France... dans le monde.

On se fout du sommet, on grimpe léger. le plaisir du geste invente l'Escalade.

 

8ème image

77-78 : Cette Escalade qui bouge, qui se fait sa propre place, l’histoire s’écrit dans le paysage des sports du rocher. On ouvre toujours du bas, une voie que l’on trouvait très dure. Lon Nol avait fait un passage très dur dans la première longueur, et ensuite une seconde longueur soutenue avec un peu d’artif, le Pilier De la Gueule Fermée (PGF). Puis arrive en catimini en semaine (nous on bossait) le prophète JC Dardicule qui travaille les pas, déséquipe et rééquipe à sa façon, “obligatoire”. On ne pouvait plus faire “notre voie”. Lui voit “Jaune”, nous on voit "Rouge". “Ouvre tes propres voies, laisse les nôtres tranquilles... il y a de la place”. Ramuncho et Grassouillet lui enduisent la voiture de matière issue de la fosse septique, quant à nous on va sévir dans son chef d’œuvre du Verdon… Le Triomphe d’Eros… Peintures, câbles vont la viabiliser en GR 69 !

 

9ème image :

82 : L’histoire qui s’écrit encore.

Un jeune blondinet parcourt en solo, devant la caméra de Jean Paul Janssen, quelques unes de nos voies qui vont propulser l’Escalade sur le devant de la scène des médias mondiaux. Un bel hommage du Blond - comme un secret que nous partagions - à notre feeling avec le rocher du Vallon....avec le rocher tout court.

Mais rançon du succès...Buoux premier site INTERDIT !!!

Tant qu'on n'était qu'une poignée on pouvait tout se permettre... c'est fini ; alors après bien des palabres, Buoux devient le premier site du Sud conventionné.

 

10ème image :

78-85 : Avec Main, un diable de grimpeur, deux souvenirs marquants : en 1978 nous mêlons escalade contemporaine, et traces des grimpeurs préhistoriques, en suivant une gouttière taillée par nos ancêtres en plein milieu de la falaise, pour collecter l’eau de pluie, mais les crochets à gouttes d’eau ne sont pas adaptés pour la gouttière… Alors nous sortons les serre-joints de maçon et les marteaux piolets comme crochets à gouttière !

Puis le Verdon m'écarte du Vallon. Mais j'y reviens avec Gecko une journée, pour simplement grimper... mais une "vision" change le cours des choses : imaginée le matin, ouverte du bas l’après midi, la Grande Veine Bleue (GVB) voit le jour avec seulement un piton planté !… Devenue classique rapidos je crois… Un goût de Veni, Vidi, Vici… Comme rarement !

 

11ème image :

XXI ème siécle : Le Vallon est un petit joyau avec tant de traces de nos ancêtres - grimpeurs par nécessité ou ferveur - ses maisons troglodytes encore habitées, ce travail, cette communion omniprésente avec la pierre. Il y a, perdus dans ces falaises, des endroits magiques comme le refuge des moines, lieu de méditation perché à cinquante mètres, ou la Tête de l’Indien, tour de guet accessible par un escalier taillé sur trente mètres de haut... et certainement beaucoup d'autres à découvrir.

Maintenant, j’y viens pour les amis, les chemins et les traces séculaires, mais plus rarement pour y grimper… La roue tourne ?

 

Bernard Gorgeon

 

 

 

 

ESCALADE  A BUOUX :  

CHRONIQUE INATTENDUE

DE LA NAISSANCE

D'UN SPORT DE HAUT NIVEAU

 

 

Pour l’édition 1987, du topo des escalades à Buoux, Pierre Pessemesse, alors Maire de Buoux, écrivait dans l’avant propos :

« Je ne reviendrai pas sur les évènements du passé… La charge à laquelle j’ai été élu m’ont conduit à jouer le rôle ingrat de père Fouettard et d’empêcher d’escalader en rond. Il m’a fallu mécontenter la tribu chevelue indisciplinée et jacassante des escaladeurs qui n’avaient pour horizon que la ligne bleue des falaises. Il a fallu extirper le camping sauvage pour que le vallon de l’Aiguebrun et le plateau des Claparèdes ne soient pas constellés d’une centaine de tentes. Et comme un militant attardé de mai 68, je continue à distribuer des tracts lorsque des grimpeurs en camping-car veulent s’installer à demeure. En ce moment, le « modus vivendi » fonctionne bien...

 

Je tiendrais aussi à préciser que je ne suis pas opposé à la pratique de ce sport dangereux, et fabuleusement inutile. Simplement, en tant que représentant de la population de Buoux, je rappellerai que nos concitoyens, aussi peu nombreux soient-ils, ont droit à ce qu’on les respectent, eux et leurs propriétés. C’est l’intérêt de tous que ne se renouvellent plus les excès qui, toutes proportions gardées, nous ont ramené dans la période de la plus sombre des guerres de religion ».

 

 Pour l’édition 1991, toujours maire de Buoux, Pierre Pessemesse souligne dans l’avant-propos :

« Cette fois-ci, les lecteurs du « topo » n’auront pas droit à la publication in extenso de la convention en vue d’organiser et de réglementer la pratique de l’escalade sur le territoire de la commune de Buoux. D’abord parce que la lecture de charte et de convention s’apparente à celle du journal officiel qui est plutôt aride et ne passionne pas les foules. Ensuite parce que bien des objectifs qui découlent de cette charte ont été atteints. Des accès aux falaises ont été aménagés, les abus et les nuisances qui tout au début avaient si fort secoué la population de Buoux sont en régression très nette. Les escaladeurs raisonnables et même les autres ont compris dans l’ensemble qu’il n’est pas souhaitable que des centaines d’entre eux campent sur le site au mépris des lois interdisant le camping sauvage sur la propriété d’autrui…

 

Toutefois, je crois qu’il convient de rappeler aux « utilisateurs de falaises » (escalabarri serait le mot provençal le plus adéquat pour désigner l’escaladeur) qu’ils exercent leur sport favori sur le territoire d’une commune ou résident des contribuables qui payent des impôts. C’est avec cet argent que la commune de Buoux a en charge la voirie et l’enlèvement des ordures ménagères.  Nous avons dû faire des efforts financiers considérables en aménageant des parkings ou stationnent les voitures des grimpeurs… Nous ne prélèverons aucune taxe sur l’escalade. Et le maire, quant à lui, doit assurer ses fonctions de police, d’ou l’arrêté pris récemment en concernent le stationnement sur le chemin vicinal n° 5 préconisant l’enlèvement et la mise en fourrière des véhicules gênants. Il faut que les escaladeurs soient bien conscients qu’en stationnant anarchiquement dans le vallon de l’Aiguebrun, ils empêchent l’arrivée de secours en cas d’incendie ou d’accident d’escalade, le passage doit être assuré pour les camions, ceci dans leur intérêt même…

 

L’année 1990 a vu cette fréquentation se stabiliser. Souhaitons qu’il en soit de même pour les années à venir et que les escaladeurs de tout poil et de toute nationalité fréquentent aussi les autres sites de Provence qui évidemment ne sont pas aussi sublimes qui celui de Buoux, mais qui valent le coup…Que l’homme (ou la femme) jeune de préférence se soit transformé(e) en « Lagramusa », c’est à dire en petit lézard gris des murailles familier de la roche et du soleil. Mais des « Lagramusa » qui ne d’engourdissent pas pendant l’hiver et que seuls le canicule ou le gel sibérien rebutent. Et enfin, tout en faisant abstraction des problèmes imparfaitement résolus, qu’il me soit permis de poser une devinette : « Qu’est-ce la rage de vivre, à part un film célèbre ? » Et bien, la réponse est simple : c’est un enchaînement de la « Rose« et de la « Secte ». Voilà ce que le profane trouvera dans le livre. De même, s’il a quelque envie de danser, il aura le choix entre « La valse aux adieux », « Bee bop tango » « Chabada swing » et la « Polka des ringards ». Tout ceci bien évidemment sur le « Boulevard du rock ». En supplément, « Le viol du corbeau ». Voilà qui est « Archi-Hyper-ulta-extra », ce qui est aussi le nom d’une voie. Comme quoi, il n’y a pas que les voies du Seigneur qui sont impénétrables… »

 

 

Snoop : Pierre, avec le recul des années, en 2016, quel regard 

portes-tu sur les "Escalabarri",

comme tu les appelais ?

 

Au début, ma réaction était celle du sens commun. Mais qui étaient donc ces fadas qui utilisaient leur loisir à grimper sur des rochers,  au péril de leur vie et qui trouvaient du plaisir à s'élever et à progresser le long d'une paroi comme des coléoptères laborieux ? Je ne tardais pas à les connaître, d'abord Raymond Coulon qui pour satisfaire sa passion vint s'installer à Buoux comme ferronier d'art et puis Bernard Gorgeon, guide haute montagne, les premiers dont les escalades ont suscité des attroupements sur le chemin communal des colonies, les touristes et les promeneurs s'arrêtant longuement pour contempler l'escaladeur tel une fourmi sur la falaise haute de cent mètres un de ceux qui avaient ouvert une des premières voies baptisée précisément le pilier des fourmis. Certes, il existait dans les Alpes depuis belle lurette des alpinistes qui grimpaient à l'assaut des cimes et qui s'étaient équipés en conséquence.  Je n'ignorais pas Frison-Roche dont j'avais lu le livre « premier de cordée » et j'avais vu le film. Mais loin des sommets inaccessibles, des névés et des neiges éternelles naissait simultanément à Buoux et à la Palud-de-Verdon  un sport bartassier de farigoule et d'yeuses qui se différenciait du précédent. Ce qui était un entraînement accessoire à l'alpinisme de haute montagne devenait le principal. Je ne reviendrai pas sur les épisodes de sur fréquentation du vallon de l'Aiguebrun qui se sont ensuivis ni sur mes interventions impopulaires en tant que maire pour mettre fin à une situation anarchique. J'avais l'impression cauchemardesque qu'il existait un seul endroit au monde où l'on pouvait pratiquer ce sport, ici même.  Mais, l'horizon s'est éclairci lorsque les escaladeurs se sont enfin aperçu qu'en Provence et ailleurs, il n’y avait d'autres roches calcaires qui se prêtaient parfaitement à l'escalade. En même temps, avec la descente en rappel, l'évolution de ce sport prenait une autre tournure : plus besoin de redescendre par des sentiers de chèvres pour recommencer à grimper, on se retrouvait en cinq sec au pied de la falaise et on attaquait une autre voie. Le terroir agricole de Claparèdes retrouvait sa tranquillité.  Tandis que le nombre de voies se multipliait rapidement, dans le vallon, dans les contrées nordiques, on compensait le temps pluvieux et le manque de soleil par l'installation de voies artificielles dans d'anciens bâtiments industriels en friches. Et ce fut le cas à Sheffield dans le royaume uni où j'allais rendre visite à ma fille Estelle escaladeuse qui avait choisi cette ville universitaire pour étudier l'anglais parce que précisément elle connaissait de Buoux bon nombre de grimpeurs originaires de cette ville. Alors que je constatai tristement que pendant la semaine que je passai là haut le soleil  ne s'était montré qu'une seule journée.  J'étais impressionné par le bourdonnement de ruches qui régnait dans cette structure métallique, bien protégée des intempéries où la jeunesse grimpeuse anglaise se livrait à son sport préféré. L'année 1983, pour calmer la tension j'avais pris un arrêté municipal interdisant l'escalade sur le territoire de la commune, tandis que je négociais avec les propriétaires, le CAF et la fédération d'escalade pour une convention qui encadrerait tant soit peu la pratique de ce sport. Cet été là, l'immense majorité des escaladeurs respecta ce temps mort, sauf deux irréductibles, les frères Le Ménestrel aux quels les gendarmes de Bonnieux, sur mes injonctions faisaient une chasse impitoyable, mais toujours aussi vaine. Lorsque je désignai à la maréchaussée les deux coupables tout là haut sur la falaise, deux points noirs qui terminaient l'escalade d'une voie baptisée l'escart-à-Paulette ou la dérive des incontinents et que je leur intimai l'ordre d'aller les verbaliser, les gendarmes hochaient la tête et finissaient par m'avouer qu'ils n'étaient pas en état de le faire. Afin pour ceux qui ne seraient pas au parfum, je signalerai qu'Antoine Le Ménestrel, celui qui se qualifie lui même de lézard bleu -lagramusa bluia- dans la langue du pays a fini par se marier avec ma fille Marie Laure et que leur fils Joakim bientôt majeur pratique aussi l'escalade. L'évolution de la technique mérite que l'on s'y arrête : alors qu'au tout début on raisonnait en termes de pitons et de neige éternelle, les escaladeurs se sont vite aperçu qu'il serait beaucoup sécuritaire, pour équiper les voies, d'installer des spits, des pitons modernes vissés au fonds du rocher. Car ne l'oublions pas, malgré la sécurité du matos, baudriers pitons et cordes  l'escalade demeure un sport dangereux. Il l'était bien plus jadis et je me souviens vers la fin des années 1980 l'arrivée à Buoux d'un car vétuste brinqueballant et fumant, tout plein d'escaladeurs Tchécoslovaques dont le matériel grossier et peu sûr datait sans doute de l'époque du « calèu (lampe à huile) « et de la marine à voile. J'avais favorisé l'arrivée  de ces escaladeurs en signant quelques papiers où j'assurais me porter garant d'eux. Après qu'ils soient parti, je reçus pour l'année suivante 1990,  quelques cinq cent demandes de même type, j'étais plongé dans le doute le plus affreux et j'envisageai de leur envoyer cinq cent fausses adresses où des citoyens français imaginaires se porteraient garants d'eux, lorsque le régime communiste s'effondra, la Tchéquie se sépara de la Slovaquie et le matos des escaladeurs tchèques ou slovaques s'améliora rapidement et atteignit le même niveau que celui des pays occidentaux dans l'enfer capitaliste.

 

Les années 2000 ont vu s'inscrire dans l'airain de la constitution française un principe de précaution, fort curieux en soi, qui prétend au nom de la sécurité du citoyen lui interdire toute activité ou toute nouvelle invention à risque. Mais l'état, ce monstre, ce Moloch n'est jamais très cohérent avec lui même, et comme pour la tabagie qu'il entend combattre et extirper, tout en se gonflant comme una lengasta de sang en prélevant des taxes et encaissant des bénéfices  de plus en plus élevés, il ne balaie pas devant sa porte et il est évident qu'il devrait interdire la circulation automobile, autre source de revenus -l'essence !- et surtout provoquant plus de quatre mille morts sur les routes. Il aurait dû aussi interdire l'escalade qui est dangereux. Durant mes 28 ans de mandature à la mairie de Buoux, nous avons eu à déplorer quatre ou cinq accidents mortels. Les causes de ces accidents sont de trois natures 1° la distraction ou l'inattention. C'est ainsi que j'ai assisté à l'accident de Lynn Hill. Je m'étais arrêté sur la route à la hauteur de la grande colonie de Marseille pour discuter avec le voisin Bongi quand tout à coup nous entendîmes un cri déchirant suivi d'un bruit assourdissant de branches cassées et puis d'un silence sèpulcral puis nous vîmes tous les escaladeurs sur les falaises se précipiter vers le point où avait lieu la chute. Heureusement Lynn  Hill était vivante, pleines d'ecchymoses et de griffures, car elle s'était écrasé sur les ronces et les yeuses, les jeunes chênes verts dont le branchage avait amorti la chute. Simplement en discussion avec un collègue, la grande alpiniste avait oubli de boucler son baudrier 2°le manque d'expérience et d'entraînement sérieux, c'est ainsi que mourût à Buoux un jeune homme qui avait laissé trop de mou à la corde et lorsqu'il dévissa et  que celle ci s'immobilisa,  ce fut  le coup du lapin 3° la trop grande confiance en soi même, une escalade anglaise chevronnée, qui traversait de la plage(nom donné à deux baumes en hauteur ans doute habitées au V° siècle par des moines stylites) jusqu'à l'autre côté du pilier des fourmis, un passage très fréquenté où il y avait une protection, mais elle, trop sûre d'elle même, négligeait souvent de se protéger. Et cette fois, il avait plu, le rocher était mouillé et elle glissa, une descente fatale de trente mètres où aucun arbre n'amortit la chute. L'escalade est donc un sport dangereux, mais qui aussi des côtés positifs. C'est un sport qui ne recourt pas au dopage, un sport où l'on  tâtonne, où l'on hésite avant de trouver la bonne prise, un sport solitaire où arriver premier avant les autres n'a aucun sens. Et je le maintiens, un sport dangereux. Ce qui en soi n'est pas rédhibitoire.

 

En effet, la vie n'est pas un ramassis  d'écrans de télévision et de jeux vidéo. Elle est tragique parce qu'elle finit par la mort et celle ci peut survenir inopinément. L'escalade par la maîtrise de soi qu'elle assume me paraît être positive. Elle n'élude pas le danger et l'intègre comme donnée de base. Elle est tout aussi futile que divertissante. Elle est pratiquée par tous les dieux de l'Olympe dans toute leur diversité, mais échappe à la fureur monothéiste. Une antidote au vertige du corps et de l'esprit qui nous entraîne dans les abymes,  j'écris ça en connaissance de cause,  car moi qui à l'âge de douze ans escaladait à la poursuite des chèvres tous les rochers sans la moindre protection, admirant comment celles ci se tenaient en équilibre sur une minuscule pointe de rocher pour manger les feuilles succulentes d'un lentisque tèrèbenthe, depuis déjà pas mal d'années, je constate qu'avec le vieillissement inéluctable, je suis sujet au vertige, surtout quand je vois un de mes petits enfants de six ans s'approcher dangereusement du vide.

 

Mais sans doute comme moi enfant lorsque j'escaladai le rocher de l'Aiguille (l’Indien) à mains nues -c'est facile il y a des escaliers du V° siècle-, comme la bête capricante, comme mon felen Paolo– dans la prime jeunesse, on n'a pas la même perception du danger.

 

Pierre Pessemesse,

Maire de Buoux  pendant 28 ans  

 

 

Photos ML Pessemesse

Signé « Farax »

 

Ma première visite à Buoux remonte au 3 novembre 1972. En remontant des Calanques, Jean-Marcel CHAPUIS a voulu me faire connaître cette école alors peu fréquentée. Nous n’avons fait qu’une voie « la Marine », mais je fus sacrément impressionné ! Il connaissait par le biais de la F.S.G.T, notre club de l’époque  car la section Marseillaise avait organisé en 1969 un rassemblement à Buoux lors de sa fête annuelle des Carnutes… Pour fêter l’ouverture du Pilier des Fourmis ils avaient, m’a raconté Jean-Marcel, enflammé une coulée d’essence dans le bombé final !  


Dans ces années 1972/1973 nous fréquentions plus les Calanques et Buis. Je n’y suis revenu qu’en mars 1974. Il faut dire que le rocher semblait à l’époque impossible même en artif. Je n’aurais jamais imaginé que des voies puissent exister dans le mur du Styx …. Et que dire dans les toits du bout du monde !!!

Les voies sont équipées du bas dans les lignes naturelles (« le Tozal », « la Marine », « le pilier des Fourmis ») nous les gravissons en artif et une voie dans la journée suffit à la satisfaction des grimpeurs...

Les voies sont peu nombreuses mais les secteurs interdits aujourd’hui comme les Confines ou le Fort sont les seuls vraiment fréquentés. Tous les grimpeurs se connaissent et Raymond Coulon forgeron à Buoux (un parisien exilé…) transforme son salon en QG chaque WE… Les Habitués de l’époque sont, outre le forgeron, Pierre Gras, J.P Fédèle, le père Gorgeon Bernard et Daniel  ont … une dizaine d’années tout au plus quand je les croise pour la première fois, Jean Gay ...  
Nous sommes "les Lyonnais" et nous prenons l’habitude de descendre chaque long WE à Buoux, nous logeons dans une borie, aujourd’hui interdite et fermée, située au sommet des falaises. Nous participons à la guéguerre anti-Droyer du côté Marseillais bien sûr !

A partir de 1980, Buoux et le Verdon à un degré moindre, seront presque exclusivement nos sites pour pratiquer le libre. Les 67 voies que j’ai équipées à l’Aiguebrun donnent la mesure de ma passion... qui explique aussi, en partie, mon abandon de Presles durant 15 ans. Certaines voies comme "le bouclier" et la "Cristofer » aux Confines ou la "Souche à Mex" à l’Aiguebrun sont des challenges respectables… et la longueur de la  "Gougousse" au dessus de la niche reste la limite des possibilités humaines par son passage obligatoire, un petit 6a+ !

En avril 1974, pour avoir été à l’aise dans la « Cristofer »,  j’ai fait l’aller retour au Verdon le lendemain … tranquille dans ma tête pour affronter la voie de la « Demande » !

Toutes ces anecdotes situent bien cette époque où les voies s’ouvrent du bas, même en école car les golots n’existent pas. Avec Bernard Macho, nous avons fait une tentative poussée le 7 septembre 1975 dans ce qui sera 15 ans plus tard, la voie "Excalibur". Bien sûr nos pitons classiques,  il en restait un en place récemment, ne purent venir à bout du passage….

Buoux a marqué des étapes dans le libre en France, c’est certain, mais aussi dans ma vie.
Les bivouacs se sont déplacés de la Borie sur le plateau à la grotte de "Mythe errant" (au pied des Confines), puis une maison abandonnée entre Lourmarin et Bonnieux, une autre ruine ensuite entre Bonnieux et Apt, et pour finir, le célébrissime hôtel l’Aptois … (en squattant une chambre à plusieurs ), sans oublier le camping lors des rééquipements, avec sa passionnaria Lucette, aujourd’hui à la retraite.

L’escalade est passée de l’entraînement à l’alpinisme, vers la recherche de la performance. Avec une date marquante : la première voie ouverte avec des golots le 3 février 1982 !
Habitués aux chevilles auto-forantes de 8mm et 10 mm dans le calcaire de Presles, nous transférons les premiers, cette technologie à Buoux avec, tout comme à Presles à la même époque, la conscience que les voies sportives modernes s’équiperont à présent essentiellement par le haut.

Dans la mollasse de Buoux, nos auto-forants ne s’expansent pas... et pour les faire tenir nous les enduisons de colle cyanolithe… qui donnera le nom à cette première voie technologique du Luberon ! Elle sera enchaînée en libre le lendemain par Dominique Marchal (dodo) et validée pour un bon 6c.
Les bleausards parisiens découvrent les fameux double expansions à la quincaillerie d’Apt, sponsor involontaire de la falaise durant ces années,  et à Lyon, je déniche le même modèle chez UPAT. Dans la foulée nous réalisons qu’un simple vilebrequin permet de percer le tendre calcaire de Buoux avec une mèche de diamètre approprié. Cette technique sera difficile dans les dévers car il faut appuyer sur le pommeau pour entamer la roche. Le travail reste néanmoins fastidieux et pourtant presque toutes les voies de Buoux furent équipées ainsi. Les perceuses à accus datant du début des années 90, c’est sans doute ce relatif manque de facilité, qui amena un équipement parfois espacé.
Les parisiens Marc et Antoine Le Ménestrel, JB Tribout, David Chambre, Fabrice Guillot et Laurent Jacob, tous excellents bleausards et techniquement plus forts que moi porteront ici l’escalade mondiale à son sommet. Quand à Bruno Fara et plus tard Serge Jaulin, Pierre Duret, équiperont un éventail de difficulté à tous les niveaux. Travail quantitativement plus important mais moins médiatisé que les 8b du bout du monde… fait à ce jour que ces falaises de l’Aiguebrun  restent encore fréquentées.

Le blond (Patrick Edlinger) qui dans le mur d’Autoroute traça des itinéraires côtés pendant quelques mois 2 lettres au dessus… reste "un épisode", car il ne participa pas réellement à l’essor de Buoux. Côté Marseillais, les Frères Gorgeon et Pepsi furent aussi créatifs.
De mon côté à partir de 1982, l’évolution est en marche. Au début, je me contente de changer les points dans les challenges en libre mal protégés, puis ce sera l’exploitation de secteurs entiers … En 1983, Au Styx « Recréactivité ».  En 1985,  Germanophobie marquera notre rancune envers les étrangers inconséquents, qui par leur comportement firent interdire la falaise une année durant (et même à jamais pour les Confines…). Ils rentrèrent chez les gens pour se laver aux fontaines, bivouaquèrent dans les propriétés privées, bloquant la minuscule route de la combe à Pâques…. un arrêté municipal d’interdiction en fut le retour de bâton.

Ensuite, il y aura les voies sous la plage, les voies à la plage, à la plagette, la vire des diamants et surtout le secteur entre la Fakir et le Tozal baptisé Signé Farax... (nom qui n'est pas resté !!!) et qui était entièrement recouvert par un lierre gigantesque de 30m de haut !

Dans les années 1990, le rééquipement total de la falaise sera réalisé et le CD Vaucluse renverra l’ascenseur de mon investissement passé, totalement bénévole, même les points furent de ma poche, en me confiant une part de ce travail rémunéré.

Avec moi, d’autres Lyonnais participèrent à cette frénésie d’équipement : Rémi Escoffier, J.C Bérrard, Eric Revolle, Laurent de la Fouchardière entre autres.

J’ai aussi participé à l’élaboration et à la diffusion des topos de Buoux 1991 et 1995, en 2004 une réédition s’imposait. Le CD 84 qui gère la falaise l'a fait avec mon assentiment. Quand à moi je passe chaque année 1 ou 2 WE à Buoux avec un peu de nostalgie. Je constate que certains de mes derniers projets ne sont toujours pas réalisés ! ! !

Si je n'avais qu'un souvenir de Buoux à raconter ce serait ce qui est écrit dans mon carnet au 28 mars 1986 ..."Autoroute »... tombé entre le dernier point et le relais... je ne mérite pas de vivre!", puis au 4 mai 1986 FLASH Z ... 18h30... après 4 mois de siège et quelque 40 assauts des troupes d'élite ... « Autoroute » s'est rendu sans condition!

Buoux est effectivement l'école où j'ai progressé en escalade et ce 7c d'autoroute était dans la continuité de mon premier 7a, « T.C.F » (à l'époque 6c+), le 28 novembre 1982, ensuite « Escouba » le 8 janvier 1984 puis « Songe sucré » le 14 janvier 1984 .... et ensuite un millier d'autres 7a !

Après la dernière édition du topo, je ne suis revenu à Buoux que pour le plaisir car avec l'âge, la perspective des performances s'éloigne. Les deux chantiers de rééquipement sont aussi de très bons souvenirs, j'étais payé pour ce faire, et en plus, j'ai vécu des instants inoubliables de solitude, à la nuit tombante au sommet de l'Aiguebrun...

Bruno Fara

 

A propos d'Alain Robert

 

1991. Alain Robert veut gravir en solo,en face ouest à Buoux« La nuit du lézard », 8a+. Il demande alors à  Laurent Belluard, jeune journaliste et photographe pour le magazine Vertical, de venir faire des photos,  histoire de graver non pas sur le marbre mais dans la pellicule sa performance, en précisant bien que s’il ne se sentait pas, il ne grimperait pas.

C’est au péage de l’autoroute que tout débute.  Ne pouvant faire de mouvements de mains en supination, suite aux séquelles de ses chutes (rappel qui lâche, etc, jamais en solo), Alain rencontre les pires difficultés du monde à donner les pièces de monnaie à l’opératrice. La moitié finit par terre, sur la route… Laurent se dit alors : « Escalade… Solo… Difficulté pour un geste simple de la vie courante… Ce n’est pas gagné !!! »

En face Ouest, la voie est occupée par un très bel et musculeux grimpeur allemand, blond comme il se doit, super bien habillé, bref, aussi bien foutu qu’Alain apparaît tout tordu !Il essaie en vain d’aligner au maximum deux mouvements d’affilée dans la voie. A l’assurage, une super gonzesse à l’image de son grimpeur, comme on n’en voit que dans les revues…La scène est terriblement contrastante…

Alain, quant à lui, est un peu speed, un peu inquiet, un peu stressé… La séance photo doit se faire à l’ombre, le temps passe et le grimpeur squatte la voie.L’Allemand fait tomber sa corde après qu’Alain le lui ait demandé, un peu à contre-cœur quand même, mais sans trop se faire prier. Il paraît incrédule, un peu comme s’il hésitait à signaler la côte de la voie à Alain pour lui faire comprendre qu’il n’était pas à sa place…

La voie est libre.

Une corde pour le photographe est installée par Alain dans une voie plus facile à côté, sans baudrier, juste avec la corde autour de la taille.

Tout est fin prêt. Alain se concentre mais reste très speed, mal à l’aise. Il sait qu’il joue gros dans cette voie aléatoire en diable en son sommet. C’est parti. Premier essai d’un jeu où il n’y en a rarement un second. Comme il se doit, sur sa statique, Laurent derrière son objectif, mitraille à tout va… Dans les trous où l’Allemand ramait, il passe en trompe sans même se soucier de la difficulté jusqu’au moment où, en sortie de voie, dans le fameux passage très délicat en adhérence sur des bossettes bouareuses ????, il zippe d’un pied. Grâce à un gainage du corps impressionnant, la situation redevient sous contrôle… Alain sort la voie !

Tout est dans la boîte.

Le grimpeur allemand n’a pas raté une miette de l’affaire, allongé avec sa copine sur un des gros rochers du pied de la voie. Médusé, il apparaît aussi dégoûté que perplexe. Comment est-ce possible ? Son monde bien organisé et parfaitement hiérarchisé vient de s’écrouler avec ses dernières illusions. Il vit la réussite d’Alain, qui rentre dans l’histoire du solo avec cette réalisation majeure, comme une injustice. Pourquoi il a fallu que ça tombe sur lui ? S’il avait grimpé au Bout du monde ce matin, tout irait encore bien ! Impassible, il apparaît comme ces arbres encore dressés mais pétrifiés par la foudre, aléatoire, qui s’abat où elle veut, sans prévenir... Laurent  imagine depuis que ce gars a dû vendre tout son matos et utiliser ses muscles dans un autre sport mais que plus jamais, il n’a dû toucher au caillou, matière tellement  injuste…

Propos recueillis par

Snoop

Collaboration avec

Laurent Beluard

A pieds nus...

Buoux, Buoux, Buoux...

Une falaise avec un nom qui sonne aussi bien…

Ca ne s’invente pas...

 

C’est le coup de foudre avant même d’y avoir mis les pieds !

Au début des années 80, se retrouver au pied de ces murailles de pierre toutes lisses qui vous toisent en bombant fièrement le torse ça entame un peu votre détermination. Face à face avec ces fameux  trous  de toutes tailles, l’aventure Buouxienne peut enfin commencer. Mais voilà il y a un hic : avec  les sabots à grimper de l’époque, les trous de Cap’tain crochet se fendaient bien la poire de me voir zipper à tout bout de champ.

Tenter l’aventure à pied nu (comme  Bernd Arnold  de l’autre côté du rideau de fer depuis son fief de l’Elbsandstein ou Henry Barber au USA) devint donc une évidence.

Les premiers temps sont un peu douloureux mais l’habitude et l’entraînement aidant (marche au quotidien de rigueur, à la ville comme à la campagne !)  je peux finalement « prendre mon pied » dans certaines voies en vogue du moment comme No Man’s land, Cap’tain Crochet, la Volière, Viol de Corbeau, L’autoroute du soleil, Partie carrée, La Polka des ringards, Rêve de papillon, Kaderlita, les Diamants sont éternels, les Mains salles et bien d’autres voies toutes aussi belles les unes que les autres.

Je deviens donc adepte du « bare foot » durant plusieurs années et parcours aussi les classiques en calcaire du Verdon comme Pichenibule (avec son fameux bombé) ou le granit de l’Aiguille du Midi, du Grand Capucin ou de la Directe Américaine au Dru avant de trouver chaussons à mon pied : les fameuses ballerines Boréal imaginées par Jacky Godoffe.

 

Philippe Gaborio dit « Gabo »

 

Chouca… Youpi…Youpla !

 

C’était à la fin des années 80 de notre ère… Un célèbre grimpeur américain, venu tout droit de camp IV, un bandeau dans les cheveux, typé Indien, Ron Kauk… « The famous » Ron… débarque dans le sud de la France et plus précisément à Buoux.

En   charge d’une visite guidée et  après un tour en face Ouest, nous voici partis par une belle après- matin vers « Le bout du monde », haut lieu à l’époque de ce qui se faisait de plus dur à Buoux, en France et dans le monde, en général.

Nous passons devant « TCF », puis le « Mur du Styx ». Les commentaires vont bon train et les arrêts sont nombreux. L’enthousiasme est au top !  Arrivé à la hauteur de « No man’s land » je le laisser passer devant sur le chemin descendant  qui mène vers l’ultime secteur grimpable de la falaise.  Petit arrêt à la « Fissure Serge », célèbre voie bien retord pour les grimpeurs de petite taille… et là j’entends des jurons, que nous avions appris bien avant les mots classique de la langue  de Shakespeare, des exclamations aussi… No way !!!! Je vous fais grâce de tout le reste car en plus cela ça a duré un sacré moment… Un peu en retrait derrière lui,  je comprends volontiers sont emballement mais je suis toutefois quelque peu surprise de tant d’expression orale pour une partie de cette falaise certes exceptionnelle… mais bon ! Je mets tout simplement cela sur le compte de l’exagération « made in US ». A mon tour de lever la tête. Ron avait vu juste et le langage à la hauteur de ce que nous venions de découvrir… Pour ma part et à l’inverse,  ce sont les mots qui ne sont pas sortis : Un grimpeur Allemand était entrain de se faire photographier dans « Chouca ». Jusque là  rien de plus naturel à cette époque, sauf qu’il était équipé déguisé en alpinisme avec tout ce qui va avec à savoir : piolets-crampons ! Image troublante…

Je savais que la mer était encore présente dans la région il y  30 millions d’années, mais j’étais loin d’imaginer que nous étions en pleine période de glaciation !

Même si je n’ai jamais vu paraitre de photos dans une quelconque revue spécialisée d’escalade, il est clair que nous n’avions pas rêvé. A chaque fois que je vais faire un tour « Au bout du monde », je ne peux m’empêcher de repenser à Ron et à l’autre hurluberlu de grimpeur déguisé en alpiniste le temps d’un shoot photographique …  

Snoop

Le Bombé Bleu...

 Une improbable équation

 

L’affaire qui nous occupe se déroule sur les flancs d’un des plus beaux bombés de Buoux. Un rappel des faits s’impose pour éclairer le grimpeur.

 

A partir de l’année 1980, Buoux devient le berceau de la difficulté en France, le Monde entier a les yeux tournés vers ce spot mondialement connu. Une poignée de grimpeurs français, la jeune génération qui bouscule tous les standards en matière de difficulté, a compris que les murs lisses de cette molasse offrent un terrain de jeu exceptionnel, l’équipement depuis le haut se systématise rapidement pour les conquérir, comme une pratique assidue des mouvements ce qui n’était pas encore le modus operandi pour réaliser les voies.

 

L’histoire s’accélère en 1983 avec un premier 8a équipé aux Confines par Patrick Edlinger (le secteur devient interdit à l’escalade en 1985) et surtout Rêve de Papillon (7c+ plutôt tassé, par Marc Le Ménestrel, le premier prodige  de l’escalade française, un peu plus jeune que son frère Antoine). Avec cette voie et d’autres qui vont suivre, les frères Le Ménestrel, (Jibé Tribout, David Chambre, Laurent Jacob) lancent  la mode des voies athlétiques  spectaculaires et le parcours de bombés énigmatiques.

 

Ces actes fondateurs poussent les grimpeurs vers de nouveaux territoires que sont les surplombs et notamment ceux que l’on peut observer dans la partie Est de la falaise en seconde longueur. L’équipement de ces lignes fera dire à Alan Watts (fort grimpeur américain de passage en France en 1988, auteur des premiers  Bolts  systématisés à Smith Rock), que l’on grimpe à cet endroit comme dans les fissures les plus raides des USA, mais « sans les fissures ». La découverte des bidoigts et des monodoigts qui foisonnent dans ces lignes impressionnantes, laisse pantois certains visiteurs les plus éminents et les plus titrés de la planète, quelques égos prennent des coups.

 

En 1989 Ben Moon, un autre jeune prodige mais anglais, réalise Azincourt 8c indiscutable, rarement répété depuis, on compte moins de quinze parcours. Cette cotation qui fait ainsi irruption sera égalée avec d’autres voies de la même cotation mais jamais supplantée à Buoux.

 

Après cette période historique  époustouflante et l’épuisement des lignes possibles, la falaise aurait pu retrouver une relative quiétude mais le vallon ne pouvait s’endormir si facilement.

 

Toutes les faces sont scrutées, tous les pans de falaises sont visités dans l’espoir de trouver le Saint Graal, la voie nouvelle qui permettra d’assouvir la passion dévorante des virtuoses de Buoux et pourquoi pas d’égaler cette autre voie qui devient rapidement mythique « Action Directe 9a » de Wolgang Güllich.

 

Au-dessus du secteur de la plage (face sud donc), une portion de rocher semble attendre son équipeur. C’est Marc Le Ménestrel, alors qu’il vient d’équiper « Mauvais sang », un 8b teigneux, qui lance sa corde, repère les prises et tente les mouvements de ce qui va devenir le plus grand problème de Buoux et peut-être du monde à ce moment-là ? Un grand nombre de grimpeurs l’essaye, parfois en catimini.

 

Plus de vingt ans après ces premières visites, le mystère demeure. La voie est jugée faisable mais a-t-elle été gravie comme un grimpeur le prétend[1]. Se trouve-t-on devant un exploit comme celui réalisé par Bob Beamon à Mexico ou plus près de nous par le parcours du premier 9B gravi en France par Fred Rouhling en 1995 et qui fut contesté par une partie de la communauté des grimpeurs ?

 

Il était intéressant, sachant que cette voie n’aurait jamais été refaite depuis ce premier parcours douteux de tenter de déchiffrer l’énigme.

Un appel à témoin fut donc lancé et l’enquête prit un tour nouveau.

 

Le premier grimpeur que j’ai interrogé c’est Marc Lemenestrel lui-même[2]. Bien que de nombreuses années se soient écoulées, Marc n’a pas manqué de s’intéresser lui aussi à cette énigme. Les réponses qu’il apporte sont édifiantes.

Quand as–tu repéré la ligne que l’on appelle le  Bombé Bleu  à Buoux ?

Marc L Ménestrel :

Dans mon souvenir, j’ai l’impression d’avoir repéré ce bombé depuis la première fois que je suis allé à Buoux, en 1981 (j’avais 14 ans). A l’époque, il représentait l’impossible. Je l’ai équipé je crois en 1990 ou 1991 dès que je suis descendu dedans et je l’ai essayé peu après. En l’essayant, le problème était  que j’arrivais à peine à me pendre sur les prises. Sybille (sa compagne ndr), se rappelle que je disais « du mou, du mou, du mou…bloque, bloque, bloque !!! » Bref, je ne tenais pas grand-chose. Il y avait certainement un coté exceptionnel aux mouvements, qui tenaient carrément de l’acrobatie pour certains. Mon niveau à l’époque était de 8c en falaise j’avais fait Azincourt 8cet  du 8A+ en bloc avec Coup de feel. Clairement, ce bombé était plus dur. En plus, il était très spécifique, en particulier les petits bidoigts une phalange plutôt crochetant. Un peu tendineux car certains doivent être arqués. Ce sont des mouvements un peu comme ceux que l’on trouve au Frankenjura. Aussi, il y a peu de pieds, ce qui est toujours un mauvais signe pour moi qui aime compter sur mes grosses cuisses.Quant à leur enchaînement, ce n’était pas vraiment le problème : c’était hors de portée pour moi. L’éloignement des prises est aussi un problème. Le jeté au départ, puis un blocage sur un bidoigt vers le 4ème mouvement et enfin, un mouvement vers la gauche en haut de la seconde section. Mais il m’a semblé qu’aux endroits où les prises étaient les plus éloignées, elles étaient aussi meilleures, laissant envisager un possible parcours.

Pour celui qui est intéressé par ce problème, il faut savoir que la voie est courte : 15/17 mouvements au plus et que les mousquetonnages ne sont pas impossibles mais très pénibles. Ainsi, le problème d’enchaînement sera assez classique, il faudra la capacité de faire les mouvements pas trop aléatoirement, de la résistance et  de la persévérance.

As-tu pensé à ce moment que ce problème était « solvable » ? En 91 il y avait déjà Action Directde Wolgang Güllich.

J’ai toujours pensé que ce bombé était grimpable mais seulement pas par moi !

En as-tu parlé autour de toi ? A qui, en quels termes ? 

J’ai dû en parler avec Ben Moon, Jerry Moffat ou d’autres amis de l’époque. Je ne suis pas du genre à faire des secrets ! Ce problème est resté « ouvert » à tous.

 

Alors, Bombé Bleu grimpé ? Improbable est le mot qui vient à l’esprit. Comment un grimpeur peu connu aurait pu gravir cette voie que tout le monde lorgnait, avec la parution d’une seule image prise de loin et avant qu’un point ne soit rajouté au milieu pour permettre de travailler une des sections, puis disparaître ? Comment aurait-il pu être si en avance sur son temps ?[3]

Le Bombé Bleu est comme un trou noir !!!

On murmure que Chris Sharma aurait visité la voie lors d’un roc trip, et encore récemment. Iker Pou, habitué des bi, des mono doigts est allé faire un tour dans la voie (mais par temps assez chaud en 2012), et il a tout de suite émis l’idée que le 9a serait un minimum voire que la cotation 9a+ serait plus proche de la vérité.

Un doute demeure. Peut-on faire l’exploit de la décennie, ne pas le médiatiser plus que ça et disparaître dans un anonymat total à un moment où tous les grimpeurs célèbres fondaient un espoir de vivre de l’escalade et où le 9a était un graal attient par très peu de grimpeurs. Question qui attend sa réponse.

Yohann Guillaume, fort grimpeur, s’est investi plusieurs hivers dans cette voie et malheureusement pour lui  s’est fait mal lors de la séance photo où furent prisent des images, il avait réalisé plusieurs sections sans pouvoir les connecter toutes mais avait l’espoir d’être le premier à enchaîner. Quentin Chastagnier s’est prêté lui-aussi au jeu des photos « just forfun ».

 

Une précision s’impose, il est maintenant envisagé de réaliser la section de départ (la plus dure) de deux façons, par la droite ou par la gauche. C’est à Fred Rouhling, qui n’a pas manqué de visiter cette ligne, que l’on doit l’idée de passer par la gauche (un point a été rajouté pour que cette version soit réalisable).

Avant que cette possibilité ne soit envisagée, tous ceux qui ont essayé ont tenté la version de droite jugée presque impossible pour les petits gabarits.

 

Reste donc une question : La voie a-t-elle été enchaîné, ce qui semble douteux et alors, qui fera cette première ascension et quand ?

Affaire à suivre !

 

Marco Troussier
 

[1] Juraj Recka prétend avoir réalisé l’ascension, une seule image peu précise a été publiée autrefois, le nom de l’assureur est inconnu.

[2] En 2006.

[3] Le cas récent de Chilam Balam, réalisé par Bernabé Fernández, côté par lui 9b+ et ensuite grimpé par Adam Ondra le premier puis Seb Bouin, a été estimé à 9a+/9b.

Lieu saint de l’escalade… 

 

Buoux pour moi est le deuxième lieu saint de l’escalade Française. Lorsqu’on entreprend le grand pèlerinage pour devenir un grimpeur accompli, on doit le placer au bout de son tour de France. Au fond de ce vallon, il y a une bonne  part de notre histoire, c’est une belle cathédrale et il faut prendre le temps de la visiter.

Après quelques pas derrière le prieuré Saint-Symphorien on pénètre dans le vallon de l’Aiguebrun.  On traverse les parties interdites au public et on arrive au pied des falaises. Elles ont la chaleur du soleil du sud mais bien peu de tendresse. Si l’on commence par visiter les nefs on trouvera sur notre gauche la face ouest.

Cet endroit ressemble à un exercice de thérapie ou tous les auteurs auraient voulu exprimer du « post-soi ». Chercher à se réinventer en créant un être à mi-chemin entre réalité et vision extatique. Cela donne une sorte d’amalgame des sensibilités et des buts : l’homme programmé, élixir de violence, territoire de fièvre, esquisses exquises, jeune cadre, les mains sales, jambon beurre…

Ces voies ont été aimé jusqu’à l’adoration lors des ouvertures et je pense que c’est ce qui en reste, ce qui fait qu’il y a toujours de la passion dans l’air.

On pourrait continuer la visite en s’arrêtant devant chaque tableau, chaque sculpture, tout est singulier et vient ajouter une nouvelle note à notre quête esthétique. Autoroute du soleil mérite quelques intrusions. Si l’on démarre très bien cette ligne attractive, on se condamne très vite à errer dans un labyrinthe de mini-prises. On se demande, alors, comment on a eu l’audace de vouloir être autre chose qu’un bipède assujetti à des contingences terrestres. Avec nos 10% de ressources restantes, le sommet de la voie nous parait bien trop loin … et sentir l’unité du monde dans une harmonie native n’est pas encore pour aujourd’hui.

Après cet exercice, il reste quand même, tout à découvrir dans cette falaise, il faut maintenant se laisser dériver, errer, à chaque ascension c’est comme une œuvre intemporelle qui reprend vie. Le non initié devra se perdre pour trouver au cœur de ce sanctuaire qui il est et qu’elle est sa liberté. Car ici trop souvent pour être libre, il faut être fort. Je me souviens d’un texte qu’avait écrit Antoine après son ascension de « la rose et le vampire ». Il avait expliqué comment il voulait entrer dans ce cadre marron. Pour moi Buoux n’est pas vraiment un cadre, c’est plutôt un miroir pour ce voir comme un autre que moi, un étranger qui quelques instants transcende sa propre identité pour passer de l’ombre à la lumière.

Pour conclure, les falaises de l’Aiguebrun, ce sont des figures d’ombres qui nous guident vers un chemin plus élémentaire ou l’on cherche un autre rapport à la vie. Un jour dans la contemplation et le lendemain dans un combat acharné contre la gravité. Je rejoins Patrick qui avait dit en ces lieux, après un investissement ultime, on peut retrouver des plaisirs simples, comme manger une pomme.

 Fred Rouhling

 

Toujours un accus d'avance...

 

Aujourd'hui nous avons "plutôt"  une normalisation de l’équipement de nos falaises … Sportive … Sans vouloir être représentatif de la dite « norme », nous pouvons quand même constater que nous trouvons de moins en moins de matériel artisanal sur les falaises de l’hexagone, voir d’Europe …

Il y a plus ou moins une entente tacite sur cette normalisation du matériel utilisé. Nous connaissons tous, plus ou moins, les marques et provenance des différentes plaquettes et scellements que nous rencontrons dans les voies …

C’est bien finit le temps du terme « spit » généraliste, qui en plus ne voulait pas dire grand chose, car c’est une marque de cheville, comme frigidaire est une marque de réfrigérateur … D’autant plus que ces chevilles « auto foreuse » de chez SPIT n’ont quasiment jamais été utilisées dans notre molasse concernée  et si tendre que l’expansion à la frappe ne fonctionnait pas … Le conne rentrait dans la molasse au lieux de rentrer dans la cheville … Chevilles abandonnées en escalade depuis l’utilisation systématique des perforateur à accus et des chevilles types « goujons » …

Ah oui, certains d’entres nous ne savent pas que les premiers « golots » étaient posés à la main, avec un marteau ET un tamponnoir muni de sa cheville auto foreuse … ???             

 Eh oui, la préhistoire … Mais n’allons pas trop vite en besogne … Avec un peu de recul, Buoux aura toujours été une falaise « bien » équipée.

Très rapidement, dans les années 60, les locaux ont utilisé les pitons pour se protéger dans les fissures. Raymond Coulon, activiste grimpant devenu forgeron local alimentait ses troupes en ferrailles diverses … Et parfois sur mesure … Dans les années soixante et dix, les jeunes (Marseillais du club FSGT) vont continuer d’ouvrir du bas, le piton entre les dents et nouveautés, les coinceurs « nuts » au baudrier.

Même si aujourd’hui on pose les nouveaux coinceurs mécaniques dans des trous,  les excentriques de l’époque furent largement utilisés et les petits coinceurs « nuts » dans les écailles et autres mini fissures permirent de belles ouvertures …

Le tamponnoir permet de forer les trous pour passer des lunules dans le bord des bassines et autres alvéoles … Déjà on évite de sur-pitonner les fissures, trop fragiles … On est déjà clean climbing parfois mais on pense à un équipement sur du long terme, certain points sont cimenter dans les fissures et le vilebrequin va faire sont apparition pour une bonne décennie …

Et permettre de poser des points dans les dalles, peu … car l’effort est conséquent, pour forer un trou de Æ14 mm et rentrer en force un piton « Made in Coulon » à la tige carrée … Je peux vous dire qu’avec le temps et la rouille ça tenait fort bien ! J’ai un tendre souvenir du dernier point dans le mur du haut de Touloum (avant la fissure de sortie) et du temps nécessaire pour le retirer !

Aujourd’hui suis moins conciliant avec les tiges scellées, un trou de perfo de chaque coté et un coup de barre ou marteau et on sort la tige entière …

Le fameux vilebrequin permit l’équipement et la bonne protection des premières voies sportives et dures de Buoux dès le début des années 80 par « Les Lyonnais » (Fara & C°) Dans la voie « Cyanolite » ils essaient de coller les chevilles …

Mais très vite avec les nouveaux équipements, les grimpeurs réalise qu’il faut aller profond dans cette molasse.

Les nouveaux jeunes de ces années là, des Parisiens cette fois, oui Buoux, la falaise des extrêmes, utilisent le vilebrequin pour poser des chevilles à expansion avec plaquettes. ( Laurent Jacob, les Le Ménestrel, JB Tribout, David Chambre, Guillot …) et le vilebrequin est aussi utilisé pour les premiers scellements, Philippe Macle et Marco Troussier aux Confines et Serge Jaulin dans « Schabadaswing » au Mur Zappa...

Ce dernier fut un des seuls (connu … ??) à utiliser un compresseur et 50m de fil pour percer les trous du 1er rééquipement de TCF au début des années 80.

Pour ma part j’utilisais un tamponnoir rallongé, réalisé par un ami ferronnier pour mes premiers scellements à Buoux.

Puis, arriva le perfo BOSCH à accus !!!!

Et Bruno Fara ! (Entre autres…)

Sur la décennie, 85/95 des  secteurs entiers vont voir le jour … Surtout grâce à l’énergie de Bruno et de ses compères Revolle, Lafouche, Escoffier etc… Serge Jaulin, presque local de l’étape, mais participent aussi les Bruno Martel et Beatrix, Pierre Duret et José Luis et bien d’autres de manières plus discrète. Cette machine va nous permettre un équipement plus rationnel, et un gros travail de rééquipement bénévole est alors entrepris, de manière individuelle. Principalement à base de chevilles à expansion et plaquettes, et un peu de scellements.

L’organisation des premiers championnat de France d’escalade, en 1988, dans le Vaucluse, les jeunes au Clapis, les seniors au palais des expo d’Avignon, offrirent une belle vitrine à notre activité.

Le comité départemental FFME ne ratera pas le coche en sensibilisant efficacement les élus locaux et régionaux, et grâce au travail du président de l’époque, permis la mise en place d’un plan régional  

(6 départements !!) tri annuel d’entretien des sites. Des subventions départementales et régionales ont été versées aux différents CD de la région. Les sites du département ont subi un sacré lifting dans ces années là et vous grimpez encore dans des voies du sud-est qui ont été rééquipés grâce a ce travail … De 1990 à 1992, la quasi totalité des voies de Buoux ont été rééquipées en scellements, et également grâce au travail administratif effectué, les principaux équipeurs engagés sur le terrain, ont pu être rémunérer pour ces travaux d’entretien, ce qui était suffisamment rare pour être noté.

Depuis, après une période de calme dans l’équipement, un travail d’entretien régulier et bénévole a repris. Nous effectuons depuis quelques années des journées « Update » sur l’initiative de Snoop et son club Aptitudes, pour venir à quelques uns et s’occuper de l’entretien et des modifications d’un secteur.  Il faut revoir et changer les relais qui ont, pour certains, passés une quinzaine d’année sur la falaise, ce qui entraine parfois quelques fastidieuse contorsion pour arriver à cisailler les maillons rapides en acier, rouillés, à 80m de haut avec un coupe boulons de 80 cm … Vive l’inox … L’engagement de certaines voies est réduit par le rajout de points, l’usure de certains passages et le risque de zippage est par endroit devenu considérable … La rançon du succès … Sans vouloir modifier l’esprit des voies de par son engagement, il faut bien avouer que « le terrain » à changer … Cela fera finalement trente ans que nous rajoutons des points dans les voies au fur et à mesure d’entretien successif …

Ce qui aura toujours entrainer des échanges plus ou moins amicaux au pieds des falaises ( et autres lieux, aujourd’hui …) mais finalement cela permet aussi la discussion et le foutage de gueule amical …

Passez voir la 1ère longueur de Marabounta, dans la partie centrale de l’Aiguebrun, et ses « petits » scellements de première génération … Dans cette large fissure, je me souviens avoir « gardé » le même nombre de points … Juste des scellement à la place des pitons arrachables ..

Quoique ??? Bref, je crois que nous pouvons rajouter un points entre chaque, et aujourd’hui personne ne trouverai cela choquant … Hors considérations éthique évidemment …

Ces dernières années, quelques voies qui étaient passées « au travers » ont été rééquipées, une quinzaine de voies nouvelles sont allées boucher quelques trous dans différents secteurs …

Des petites voies faciles ont été équipées mais depuis plus longtemps on bricole des petites modifications et autres nouveautés …

La nouvelle édition du topo prévu pour cette année (2016...) sera riche de tout cela et de la Face ouest.

 

Pierre Duret

 

 

 

Up Date …

 

Le « Up Date » est un concept imaginé et mis en place depuis 2013, par le club « Aptitudes » en collaboration avec le CD FFME 84. L’idée… Est de mobiliser des grimpeurs en vue de la  remise en état de certaines voies d’escalade à Buoux : Changement des maillons rapides, Rééquipement, Nettoyage des chemins d’accès, Peindre des noms au pied des voies…

En effet, si certain comités départementaux emploient un salarié pour ce travail d’entretien et de maintenance, ce n’est malheureusement pas le cas du CD FFME 84.

L’aide de toute personne motivée à participer à ces journées, en général deux par an, est la bienvenue.  Chacun  peut ainsi  donner un coup de main même si les dits « grimpeurs » n’ont pas de compétences dans le domaine de l’équipement.

Ces journées ne sont pas des journées de formation mais des journées de sensibilisation à la participation collective à notre domaine grimpable.

Le matériel d’équipement est fourni par le CD FFME 84 et le club « Aptitudes ». Nous demandons cependant aux participants de venir avec leur matériel personnel d’escalade.

Pour clôturer la journée dans la plus grande convivialité, le comité et le club offrent le repas en fin de journée.  

Infos supplémentaires sur le site : aptitudes-escalade.com

Snoop  

Pourquoi est-ce si difficile

de grimper sur le rocher de Buoux ?
 

Bruno Fara :

Pour les raisons qui font que Buoux est hard ... je pense que c'est en fonction des éléments ci- dessous

1) C'est évident que les cotations sont sèches (Autoroute 7c, viol 7b, TCF 6c+ etc) et encore notre ami Pierre remonte à chaque édition les cotations pour que le topo se vende mieux ????

2) Les cotations sont sévères car issues d'une époque où c'était ainsi (voir le Saussois ou les eaux claires) ces cotations ont été mises aux normes moderne (7a ... 9a etc) alors que avant, les cotations de Buoux, étaient en chiffre romain (V, VI).

3) Je pense que le style de préhension est aussi propice à une escalade exigeante car les prises sont souvent très traumatisantes (les bi doigts ... de Buoux ... et les steaks à répétition! un programme) ... peu d'essais possibles avant la blessure, prises douloureuses donc tirer dessus est moins facile que sur les grosses colos qui actuellement enthousiasme les grimpeurs issus de la SAE ... du coup on trouve plus dur ! Mis à part quelques exceptions comme Rêve de papillon  ou le bas de Choucas (le haut par contre est également fin) ...  les prises taillées d'Antoine dans la rose  ... il faut dans la plupart des voies de Buoux, placer les pieds et trouver des équilibres précaires adaptés à sa taille ... bien loin de la mode des bourrins sans les pieds, avec jetés monstrueux qui devient la norme. Buoux c'est souvent de la dalle déversante à petites prises (petits monos ou bi)

4) En résumé, on trouve Buoux (ou Mouries) dur car c'est une grimpe sans rapport avec les SAE où on ne  se pose aucune question car seule la force pure importe ... tu ajoutes l'équipement plus aéré que ce qui se fait actuellement et voilà ...

Marc Le Ménestrel :

Je ne trouve pas cela spécialement difficile de grimper à Buoux !

En tous les cas, pas plus difficile qu'à Siurana, à Mouriès ou dans le Verdon. C'est sûr que l'escalade y est exigeante en terme de conditions d'adhérence, de technique ou d'engagement, et que les cotations à l'ancienne peuvent paraître corsée pour le style actuel.

De toutes les façons, l'escalade n'est pas un sport facile. Il y a même dans la difficulté une source de plaisir : celui d'atteindre ses limites personnelles et, de temps en temps, les dépasser !

 

Hélène Brouard :

* Parce qu'il faut avoir regardé ses pieds avant de regarder ses mains et passer la plupart du temps le regard vers le bas alors qu'ailleurs on regarde plutôt vers le haut.

* Parce que tu as beau avoir fait du pan, tout l'hiver tu n'as pas appris à poser tes pieds et surtout pas à pousser sur des mini trous.

* Parce que si tes chaussons ne sont pas hyper ajustés tu vas avoir du mal à utiliser tes pieds (c'est encore plus vrai à Mouriès).

* Parce que les conditions météo sont parfois déterminantes, je me souviens d'une montée dans « autoroute » ultra laborieuse le lundi et l’enchaînement en mettant les paires super facilement trois jours plus tard avec le mistral, comme si les prises avaient doublé de volume...

* Parce que les points sont parfois loin et que la chute n'est pas toujours confortable quelque soit la cotation.

* Parce que certaines voies sont des mythes qu'il faut apprivoiser doucement.

* Parce qu'il faut accepter d'avancer en mettant les pieds sur des "non prises" et en serrant  des "non prises" dans les mains tout en voyant le point qui s'éloigne et le suivant encore beaucoup trop loin pour sauter dessus : petite pensée pour « Lieux secrets et vilains messieurs » sur la vire des « diamants ».

* Parce que si tu n'as pas la corne au bon endroit tu risques de ne pas grimper longtemps.

Ceci dit quel plaisir de revenir faire les classiques de Buoux et les nouvelles voies.

 

 Marco Troussier :  

Joker!!!! Je me sens vraiment trop comme un ancien combattant.....

La raison principale pour trouver Buoux difficile...

C'est le vieillissement tout simplement, grrrrrr!!!!

 

Eric grimpeur Belge et Brésilien  :

Qui a transmis à ses  enfants  l’envie de grimper et qui découvre après trente ans d’escalade le  site de Buoux.  Site connu dans le monde entier. C’était mon gaga.

Quant j’étais petit, je voulais venir voir Buoux et maintenant que j’y suis et je n’ai plus envie de rentrer à la maison. L’escalade ici c’est beau car il faut réfléchir, il faut bien poser ses pieds et avoir l’instinct pour trouver le bon trou. Ici aussi, il faut aimer l’escalade et oublier les cotations. Voir les belles choses de la vie !  

Merci à tous ceux qui entretiennent, équipent le site … On est avec eux. Sans eux ces sites ne seraient qu’un bout de caillou du sud de la France oublié, une carte postale. Ici c’est plus qu’une carte postale. Buoux, c’est le temple de l’escalade, c’est d’une beauté unique et comme le surfeur de vagues à la recherche de « la » vague idéale,  ici tu as le caillou parfait.

Des lignes parfaites, c’est poétique !  

Il faut voir la beauté… franchement. Après il ne faut pas se fier aux cotations.

 

Snoop :

Dans le vallon,  pas de prises rouges, jaunes ou roses… Bien que ! Un grand nombre de prises sont des trous donc des prises rentrantes. Cela impose à la fois une escalade décollée du rocher pour voir ou tu vas mettre les pieds et une escalade collée pour une poussée optimum en vue de la progression une fois que ton pied est bien placé dans le bon trou.

Grande force nécessaire dans les doigts de pieds avec de préférence des chaussons très pointus.

D’autre part l’anticipation et le repérage d’abord visuel qui va se transformer en représentation mentale kinestésique,  sans repère visuel de la prise en question …

En clair c’est savoir placer le pied dans le bon trou sans toute fois avoir une attitude décollée par rapport au rocher.  

Dans le mur du Styx par exemple, si tu ne passes pas 70 % de ton temps à regarder tes pieds plutôt que tes mains, c’est facile tu vas vite faire du 7b dans du 6…Et puis et puis,  il y a les dalles de type, QQ serré ou QQ très serré ! Les pieds en adhérence, les doigts sur des croutes, l’éloignement des prises… et oui parfois c’est morpho et pas que dans les dalles !

La devise de Buoux : "Toujours trois pieds d'avance..."

En route pour de belles aventures.

Fred Rouhling :

A Buoux c’est le processus étrange qui transforme le grimpeur gauche et lourdaud des premiers essais à un être fluide et précis lors de l’ascension libératrice.

Cette falaise est un appel à l’insurrection contre la verticale et si elle ne nous facilite pas toujours la vie dans l’enchainement, il faut garder espoir car  il paraît que « Le hasard fait bien les choses ».    

Je pense que la difficulté à Buoux se résume à un seul point, il y a très peu de reliefs, la plupart des prises sont des trous.

Cela donne un aspect lisse et esthétique à l’ensemble mais c’est difficile à grimper notamment à cause du peu de prises de pieds.

Statistiques Nico Potard/Buoux :

  • Guide à Chamonix

  • Grimpe à Buoux depuis 20 ans

  • Tout fait jusqu’à 8a, quelques8a+, 2 8b

  • Essaye La chiquette du graal 8b+ depuis 4 ans, et tombe de plus en plus bas…

  • Au moins 4 A/R Chamonix-Buoux par an depuis 20 ans, parfois pour 2 jours

  • Des dizaines de steaks (notamment dans La Mission et Chouca)

  • 1 poulie totale  (dans La Rose)

Parce que l’escalade y est intransigeante d’une part, elle ne fait pas de cadeaux, tu fais ou tu ne fais pas.

C’est rare ici les enchainements à l’arrache, en général soit ça marche et c’est propre, soit ça saucissonne.

C’est difficile de jeter à l’arrache sur un mono!

Et puis c’est une falaise de locaux, ici plus qu’ailleurs il faut s’habituer au style et renforcer ses doigts.

Si tu viens une fois de temps en temps, tu te fais découper en rondelle et tu rentres chez toi, vexé et les doigts en sang. Tu as beau avoir fait tout le pan que tu veux, tant que tu n’as pas de la corne au bon endroit, ton autonomie est très faible. Quant t’habites Chamonix, c’est compliqué : il m’est arrivé de m’ouvrir les doigts 1 h après être sorti de la voiture….

Mais je reste fan, toutes les voies t’apportent un truc, le compteur à croix est souvent au ralenti ici, voir il ne marche pas, mais quand ça tombe c’est simple, ça en vaut 10 ailleurs! Pour moi, il y a trois falaises : Buoux, le Verdon et El Cap!

Martina Čufar Potard :

J’ai fait presque toutes 7b et 7c de Buoux…ça vaut souvent 8a ailleurs !

J’ai juste fait un 8a à Buoux– Dr Jacob (sur presque 400 sur ma liste de 8a).

Et un 8b pas typique pour Buoux, car sur les réglettes – CTN.

Pour moi c’était surtout dur, parce que je suis la reine des réglettes à arquer….et forcement il y en a pas beaucoup dans la mollasse de Buoux.

Mais ça n’empêche que je n’adore pas la falaise. Certes je me prends des gros but, je pense que j’ai fais le plus demi-tours dans les 8a de Buoux. C’est dur de travailler les voies, car l’équipement est loin est souvent obligatoire, et si tu ne fermes pas ton bras sur un bi ou mono doigt, bah tu ne peux pas monter. Heureusement qu’il y a des broches pour faire la manip!

C’est bien comme ça, il me reste plein de projets, et on pourra encore revenir souvent en hiver, prendre du soleil à la plage de Buoux! 

 

 

 

Bonjour à toutes et à tous


Je m'appelle Jean Gay et le poids des ans fait que je me retrouve être un des quelques historiques de la première   seconde  après le big bang dans l'histoire des falaises de Buoux - à la fin de la décennie 1960 . 
Le big bang a été déclenché par Raymond et Huguette Coulon  avec Pierrot Gras  et leurs  équipes de spéléologues inventeurs des gouffres les plus profonds du coin et de matériels nouveaux fabriqués sous les auspices de Vulcain ,dans le feu de la forge de Raymond à Buoux
Nous étions dans les premières années de la décennies 1960
Ce sont ces spéléologues ( Vincent Knoer- Toulouimdjian  etc ....) qui ont ouvert les premiers des voies dans des coins aujourd'hui interdit comme la Francine et l'éperon dans le fort de Buoux   après que Buoux eut étranglé par sa corde un malheureux grimpeur du Caf de  Marseille  qui avait l'habitude de venir grimper coté Fort dans l'ascension en traversée de la falaise du fort en étant assuré direct et sans baudrier (il n'existait pas ) depuis le bas : pendule et surplomb liés à l'incurie des secours ont amené le malheureux à être hissé en haut du fort au bout de plusieurs heures et s'être retrouvé proprement mort par asphyxie -alors que personne n'était allé chercher Raymond le forgeron de Buoux qui avait des centaines de mètres d'échelles spéléo et un treuil
Mais c'était avant le big bang
 Cette 1ière  seconde après le Big Bang (à la fin des années 1960) est celle que j'ai connue avec les « historiques » des escalades « premières » et le club « popu » Mutuelle Sport FSGT qui venait assez régulièrement , en plus des équipées de l'équipe au long cours menées avec Raymond et Pierrot dans ces falaises pour ouvrir les premières voies dans les petites falaises au dessus de la routes (aujourd'hui interdites) et dans les grandes falaises au dessus de l'Aiguebrun
Je m'arrêterais là -cette 1ième seconde après le Big Bang  ayant eu le privilège d'être acceptée  par les grimpeurs de Cavaillon et de Carpentras pour être racontée dans le dernier ou avant dernier topo de Buoux  des temps modernes après les années 1980
Plusieurs topos ont en effet  vu le jour sous les hospices du cafiste bien connu  Luchesi depuis cette première seconde après le big bang-
Sans oublier que  le premier topo des premières voies fut éditées par Mutuelle Sport FSGT vers les années 1970 avec cette caractéristiques inhabituelle « anti-paillettes » qui voulait qu'aucun ouvreur de voies ne fut mentionnées dans le premier topo en application des règles de vie de ce « village gaulois et buouxéen » qui passait autant de temps dans les falaises de Buoux que dans les soirées sous la grande baume ou les chênes des montagnes du Ventoux autour d'un immense feu qui rôtissait un agneau avec force bouteilles et histoires et chansons plus que paillardes et animés et que même les orages les plus violents n'arrivaient pas à disperser.
Dans toute cette période de cette première seconde  ,vous comprendrez que nous étions hors du temps (ce que j'ai essayé de raconter dans le dit « premier » topo auquel il est permis de se référer ) pour de multiples raisons : nos n'étions vraiment pas très forts grimpeurs - les cotations de l'époque du 1 au 6ième degré nous ont  semblé tout de suite trop compliquées et nous les avons simplifiées : étant plus ou moins capables (avec les grosses godasses et en étant encordé comme les vaches  )de passer du 4 de l'époque sans trop se tirer au clou  , nous avions décidé qu'au dessus de ce 4 ce serait de « l'artif » et nous y fumes très bons et très ingénieux et ça durait des mois et mêmes des années avec de longs espaces quand Raymond en avait marre qu'on cassât trop de mèches de sa perceuse pour faire des trous dans les morceaux de fer qu'il forgeait pour en faire des semblants de pitons qu'on enfonçait avec une masse et quand on avait envie d'aller sur les grandes montagnes des Pyrénées et des Alpes hiver comme été .  
Tout ce temps (plus de 10 ans ) se passa avec  moultes engueulades survenues dans les falaises ou dans les montagnes et moultes veillées  agrémentées de quelques sons mélodieux sortis à pleine puissance dans les nuits buouxéennes d'un gramophone antique de chez Raymond qui chantaient quelques mélodies bourgeoises de l'Internationale ,du Chant des partisans et du Déserteur et qui étaient sensés réveiller  les consciences des braves habitants de Buoux et de leur maire « honnis »  (mais par ailleurs pourvoyeurs de spaghettis à la provençale , et ne parlant pas que provençal pour recevoir la menue monnaie des touristes suisses et même belges notamment ) pour avoir interdit l'escalade dans les grandes falaises mais qui mettait en émoi la maréchaussée du coin car nous étions dans la période de l'installation des fusées nucléaires du plateau d'Albion et elle ne savait pas encore que la 2ième guerre mondiale et que celle d'Algérie étaient terminées
 Mais nous étions sans rancune car , lorsque nous partions dans les équipées montagnardes peaux de phoques chaussées et piolet en bandoulières et petite forge (au cas où une pièce casserait )dans la vielle 403 (sans chauffage ) de Raymond , nous ne manquerions jamais (vers les 2 heures du mat ) dans les froides nuits de l'hiver de la petite glaciation  (avant que les Ecolos Bobos ne viennent subitement réchauffer cette veille terre avec les catastrophes qu'on connaît depuis ) , de klaxonner très fort et de chanter l'Internationale à fond la caisse pour saluer et donner du cœur à l'ouvrage à nos braves gendarmes de la maréchaussée d'Apt.
Tout ça faisait que le temps passaient et les petits enfants naissaient et grandissaient , que les amours se faisaient et se défaisaient au  grés des printemps et que les plus jeunes grandissaient et que les plus vieux prenaient des ans tout en passant chacun dans leur période galactique qualifiée de « jeunes » ou de « vieux » cons selon l'arithmétique implacable de la table d'addition des ans  .
Enfin , quelques 15 ans après le Big bang et la première seconde d'après , la fin du monde arriva  avec la 2ième seconde après le Big Bang enfin avec l'invasion de nouvelles espèces de terriens « ovni »  à visage d'humanoïde , d'habits et de culs bariolés et d'équipement d'escaladeurs au « top »- aussi léger que leurs cerveaux nouvellement branchés sur les petites boites magiques .
Chaque degré d'escalade fut décomposé au scanner en mille parties  et des vies entières -en travaillant jour et nuit et sans manger à cause du poids -furent consacrées à franchir le millième de degré jusqu'à ce que fut trouvé enfin le « Graal » de ces « ovnis » en grimpant sans toucher le rocher pour atteindre le 8ième et même le 9ième
Ce qui fit cauchemarder le Grec lui-même...
Il y eu même des exportations illicites de clous forgés vers les abîmes « verdonesques » -ce qui laissa de marbre la maréchaussées car le temps mercantile du libéralisme à tout va était arrivée et les frontières ouvertes : avant les plombiers polonais dans les chaumières françaises il y eu les grimpeurs de Buoux dans le Verdon
Les usines à grimper avaient envahi les grands sites , les ovnis gagnaient toujours du temps : il sautaient sans prendre le temps de descendre à la base des voies -Les ouvreurs et « ovnis » têtes de série , après chaque escalades , passaient devant un comité central d'évaluation du millième de degré , de la position des culs des pieds des mains dans les surplombs et de la fréquence du rythme cardiaque transmis à un ordinateur qui donnait le label pour le  paradis des ovnis grimpeurs ou le goulag pour le millième de degré perdu .
  Bref  toute notre équipe rendit les armes une fois qu'elle  fut complètement cernée par les maladies inconnues mais fulgurantes  de la « sérieusitude » « de la normitude » et de la «médaillitude » et du « frictitude »   pour accéder aux falaises et amener les jeunes avec nous.
Ceux-ci  d'ailleurs ne tardaient pas à escalader le ciel (alors que « nous » nous en redescendions) pour nous pisser dessus parfois  avant que d'autres jeunes ne grimpassent à leur tour  la montagne de Sisyphe pour pisser (et peut être plus) sur ceux que le poids des ans en fera redescendre et dans la période formidable ou nous vivons où il vaut mieux être un putaing de rentier et de vendeur de « bretelles »  qu'un connard de fainéant de  chômeur précaire et conduire un bulldozer 4*4 pour pas se faire écraser et pas être emmerder par ces cons de randonneurs qui continuent à vouloir le calme et marcher à pied dans notre belle campagne.
Voila un peu l'ambiance vécue par les dinosaures de la 1ère seconde après le big bang  qu'il sera sans doute difficile d'accepter pour les ordinateurs officiels qui sont les grands ordonnateurs de la festivité buouxéenne dans ce mois de mai où il ne fera peut être plus bon de faire ce qu'il plait  .
  Mais il n'est pas obligatoire  de parler de cette première seconde si c'est pour raconter des « onneries »-on pourra passer à la 2ième seconde , davantage dans l'air du temps , de la « congratitude » et de l'« émérititude »
A bientôt de vos nouvelles et encore merci d'avoir penser aux « dinosaures » buouxéens
N'attrapez pas la galle et les bras courts
Et que le diable ne vous patafiole pas  et qu'il ne  vous pousse pas des buissons à la place des poils du cul
Et bon vent  et A + -

 

Jean GAY

 

BUOUX

Haut lieu de grimpe,

mais aussi de folles nuits

et de fêtes...
Rivalités- Vengeances et Rigolades

 

Cela a toujours existé

dans le milieu de la grimpe, surtout dans les années 68/80 ; on parlait de la bande à Guillot, la bande à Cordier, la bande à Marmier etc, etc.....Chaque coin de France a toujours eu ses idoles et autres chef de file.
Les différents « maîtres des lieux » aimaient que leurs « lois » soient respectées sur leurs terres, et gare à ceux tentaient une transgression ou qui cherchaient à imposer leur propre façon de faire.
L‘histoire suivante veut illustrer de façon humoristique (somme toute cela n'était quand même que de la rigolade) ce qui arrivé à la R16 de messire Jean Claude Droyer, une nuit où elle était garée au pied de la grande falaise de Buoux.
Le PGF constituait l'objet du litige : Jacques Nosley et Bernard Gorgeon, les deux ouvreurs et équipeurs de la voie avaient inventé ces deux belles et dures longueurs, depuis le bas, en tête, avec un engagement obligatoire important ; ils avaient ensuite équipé la voie, pour les répétitions à venir, en faisant en sorte que le placement des points permette de faire la voie, tout en respectant l'exposition d'origine. Messire Jésus Christ Dardicule (surnom de Jean Claude Droyer à l'époque) ne l'entendait pas ainsi ; en effet, il était en son temps le promoteur du passage « en jaune » c'est à dire sans toucher aux points, et comme il avait, lui aussi, réussi à faire le PGF (pilier de la gueule fermée) sans toucher aux points, il voulait imposer aux suivants le jaune obligatoire. Pour ce faire il avait enlevé et déplacé les points mis par les ouvreurs, et placé les siens où bon LUI semblait. Il aurait mieux fait d'installer au pied de la voie un distributeur de pastis, mais il ne savait pas qu'en Provence un jaune cela se boit !!!!!
Quel outrage pour les « maîtres » des lieux : un scandale planétaire : un parisien chevelu qui joue à donner des leçons d'équipement aux méridionaux ; un grimpaillon de Fontainebleau qui ose venir en terre du Sud rectifier des voies ouvertes par les seigneurs de Buoux : cela appelle une vengeance exemplaire, aux armes grimpeurs du midi, boutons l'estranger hors de nos falaises chéries... !!!!
Le hasard fit que, quelques mois après l'accomplissement de son crime, Dardicule eut l'outrecuidance de revenir sur les lieux (c'est souvent paraît-il ce que font les grands criminels) avec sa fidèle monture, une R 16 de mauvaise lignée, qu'il gara imprudemment le long de la petite route sous la grande falaise. Les espions du seigneur local eurent tôt fait d'alerter « le grand maître », qui n'était autre que le forgeron de Buoux. L'heure de la punition avait sonné : les principaux hommes de main convoqués illico eurent tôt fait de préparer la potion vengeresse qui, savamment répandue sur l'innocente monture, constiturait une punition à la hauteur de l'affront avéré : un sceau puisé dans la fosse septique, mélangé à de l'huile de vidange, avec de la vieille graisse noire le tout bien mélangé dans la bonne humeur. La chose fut tartouillée de nuit sur toute la monture avec une joie non dissimulée. L'affront était lavé, mais pas la bagnole !!!
Cette « opération punitive » avait uniquement pour but de dire à MÖssieur le signor Droyer qu'ici on grimpait pour le plaisir, sans obligation, dans le respect de chacun, et qu'il n'était pas question d'accepter un diktat de qui que ce soit. Celui qui ne voulait pas toucher aux points était parfaitement libre de le faire.
Chercher à imposer une seule façon de passer n'était pas dans notre optique, et faire cela dans des voies qu'on a pas ouvert, c'est plus que nul. La « punition », au final, n'a pas été trop méchante, la leçon a porté ses fruits pour des frais nuls, et la rigolade a été maximum.
Tout est bien qui finit bien......

 

Jacques Nosley

 

 

Tchouky et Buoux...

 


Buoux fut pour moi le franchissement d'une étape dans ma vie de grimpeur. 1974 Première visite, en super calcaire (chaussures d'escalade rigide à semelles vibram qui font merveille dans les calanques), terreur... Pas de problème dans la fissure qui est vite envoyée, mais l'arrivée en dalle, bien moins difficile d'après le topo manuscrit que j'avais vu, c'est une autre histoire : je rampe, impossible de trouver l'adhérence. Le lendemain je vais chez « Alpina » pour acheter ma première paire de EB.


Marseille hiver 1980 : Je viens de réussir mon permis de conduire, et ma sœur m'a cédé une 2 cv que lui avait donnée mon grand père, une vraie grise avec un capot cannelé. Je fais mon premier tour de pâté de maison et la boite de vitesse lâche ! Une boite de vitesse issue de la casse du coin, une dépose de moteur sur le parking de l'immeuble de mes parents, et nous voilà motorisés. Je récupère Thierry (Volpiato). Nous passons par la pharmacie acheter de l'elasoplast, (le strapal n'étais pas encore arrivé en France), et c'est parti. J'hésite à prendre l'autoroute Marseille Aix, mais rien ne nous arrête. Cadenet, est derrière nous, Lourmarin se laisse traverser, enfin Buoux, c'est mon premier « voyage » au volant d'une voiture. J'ai 18 ans et Thierry 16.
Objectif : l'ouverture d'un gros bloc en-dessous de la falaise, perdu dans la forêt, avec un toit magnifique et une fissure en son centre. Nous sommes tout excités, comme deux gamins que nous sommes. Nous coupons notre rappel en 2 x 35 m car à l'époque, on ne grimpait pas encore sur une corde à simple. Bodar Willans, fraîchement arrivé d'Angleterre, des excentriques, quelques stoppeurs, un marteau et des clous. Nous avions même le tamponnoir de Marc Guiot, avec 4 chevilles auto foreuses, des plaquettes fabriquées sur le balcon de ma chambre à la scie et à la chignole, finies à la queue de rat, car je n'avais pas de grosse mèche.Nous faisons les sangliers et arrivons au pied de la mini falaise. Le débroussaillage se fait à coup de marteau dans la première fissure. Je me lance en solo sur quelques mètres pour poser la première protection. Le premier bloc me reste dans les mains, je pars à la renverse dans le chêne de derrière, casse une branche morte et me déchire de la hanche aux milieux du dos. Rien de grave, j'ai gagné le droit de démarrer le premier. J'ai gardé dans le dos pendant longtemps les traces de cette aventure.Mi-artif mi-libre nous posons des protections, dont un spit de 8 mm, summum de la protection de l'époque, c'est bien plus tard que voyant les premiers dangereusement bouger dans leurs logement, que nous nous poserons des questions. Ce premier spit posé par nos soins à Buoux secoue notre étique de free grimpeur.Quelques tentatives plus loin, les poignets compétemment déchirés, nous enchaînons tous les deux notre voie que nous baptisons « Les pieds dans le Ciel » Nous osons annoncer un XII- qui est un des tous premier 7a du sud. Nous avions carrément du mal à passer la barre du VI+. Cette voie qui fut pendant une période un passage obligé, est de nos jours complètement oubliée. Elle ne figure même pas dans le topo !


Puis ce fut l'âge d'or de Buoux, le laboratoire de la grimpe, les soirées entre potes dans la Borie retapée sur le plateau, le petit dèj chez Pessemesse à l'Auberge des Seguins. Les doigts qui s'usent dans les trous, le bonheur.


Suivirent ensuite les rassemblements pour tester, les premiers chaussons Trappeur (pas terribles, les chaussons, mais de bons souvenirs), les premiers chaussons Dolomite (beaucoup mieux).

 

Le premier article, l'envahissement des gars du nord (pour ne pas dires les Parisiens), puis les hordes Germaniques.

 

La première interdiction de grimper, puis les problèmes avec les riverains...

 

Je tire ma révérence et me tourne vers d'autres horizons, tout en gardant ce bout de paradis dans un coin de mon cœur. Il y a quelques années, j'ai acheté une ruine dans la région... pour plus tard...

 

Michel Fauquet Tchouky

 

 

 

Le "Big"...


Lorsque Snoop m'a contacté pour me demander d'écrire à propos de Buoux, j'étais super emballé. Ensuite, quand j'ai voulu m'y mettre, je suis resté perplexe. Comment parler de ce que représente Buoux pour moi en quelques lignes, même quelques pages ? Trop de choses se bousculaient dans ma tête. Car il faut que je vous dise un truc : Il m'est à peu près tout arrivé à Buoux !
La toute première fois que je suis venu grimper à Buoux, c'était en plein été pour les vacances et il avait fallu négocier dur avec mes parents pour qu'ils me laissent partir. J'avais à peine 15 ans, je vivais à Grenoble et je faisais de l'escalade en famille depuis mon plus jeune âge (un peu par la force des choses avec un père et un grand-père guides de haute montagne), mais avec une pratique et un état d'esprit pas vraiment tournés vers la performance. C'est à cette période que je me suis mis à grimper aussi de mon côté avec mes potes du lycée. C'était l'époque de « l'explosion » de l'escalade moderne avec les films de Patrick Edlinger où l'on découvrait les falaises de Buoux et du Verdon. Nous on ne pensait qu'à grimper et moi je rêvais jour et nuit de ces falaises du sud. Je suis donc parti à Buoux avec Bruno Clément alias Graou. On a mis toute la journée à descendre de Grenoble « en stop » et quand au soir on est enfin arrivé, on a juste caché nos affaires derrière le premier rocher venu et je me souviens très bien qu'on est s'est précipité comme des fous en traçant tout droit à travers la forêt jusqu'au secteur le plus proche de là. C'était le mur du Styx. Et là, on a eu juste le temps de faire 3 voies avant d'être totalement dans le noir : Mélodie Gaëlle (6b), Buffet froid (6b+), et un superbe 6c+ juste à droite : Ultime violence. C'est un souvenir incroyable : ce jour là j'ai réussi ces 3 voies à vue, alors qu'à Grenoble la voie la plus dure que j'avais enchaînée, c'était du 6b ! J'avais la sensation d'être inspiré, je n'avais qu'à me laisser aller. A Buoux, c'est facile de trouver les prises à vue car c'est assez compact. Le rocher est pur et tu vas naturellement de trou en trou, tu poses les doigts dans des préhensions pas trop contraignantes pour les articulations, et j'avais l'impression de grimper instinctivement, sans lutter, sans forcer ou avoir à réfléchir. Dans ma tête, ça a été le choc : après un voyage un peu aventureux et galère, j'explose ces 3 voies à vues et mon score par la même occasion. J'étais en plein rêve. Et ça pour moi, c'est ce qui m'a donné le goût de partir à l'aventure pour l'escalade.
Quand j'ai découvert Buoux, c'est donc au moment où ma passion pour l'escalade se déclenchait vraiment. Et les années qui vont suivre je ne penserai qu'à retourner à Buoux à chaque fois que je le pourrai, pour y grimper avec Graou et Yann (Ghesquiers), ou avec mes potes du lycée, Olivier, Jean Luc et les autres... Ca a été l'époque où je suis passé du 6b au 7c en 1 an. C'était une période où je découvrais tout. A 15 ans, j'avais parfois peur de grimper en tête, et à 16 ans j'essayais de nouvelles cotations presque à chaque séance tellement mon niveau changeait vite.
J'ai alors été soudainement stoppé dans ma progression par un accident, le plus grave de ma vie, et c'est aussi à Buoux que c'est arrivé. J'ai fait une chute au sol de 20m... résultat : 3 vertèbres et les poignés cassés, avec plusieurs semaines d'hospitalisation, une très longue période d'arrêt et beaucoup de rééducation ! J'ai donc aussi vécu « le pire » à Buoux... j'ai vraiment cru que je ne pourrais plus jamais grimper ! Mais ce qui aurait pu me couper dans mon élan m'a transformé en fait. Dès que j'ai pu, j'ai voulu briser cette barrière psychologique en retournant à Buoux pour ma première reprise. Je me suis alors organisé un voyage avec mon ami d'enfance, Damien. J'y ai grimpé dans des voies beaucoup plus faciles, pour me rassurer dans un premier temps, et avec pour objectif ultime d'enchaîner la voie où j'étais tombé (L'escoube, 7a). Lorsque j'y suis parvenu, j'ai compris que les seules limites qui existeraient dans ma vie seraient celles que moi, ou d'autres me mettraient dans la tête. Alors, quelques mois plus tard je décidais définitivement de faire de l'escalade mon activité professionnelle, et cela même contre l'avis de mon père. J'ai dû partir du domicile familial et je choisissais alors de vivre à Buoux, au cœur des falaises, en squattant la grotte du secteur « la Plage » (en plein hiver, j'avais vraiment mal choisi ma période !). Mais bon du coup, je me suis vraiment confronté à ma passion dans des conditions extrêmes. De toute façon je ne me voyais pas faire demi tour dans ma démarche, pas question de rentrer chez mes parents car j'avais coupé les ponts avec eux ! Les conditions hivernales étaient assez rudes, mais comme j'ai tenu le choc, ça m'a prouvé que je ne me trompais pas dans mon choix.
Buoux, c'était le site majeur de la décennie, et durant ces quelques mois où j'y ai vécu, j'ai pu rencontrer tous les meilleurs grimpeurs français et étrangers. Je crois que beaucoup m'ont pris pour un fou ou un ermite égaré ! Et c'est aussi à Buoux que j'ai croisé Yuji pour la première fois, sans savoir qu'un jour nous partagerions appart', séances d'entraînement et podiums durant plusieurs années. C'était une période incroyable.
Pour moi, le souvenir le plus marquant et le plus fort de l'époque est le jour où j'ai eu la chance extraordinaire de « surprendre » Antoine le Menestrel dans « Les mains sales » un 8b en face Ouest, un secteur interdit maintenant. C'était une des voies les plus difficiles de l'époque, très complète et où tu peux facilement tomber à plusieurs endroits. Elle était très technique et demandait aussi force et conti. Pour moi Antoine regroupait toutes ces qualités. Quand je suis arrivé, il était seul avec sa copine à l'assurage et s'apprêtait à commencer la voie. On sentait une grande concentration en lui, comme toujours. Y'avait pas un bruit et j'avais tellement peur de le déranger que je suis resté caché, interdit devant la beauté de son ascension, sa concentration. C'est un des plus beaux moments que j'ai vécu en escalade de toute ma vie. J'étais pétrifié par l'admiration et le respect. Je lui ai confié seulement bien des années plus tard que j'étais en train de l'observer ce jour là.
Aujourd'hui, je pense avoir fait 95% des voies de Buoux. C'est tellement vaste, avec plus de 600 voies c'est sûr. En un seul lieu sont réunis toutes les possibilités : grandes voies où couennes dans tous les niveaux, avec des orientations différentes par rapport au vent ou au soleil, et des styles de voie très variés (de la dalle jusqu'au gros dévers, en passant par les bombés caractéristiques de Buoux et les bonnes vieilles fissures !)... Ca me rappelle les premiers camps entre jeunes de Grenoble ; le soir on scrutait le topo et on ne savait plus où aller tellement tout nous attirait et nous excitait. On n'avait que l'embarras du choix.
A chaque fois que je retourne à Buoux, j'ai toujours le souffle coupé par la beauté du site. Avec tout ce qui s'y est passé pour moi, et sans faire de « nostalgie » à outrance, je ressens quelque chose de particulier, comme lorsqu'on rentre chez soi et qu'on perçoit les signes précurseurs en chemin, les odeurs, les sons, la lumière. Buoux fait partie de moi. Buoux c'est « chez moi ».
Alors lorsque j'amène quelqu'un pour la première fois à Buoux, c'est comme si je lui faisais visiter ma demeure, et j'ai envie qu'il en voit le plus beau.
Ce site m'a forgé et c'est à Buoux que je reviens dans les moments difficiles de ma vie comme dans les plus heureux. Alors, si vous campez la nuit et que vous entendez du bruit sur la falaise, ne tirez pas ! Ce n'est pas un animal sauvage qui va vous attaquer mais seulement moi en train de grimper dans le noir pour réfléchir ou prendre l'air tout simplement.

 

François Legrand

 

 

Le Pef... Le Jas !!!!
 
Salut Françoise,
... Bien que je ne grimpe plus trop depuis 4-5 ans , mon esprit vagabonde toujours dans les parois que j ai eu la chance de croiser.
Bien entendu "Buoux" reste et restera dans mes tripes jusqu au bout... Comment expliquer tout ça...
J'ai découvert l'Aiguebrun avec la bande de lyonnais quand on descendait en raid compact les week-end d'hiver( je ne me rappelle plus l'année) , avec des challenges pour ne pas payer l'autoroute !
Puis ce fut les étés à bivouaquer sur le plateau des Claparédes avec des campements de semi nomades un peu partout : celui des parisiens avec comme maître d'œuvre Marc le Ménestrel qui écoutait à fond du classique autour du feu le soir accompagné de substances illicites... Celui des suisses qui se courraient après pour se passer les c..... à la moutarde !!!
Des grands moments de n'importe quoi mais qu'est ce qu'on s'est marré !!!
Et puis le rythme "classique" de la journée dicté par la recherche de l'ombre .
Le matin la face ouest avec des ouvertures « Coco caline » avec Dominique Badoil pendu par un pied uniquement retenu par un prussing et qui beuglait comme un cochon et à qui on demandait de fermer sa gueule car Maître Marc tapait un essai dans les mains sales...
On s'est rendu compte après de sa mauvaise posture quand MArc a pris son énième râteau avant le relais).
Puis l'après midi à la piscine à faire les kékés devant les gonzesses, histoire de faire passer la boule au ventre avant d'aller taper des essais dans les dévers... P... Qu'est-ce que les caprices d'Anatole ont pu me tordre le ventre avant de réussir à choper ce p... de bi-doigt après le croisé !!!
Puis ce fut l'époque du camping l'hiver à Apt. Là aussi de grand moments, à traîner sa peine en attendant qu'il arrête de pleuvoir...
Merci a toi et à ta caravane que « Grazouille » gardait (elle nous a permis de manger au chaud moult fois !!!) et rejoindre sa tente avec les karrimats qui flottaient dans l'eau avec le Nicolas Richard fan des redsocks !
Mais bon on arrivait à faire des croix dans le 7b/c ( « Chouca », « Parties carrées et ses mono-doigts du démon)en chopant l'onglée.
« Chouca » , dont j'ai fait trois fois le bas ,départ au sol , et refusait de faire la dalle autant de fois !!!
Il y a eu aussi l'épisode ou j'ai vécu avec la bande de japonais (les grands débuts de Yuji , p.... ce qu'il était souple ce lascar !!!)dans un appartement à Apt. Avec la proprio qui me courrait après pour qu'ils (les japs) lavent la cuisine ! Tu m'étonnes la cuisinière ressemblait à la base de lancement de la fusée Ariane !!!
Mon premier 8a avec la « Diagonale du Fou » au premier essai, le tout torché en 30 mn tout compris ...
Et puis après on passe à un autre monde !
La décision de vivre à Buoux avec mon installation au Jas durant 7 années ou la grimpe, l'amour de cet endroit, la nature brute et si belle, les gens qui y vivent et qui m'ont permis d'y vivre (Merci à Pierre Pessemesse) se sont mélangées dans ma vie pour donner un cocktail explosif !
Citons P'tite Nat, Joel , Grazouille Chéquier, Jo Bouc ... Tout ce petit monde rigolait, grimpait dans une ambiance excellente !!!
On vivait de petits boulots pour pouvoir aller se tirer les doigts dans les dévers( entre autre ) de Buoux avec des pauses sur les falaises alentour ... et puis plein d'ouvertures de bloc , de voies ( "Petit cali" , un beau morceau qui m'a pris du temps à équiper ...) , à grimper ça a été plus rapide : un beau jour d'hiver avec Jo Bouc juste avant le coucher de soleil !!! Que du bonheur !
Et encore je ne parle pas des autres ouvertures dans les endroits interdits... Le" sky is crying" est pas mal dans le genre, merci Grazouille....).
Enfin bref , il n'est pas aisé de résumer une bonne tranche de brie sur du
papier , mais ça fait du bien d'en parler !!!
Depuis bientôt 10 ans j'ai quitté ce vallon magique, j'ai énormément voyagé, encore grimpé beaucoup en Grèce, j'ai eu 2 filles, arrêté l'escalade MAIS quand je n'arrive pas à dormir ou que je suis stressé je ferme les yeux et je refais les mouvements de « Petit cali », « Chouca » ... ou je me ballade sur les hauteurs du vallon un beau jour d'hiver ou ça colle et la tout va mieux..... je me sens en paix !!! Tu vois, là je suis au Pakistan ou je bosse comme agronome pour le comité international de la croix rouge, et toi ,avec ton mail tu me ramènes à mes plus belles années de grimpe et de vie....

Car l'adrénaline que j'ai recherché à Buoux en grimpant je la retrouve dans mon travail ou les conditions sécuritaires sont équivalentes à un bon râteau dans la "mission" si tu ne mousquetonnes pas le dernier point avant le relais (autrement dit calculé mais qui te chatouille un peu le nombril....)

Merci à toi et porte toi bien !!! PS : je ne pourrai pas être a Buoux début mai car je parle fin avril pour le Soudan avec ma petite famille, mais la biz au vallon de ma part .

 

Pierre François Grange

 

 

 

Marco Troussier... Buoux  

 

A bien des égards, la falaise de Buoux incarne toutes les évolutions que l'escalade mondiale a connues depuis vingt ans.
Comment est-on passé d'un lieu obscur à la notoriété planétaire des années quatre-vingt puis à nouveau à la quiétude du nouveau millénaire ?
Certains grimpeurs, ne connaissent pas Buoux, ils n'y ont jamais grimpé. Horreur absolue !!! Ils n'ont jamais mis les doigts dans ces trous qu'on y rencontre et ne savent rien de cette portion d'histoire qui s'est écrite dans ce vallon.
Flash back.
Fin des années soixante dix. Les fondements de l'escalade libre peinent à s'imposer en France. L'Angleterre et les Etats unis ont focalisent l'attention de tous les nouveaux grimpeurs, la terre promise (un fois n'est pas coutume, n'est ce pas George W), se trouve outre Atlantique. Les ténors de toute l'Europe, vont retrouver la poussière californienne de camp 4, son escalade flippante sur coinceurs, ses mouvements tout en épaule. C'est à peine si l'on sait outre atlantique que le calcaire se grimpe quelque part dans le Monde. L'Europe ? Un pli sur la carte. La France c'est Chamonix, les Calanques, quelques grandes parois dans le vercors. Fontainebleau existe bien sur, mais ce n'est pas encore la Mecque que l'on connaît de nos jours et aucun américain n'en a entendu parler. Sharma, Graham et Ondra ne sont pas encore nés !!!Il faut se souvenir que l'escalade n'est pas encore un sport.
A Buoux, il y a des « ouvreurs ». Ce sont d'abord des locaux qui s'attaquent à certains boyaux en fissure et des plus jeunes qui se sont habitués aux dalles des Calanques et qui hésitent de moins en moins à explorer les portions vierges entre les fissures. Buoux devient peu à peu une destination du printemps et de l'automne. Il faut attendre les années quatre-vingt pour que la soif d'ouvrir et que de nouveaux aventuriers explosent le potentiel de la falaise. Dès que la technique d'ouverture du bas fait place à l'équipement par le haut les lignes de grimpe vont se multiplier. On équipe et on tente aussi de « libérer » les lignes. Jean-Claude Droyer , Jean Pierre Bouvier et déjà Patrick Edlinger, n'ont pas manqué ce vallon. Surtout Droyer qui essaie de libérer les ventres aux trous incroyablement sculptés. Nos grimpeurs abordent la décennie « quatre-vingt » avec une grande soif de premières et la volonté de faire exploser les standards comme partout dans le sud et dans le monde. L'escalade libre se répand dans toute l'europe.

Place aux jeunes !!! Les vieillards au rancart !!!
Ce sont les jeunes grimpeurs du Nord qui vont inscrire les plus belles pages de cette nouvelle histoire. On les appelle les « Parisiens », ils se nomment Tribout « JB », les frères Lemenestrel (Antoine et Marc), David Chambre, Fabrice Guillot et Laurent Jacob le doyen qui fait office de grand frère. En 1983 c'est littéralement l'explosion. Nos amis ont déjà bousculé les hiérarchies dans le Nord au Saussois et ont écumé les voies les plus dures. Les frères Le Menestrel apparaissent comme de véritables prodiges. Ils vont définir le profil du « jeune virtuose » à la Robby Naish. Ils sont jeunes, incroyablement talentueux et dotés d'un féroce appétit d'ouvertures. Avec « JB » Tribout (autre mangeur de parois à l'appétit insatiable), ils vont jeter des cordes dans les surplombs et dans les dalles les plus mystifiantes. Les lignes sont repérées, équipées, à la main d'abord puis avec le perforateur à accus. La méthode est radicale car ils vont aussi transgresser quelques tabous. Le premier consiste à véritablement « peaufiner » l'équipement. Les trous si douloureux sont ébardés à la lime, les prises sont soigneusement brossées et parfois renforcées avec le Sikadur qui fait merveille. Voilà pour le terrain. Pour la méthode les choses vont aussi radicalement évoluées. Patrick Edlinger avait défini une sorte de norme d'escalade qui consistait à tenter avant toute chose les voies « à vue » et avec panache s'il vous plait. Si l'échec était au rendez-vous, le grimpeur n'était pas à la hauteur, tout simplement. Passer des jours à travailler un problème lui paraissait comme un aveu d'impuissance.
A Buoux nos amis ne s'embarrassent pas de ces fioritures. Pour eux seul le résultat compte et le « travail » des voies devient, sinon la règle, en tout cas une option qu'il faut envisager sérieusement et avec un tantinet de rationalité. La démarche est plus radicale qu'il n'y paraît car ce groupe de jeunes boulimiques, impose les fondements de ce qui va faire l'escalade contemporaine. Equipement de lignes futuristes, entraînement forcené, grand nombre de tentatives se soldant toujours par la réussite. Découvrant ces méthodes à un age ou le corps est particulièrement adaptable, les qualités physiques de nos grimpeurs vont faire un bond prodigieux. C'est aussi en technique gestuelle que le gain va être énorme et ce n'est pas un hasard si c'est Antoine Le Menestrel qui réalise les premiers 8A à vue en France, et si c'est Marc qui enfonce la porte de la difficulté avec Rêve de Papillon (8A, brutal), Chouca (d'abord 8B puis 8a+), les Mains sales (8B) et le Minimum (8B+), qui n'a pas perdu une ride voir gagné un degré avec le bris d'une prise de pied. Antoine accompagne ce mouvement avec la Rose et le Vampire (8B)et ce mouvement mystifiant qui fera le tour du Monde, puis La rage de vivre qui enquille le 8b de la Rose avec le 8a de la Secte, pour un 8B+ qui préfigure les grands challenges en 8C. JB n'est pas en reste car il répète tout ce qu'il y a de plus dure et laisse aussi sa marque. Le spectre du Surmutant (8B+) parcourt les grands surplombs ce qui fit dire à un américain très fort que l'on grimpait à Buoux dans des surplombs sans prises, là où les Américains gravissent des fissures évidentes.
Peu de grimpeurs hors de ce groupe auront pu suivre ce mouvement échevelé. Patrick Edlinger en réalisant les premiers 7C à vue de Buoux avec haussé le ton. En gravissant aux Confines (falaise devenue interdite), la belle ligne de « ça glisse au pays des merveilles » il avait marqué le premier 8a.
Didier Raboutou, avait profité de cet élan pour rentrer dans le club très fermé des grimpeurs extrêmes.Nos amis anglais (Jerry Moffat et Ben Moon) avaient pris l'habitude d'établir leur quartier d'automne à Buoux pour répéter les dernière « extrémités » voire pour en rajouter comme ce premier 8C (Les Barouilles/Azincourt) que gravit Ben.Buoux fut en son temps la terre promise des grimpeurs. On y allait comme il faut aller à la Mecque et comme on va aujourd'hui à Céuse pour côtoyer les mutants et voir les voies les plus dures du Monde.Y venir aujourd'hui est donc une suite logique dans la carrière d'un grimpeur.L'occasion qui vous est donné est donc à saisir ! Venez nombreux !

Marco Troussier

 

 


Pendu...

 Dans mon escarpolette 

 

Parler de Buoux, c'est comme évoquer de vieux souvenirs d'adolescence, d'heures insouciantes et heureuses.
Nous étions jeunes, passionnés et parisiens sous le soleil du Lubéron. Cherchez l'erreur !
Plein de moments heureux passés sur ces bouts de molasse mais aussi dans les campements sauvages et les bories du plateau des Claparèdes, à jouer parfois au gendarme et au voleur avec la maréchaussée de Bonnieux, particulièrement lors des premières interdictions !

Mais parmi tous ces moments subsistent aussi toutes ces heures passées à équiper à une époque où les perceuses ne divisaient pas encore le temps de perçage par dix !

Notre équipement, principalement mis au point par Laurent Jacob, déjà très bricoleur : un tamponnoir rallongé afin d'installer de longs goujons volés à la quincaillerie d'Apt, susceptibles de tenir dans ce rocher très tendre.
une lime queue de rat pour repercer des plaquettes de 8 (...) diminuant ainsi leur résistance à des valeurs inavouables...
de vieux pitons, souvent fournis par Laurent, et récupérés du stock des aventures himalayennes de son père au Makalu et autres.
des jumars datant de nos premières aventures alpines.
Un jeu complet de brosses et des lunettes de protection (originaires de la même quincaillerie...), car la belle adhérence buouxienne se mérite à l'huile de coude.
L'indispensable Walkman (l'original bleu à cassettes évidemment) pour un voyage musical pouvant durer plusieurs jours, piles de rechange, eau, chocolat et cigarettes selon goûts personnels.
Et enfin la pièce maîtresse : l'escarpolette maison, savant bricolage de planche de bois, de mousse de vieux Karrimat et de cordelettes usagées, permettant de rester confortablement suspendu de longues heures dans les dévers.

Après une montée laborieuse sur le plateau, quelques repérages hasardeux pour fixer la corde au bon endroit, un départ dans le vide pénible avec tout ce harnachement, quelques pitons et crochets de fortune pour se positionner, et c'est parti pour un long voyage à ausculter chaque trous et réglettes, avec dans le dos le plus magique vallon du Monde. Quelques milliers de coups de marteau plus tard et le tour est joué.

Enfin, dernier plaisir avant le premier essai, la session de peinture du nom au pied, ou chacun selon son inspiration et ses talents artistiques laisse sa marque.

Heureusement la plupart de nos voies ont été rééquipées par la suite en scellements, ce qui a permis à certaines de devenir des classiques (pas toutes malheureusement, les plus hautes dans la grande face restant injustement délaissées) et de ne pas nous transformer a posteriori en meurtriers potentiels !

 

David CHAMBRE

 

Chouca...

25 ans déjà !


Le dimanche matin, lorsque nous nous préparions à aller grimper dans la forêt de Fontainebleau avec mes parents Jacques et Hélène, mon frère Antoine et ma sœur Séverine, il nous suffisait de sortir nos sacs d'escalade ou de prononcer le mot "Fontainebleau" pour que notre chienne Chouca, un labrit, se mette à bondir de joie et d'excitation. Chouca connaissait la forêt bien mieux que nous, ses odeurs et ses recoins, comme elle connaissait les falaises où nous allions grimper. Elle faisait de chacune de nos sortie une véritable fête. Lorsque nous grimpions à Buoux, elle était capable de faire tout le tour de la falaise et de nous attendre sur le plateau, en haut du pilier des fourmis, pour que nous redescendions à pied tous ensemble (on ne faisait pratiquement pas encore de moulinette à l'époque). Elle est morte au printemps de 1985, une nuit d'orage, alors que mes parents campaient sur le plateau de Buoux, au-dessus de cette partie de la falaise que nous appelons maintenant le "bout du monde". Lorsque j'équipai une ligne dans cet endroit magique cette même année, je décidai de lui donner son nom, et c'est pourquoi "Chouca" s'appelle "Chouca", sans "s" à la fin car il s'agit bien d'une chienne et pas d'un nom d'oiseau.
J'ai équipé Chouca en Août 1985, après trois semaines passées en Allemagne en Juillet, au Frankenjura et dans l'Altmütal. Nous grimpions en groupe, campant sur le plateau comme une tribu. Comme il se doit en revenant du Frankenjura, j'étais dans une période de forme. Pendant ce mois d'Août, je devais équiper et réaliser trois voies plus dures que toutes celles que j'avais réalisées : "Les mains sales" en face ouest à Buoux, "Le fluide enchanté" à Mouriès et Chouca au bout du monde. Chouca est la seule de ces voies qui n'est pas restée cotée 8b mais cela n'a que peu d'importance. C'était pour moi un saut dans la beauté de la ligne, dans le devers et la distance entre les prises, une nouvelle inspiration. De ces trois voies, Chouca est la dernière que j'ai réalisée et elle évoque pour moi une émotion particulière.
L'équipement, réalisé à la main au tamponnoir, prit près de trois jours, brossage compris. J'ai ensuite travaillé les mouvements quelques jours et j'ai commencé à essayer d'enchaîner, assuré par David Chambre et Frank Scherrer. Fin Août, il fallait se lever tôt pour avoir des bonnes conditions et je grimpais entre 7 et 9 heures du matin, juste assez pour trois essais. Pour autant, c'était plutôt agréable de passer tout le reste de la journée tranquille à la piscine des Seguins. Le premier jour, je tombai trois fois au-dessus du troisième spit, avant le grand jeté, car c'était là pour moi le mouvement le plus dur. Je n'avais pas vu l'inversée et faisais un mouvement aléatoire avec une prise plutôt plate main droite. Le deuxième jour, je tombai encore deux fois à cet endroit pour finalement tomber une fois au grand jeté. Le troisième jour, les mains en feu, je retombai encore au grand jeté, puis au deuxième essai au passage du "cacagnolet" (le nom de ce double monodoigt étrange mais naturel !). Après une journée de repos, j'enchaînai au premier essai. Le travail et l'enchaînement avaient pris moins d'une semaine.
Des trois voies que j'ai ouvertes cet été là, Chouca est celle qui de loin a attiré le plus d'attention et de répétitions. Je pense que c'est dû à la beauté du lieu, à la ligne et aux mouvements. Elle fût bien sûr essayée et répétée par mon frère Antoine et par Jean-Baptiste Tribout, dès leur retour d'Angleterre où ils avaient répété les voies les plus dures de nos amis Anglais, dont certains mythes de Jerry Moffat comme "Révélation". Je me rappelle aussi Alexandre Duboc et Alain Ghersen essayant et répétant la voie. Ils ont tous très rapidement trouvé un mouvement plus facile grâce à cette douloureuse inversée main gauche. Le plus gros problème restait le jeté. Assez vite, un consensus devait se faire que Chouca n'était pas plus dure que Le Bidule (Saussois), la Boule (Sainte Victoire) ou Geant Jones (Salève), trois références de 8a+.
Les années suivantes, je ne devais que rarement retourner faire Chouca, préférant La Rose et Le Vampire, un 8b ouvert par mon frère à gauche, ou le Minimum, un 8b+ que j'ouvris en 1986 et qui est maintenant 8c depuis qu'une prise de pied a cassé. Mais quand même, je m'amusais à enlever assez systématiquement le tas de pierres au pied de la voie. J'essayais d'inciter les grimpeurs à ne pas éviter le premier mouvement, une sorte de traction d'un bras sur un excellent bidoigt qui fait partie intégrante de la voie mais qui est trop souvent évité par les grimpeurs plus intéressés par faire la croix « Chouca » que par vraiment en faire tous les mouvements durs. J'ai même enlevé une chaise qui permettait d'éviter les 3 premiers mouvements ! J'ai trouvé aussi très intéressant le mouvement "figure of 4" qui rendait le grand jeté plus facile. Je sais que ce mouvement est parfois attribué à Tony Yaniro à cause des photos, alors qu'il est l'idée de Darius Azin, qui m'avait époustouflé la première fois que je l'ai vu faire ! Quoiqu'il en est, j'ai toujours préféré refaire le grand jeté, que j'adore. Il est d'ailleurs maintenant plus facile grâce au quart externe pied gauche qui à l'époque n'existait pas. En plus, depuis que la bague main droite a cassé, le "Figure of 4" n'est plus vraiment faisable. Comme quoi rien n'est immuable.
Avec Bout'chou (8b+), mon frère Antoine proposait en 2001 une nouvelle sortie directe jusqu'au plateau, offrant une nouvelle jeunesse à cette voie de maintenant 25 ans. Première voie à droite de la fissure Serge dans ce grand mur du bout du monde, Chouca continue de nous inspirer et de nous régaler.
Et moi, j'ai encore le cœur qui se serre et les yeux qui s'embrument en pensant que quelque part, l'esprit d'une chienne fantastique nous regarde et fête par son excitation cette joie de grimper dans des endroits merveilleux.

 

Marc Le Menestrel

Décembre 2009

 

 

La rose et le vampire

 

PRESENTATION
Les falaises de Buoux, c'est toute une histoire, depuis les premières voies ouvertes en artif à l'aide de pitons forgés jusqu'aux passages top niveau Je vous raconte mon Buoux et sa célèbre voie « la rose et le vampire ».
Grimper, c'est une histoire que l'on vit. La vie est une voie. L'escalade nous révèle, à travers le miroir de l'ascension, des facettes de nous-mêmes. La hauteur engendre l'engagement, notre compagnon de cordée assure notre vie. Au pied de la paroi, le choix d'une voie exprime un désir. Je choisis un univers une difficulté, un engagement, la beauté d'une "ligne ", son histoire...A l'intérieur de ces contraintes s'exprime mon désir de grimper, telle une faim primitive. Buoux, c'est un lieu magique. Si le désir monte en moi, c'est qu'une histoire vécue va émerger à la surface de mon être, comme des bulles de champagne dans un petit coin de paradis où l'Aiguebrun coule toute l'année.

 HISTOIRE
La vie à Buoux a commencé dans les rochers, il y a 125 000 ans. L'homme de Neandertal y a vécu durant près de 90 000 ans. Plus tard, après la dernière glaciation du Würm, des grottes furent occupées au Néolithique, vers 6 000 av. J.-C. comme lieux funéraires, près de 200 tombes sont creusées à même le roc.
Durant le haut Moyen Âge, le vallon de l'Aiguebrun fut sans doute un centre érémitique, sans doute influencé par une forme d'ascèse qui nous vient de Syrie : le stylitisme (grec stylos : colonne). Ces " athlètes de Dieu " vivaient sur de hautes colonnes, dans une immobilité absolue. Les cuves, escaliers, trous de poutres et rigoles peuvent leur être attribués.
La version plus scientifique et officielle date ces tailles dans la roche aux Carolingiens (IX siècles), lors de périodes de surpopulations.

 LE ROCHER
La falaise est formée de molasse urgonienne, datant du Miocène (-25 à -12 millions d'années). C'est une roche sédimentaire, née de l'empilement successif de dépôts marins : en escaladant un mètre de rocher, on parcourt en moyenne une vingtaine de millénaires de l'histoire de la terre. La roche de Buoux est unique et recherchée : sans fissures, elle résiste au gel et donc au temps. Son nom latin mola : meule vient de ce qu'elle était utilisée pour tailler les meules de moulin. Les formes de la falaise sont rondes et chaleureuses, voire voluptueuses et colorées.

 L'OUVERTURE
En 1985, nous étions quelques-uns Laurent Jacob, Marc Le Menestrel, Jean-Baptiste Tribout à l'affût de lignes toujours plus extrêmes et réalisables. C'est Laurent Jacob, pour qui l'ouverture est une passion intarissable, qui nous initia aux joies de l'équipement; découvrir une ligne, la préparer au mieux afin que les grimpeurs aient envie de la parcourir, enfin avoir l'honneur de signer son nom au pied après l'avoir réalisée en libre. Il perfectionnait sans cesse ses outils; escarpolette, tamponnoir rallongé, chignole, il ramenait aussi des points d'assurage en les cachant dans son string pour toute la bande d'ouvreurs que nous étions. Nous ne voulions pas forcer un passage en créant une voie de toute pièce mais nous cherchions à nous adapter au rocher et suivre le chemin dans lequel la partition minérale nous emportait. Il ne s'agissait pas de rentabiliser un morceau de caillou, mais de suivre l'appel
d'une belle ligne. C'est un honneur pour nous ouvreur d'être en contact avec un espace vierge.
Il en reste peu sur terre, ils sont précieux. Notre travail d'ouvreur sera de dompter la roche nue et de prolonger la création naturelle en la transformant. Voilà ce que j'appelle être créatif dans l'adaptation au rocher...Lorsque nous descendions en du haut, une question nous hantait : Y avait-il suffisamment de prises pour grimper? C'était notre plus grande inconnue. Le jour où je suis descendu pour la première fois ce fut comme voir une merveille, les prises étaient là, mais elles étaient trop petites pour la gravir à cette époque là. Malgré tout, ma rage de grimper me poussa à consolider des prises et à en agrandir d'autres, une seule prise taillée est surgies du
néant, un bi doigt que j'ai taillé pour les grimpeurs de petite taille. Le rocher dictait mon travail, mais j'apportais une part de création supplémentaire aux passages. Ou était la limite entre l'amélioration et tailler une prise ! Mon appréciation personnelle était mon unique juge. Quand j'ai équipé cette voie, je lui donné une direction; verticale. Ensuite, j'ai adoucie les prises à la râpe pour ne pas qu'elles fassent mal. Avant l'apparition du libre cette pratique n'existait pas on n'intervenait rarement sur les prises car on ne travaillait pas les voies mais avec l'escalade libre, c'est devenu inconcevable de répéter un mouvement sur une prise coupante. Pour moi, améliorer les prises était déjà un manque de respect pour les générations futures. Mais je voulais ouvrir cette voie pour la ligne, la gestuelle, le chalenge de sa cotation
et j'allais léguer cette voie à la communauté des grimpeurs. L'envie de m'exprimer en ouvrant une voie sur le rocher devait s'arrêter là. Tout n'était pas possible. Apres cette ouverture j'ai pensé que j'avais trop forcé le rocher. Je n'étais plus créatif dans l'adaptation au rocher mais je devenais créateur de voies. C'est l'apparition des murs artificiels qui m'a permis de canaliser cette créativité : en falaise, désormais, j'allais ouvrir des voies en respectant notre terrain de jeu. Je pourrais créer sur les murs artificiels qui étaient un support vierge et un " exutoire " à mes rêves inassouvis de voies originales. C'est ainsi que je suis devenu un créateur de voies sur mur artificiel, puis le premier ouvreur international pour les compétitions. Je disposais les prises écrivant une partition gestuelle dont la dramaturgie était révélée par les compétiteurs. Et cette écriture gestuelle se traduisait par des mouvements physiques, en déséquilibre, d'engagement. Cela m'a amené à séquencer le type de difficulté que je pouvais rencontrer. J'ai découvert que j'étais un chorégraphe !

 Un CROISE DE REVE
Mais en forçant la nature, j'ai aussi engendré une attitude créative qui m'a permit de découvrir le " croisé de la Rose " un mouvement qui n'existait pas à l'époque dans le vocabulaire de l'escalade : le bras gauche va si loin chercher une prise à droite qu'il entraîne la tête sous le bras droit; ce mouvement m'ouvrait le visage sur l'espace et le monde qui m'entourait, créant une relation avec l'assureur et les grimpeurs. Avec ce nouveau mouvement, je découvrais une autre dimension de l'escalade, je pressentais mon futur métier d'artiste de la hauteur. C'est un mouvement fondateur car il m'a permis d'être en hauteur et de créer une relation avec le public. Un an plus tard je dansais sur les murs et ce geste est devenu incontournable de mes
danses verticales. Je l'ai exporté sur des décors de spectacle et sur les murs des villes. Cette voie a beaucoup compté pour moi, elle m'a transformé et a changé le cours de ma vie.Notre pratique de l'escalade évolue sans cesse, et la richesse de notre activité c'est la diversité des approches, chacun sa voie.

 GRISER LES PRISES TAILLES
2O ans plus tard ce qui me plait toujours dans l'escalade libre sur site naturel, c'est être en relation intime avec le rocher. Moins il y a d'intervention humaine d'acte volontaire et de création de prises sur le rocher, plus mon être-grimpant pourra être en communion avec l'esprit du rocher. La taille de prises suppose une relation avec un ouvreur. C'est sur mur artificiel qu'il s'exprime le mieux. Je me suis pris au jeu de « GRISER » les prises taillées comme on a jauni les clous et de me servir que des prises naturelles. Je me suis inventer une autre façon de grimper.

« Griser » les prises c'est :
Rendre le rocher symboliquement plus proche de son état initial.

S'enivrer d'une purification
S'exalter gestuelle ment dans un mouvement naturel.
Faire naître en nous un élan créatif.
Au début de l'escalade libre, on jouait à peindre en jaune ou jaunir les clous qui ne servaient plus à la progression. Parallèlement, j'ai constaté que je ne supportais pas de grimper sur des prises taillées, je ne ressentais pas le plaisir du geste et de sa relation au minérale.
Partant de ce constat, j'ai joué à passer dans les voies à Buoux sans les prises taillées et j'en ai réalisé un topo. J'ai constaté qu'il y a même certaines voies qui sont plus faciles sans les prises taillées, que l'on peut répertorier les styles de tailles! J'ai ajouté "La Rose et le Vampire" dans le topo des voies grisées car j'avais volontairement agrandi un bi-doigt pour que les petits
fassent la voie. En intervenant sur une prise on commet toujours l'irréparable. Ce fût une véritable prise de conscience : la prise d'escalade était le talon d'Achille de notre pratique. Une prise est précieuse comme une pierre, « une prise précieuse » nous relie à la planète, on remonte le temps en grimpant sur du calcaire. Quand l'on commence la voie, on est
plusieurs milliers d'années en arrière, et quand tu montes, tu te rapproches du présent. Aussi, je trouve beau que la pratique repose sur quelques cm2 de minéral. Si un fou, un terroriste devaient abîmer des prises, cela serait irréparable. Finalement la pratique repose sur un consensus. Il s'agit d'un silence qui fait que notre pratique existe et qu'elle existe toujours.

 FLORILEGE SUR PRISES :
La prise est l'appui sur lequel repose notre pratique, l'escalade naît à la première prise et expire à la dernière prise.
Sans les prises, les grimpeurs n'existeraient pas, mais c'est dans l'entre deux prises que nous vivons l'escalade.Chaque prise est unique et fait partie du patrimoine minéral et gestuel de l'escalade. Elle est aussi le point faible de notre pratique, on peut volontairement les casser, les agrandir, les boucher, les tailler...Elles sont à la merci du vouloir de l'ouvreur et des grimpeurs. Elles ont aussi leur propre vie, elles s'usent avec le temps, se cassent sous les préhensions répétées, juste après une pluie elles deviennent particulièrement fragiles.La tendance d'une voie d'escalade est toujours de devenir de plus en plus dure et polie. Une prise s'use avec les passages, une prise est toujours victimes de son succès. C'est la vie d'une voie, restons poli avec les prises, acceptez-la telle quelle, essuyez vos pieds et grimpez léger.
Une prise a sa forme, sa dimension, son orientation, sa couleur elle est une note sur la partition minérale et nous sommes des danseurs qui interprètent cette chorégraphie. Nous sommes tel un caillou qui ricoche sur les prises.
Chauques prises à sa voisine. Le hors prise n'existe pas en escalade.
Une prise relie tous les grimpeurs, elle est notre point de contact dans laquelle nous laissons sueurs et sang, gomme et terre, magnésie et résine.
La prise est porteuse d'une inconnue, du mouvement qu'elle engendre.
La prise est porteuse d'une surprise.

La première ascension au BOUT DU MONDE
La première fois que j'ai découvert ce lieu, c'est après avoir coupé un arbre pour libérer le départ de la fissure Serge. On emprunte un bloc incliné telle une rampe de lancement pour déboucher au Bout-du-Monde. Un lieu magique ! D'imposants blocs de rocher gorgés de soleil jonchent le pied de la voie, de leurs pores émanent un parfum sableux aux couleurs désertiques. Je me souviens :Le soleil tombait au ralentit, les dernières rimes lumineuses s'entrelaçaient. J'apparaissais par cette porte sylvestre qui s'ouvrait sur le bout du monde théâtre de nombreux combats, je venais pour grimper. Toute la vivacité, toute l'énergie accumulée au cours de la journée se projetait dans cette voie. Lors de mes tentatives je me battais avec la même intensité avec la même rage avec ce désir de réussir mouvement après mouvement. Avant chaque essai, j'adoptais un rite particulier. Je nettoyais les prises. Je les prenais dans mes mains. Je les pétrissais sous mes doigts pour les apprivoiser et les préparer à l'effort qui allait suivre. Je les mettais en confiance afin que l'influx soit près à jaillir. Je m'encordais à mon assureur, un complice qui tenait ma vie entre ces mains. Au cours de mon élévation il dévidait la corde de son cerf-volant humain. D'un geste Bleauesque je faisais couiner la gomme de mes chaussons. Il me restait à mettre de coté tout ce brouhaha cérébral, à rentrer en symbiose avec les éléments ; la partition minérale, l'air, mon vide et le feu de ma respiration. Chaque fois, je tombais à quelques mètres du sol. Je me demandais ce qui me poussait à réessayer sans cesse. Etais je là sur terre pour réussir cette voie ?
Je n'avais pas le choix, elle était inscrite en moi, une vie pourtant ne pouvait se résumer à un mouvement. Je me sentais petit. Après les premiers blocages très physiques, j'atteignais rapidement les prises du passage-clé, un croisé de rêve qui se déroulait sur une plaque de rocher ocre ayant la configuration d'un cadre, d'un écran de cinéma. J'essayais de m'y confondre chutant toujours les mains au bords du cadre. Il me manquait la sensation d'un grand jour, d'un état de grâce que je ne cessais de susciter. Peu à peu les ombres s'étiraient, il ne restait qu'un dernier rayon de soleil, le spectacle s'achevait, les acteurs étaient exténués, frustrés. Nous reviendrons demain où un autre jour, car certain jour nous laissions la voie se reposer. Au pied de « la rose et du vampire » un nuage de moucherons volait au-dessus des chênes verts dans le dernier rayon de soleil. J'ai vu en contre-jour une chèvre grimpant dans un arbre au sommet de la falaise, c'était un très bon signe. La section difficile fut avalée dans une respiration, j'ai crevé l'écran. Au sommet de la rose le soleil disparaissait derrière la falaise, c'était bon signe. Ce n'était qu'une étape: la voie sans moi continuait. «La Rose et le Vampire » sont aujourd'hui une voie célèbre dans monde, j'en suis fière. En tant qu'artiste grimpeur je la considère comme une œuvre créée par l'alchimie d'une falaise, d'un auteur et d'un mouvement libre. Au delà de son escalade cette voie a sa propre histoire enrichie par tous ces ascensionnistes.
Le vampire c'est la voie et la rose est pour vous. Verticalement- 1er ascension : 1986


Ouvreur : Antoine Le Menestrel - Cotation : 8b (un des premier 8b Français) Texte écrit entre 1986 et 2009Antoine Le Menestrel "Bordilles dans le sac, tu grimpes léger"

 

 

Bouil...


Si il y en a un qui a été heureux dans sa vie... C'est bien moi !
Moi c'est Bouil... Né en juillet 1986, crétin des Pyrénées comme dit ma maîtresse Snoop, issue d'une grande famille de braillard... Le ton est ainsi donné. Très jeune à peine deux mois, j'ai été initié à l'escalade. Mes débuts n'étaient pas brillant... Trop petit pour faire les marches d'approche seul, je finissais régulièrement ce périple soit dans des bras soit dans un sac à dos. Je suis complètement tombé amoureux de Buoux à partir de septembre 86 et j'ai très vite compris que la falaise de l'Aiguebrun allait par la suite devenir ma dernière demeure. Ca commençait généralement toujours de la même manière. Le matin mais pas très tôt, Snoop ma maîtresse préparait son sac. Intérieurement je me disais qu'il allait se passer quelque chose !
Bouil....... J'entendais... Je ne suis pas sourd  !

Allé viens on y va. Sauvagement je sautais dans la voiture... et en route vers de nouvelles aventures...
Il ne me fallait pas longtemps pour comprendre que « l'affaire «  allait se terminer à Buoux. J'en étais ravis d'autant que j'avais mes habitudes...
A la hauteur du panneaux « Buoux » au village, rien n'allait plus pour moi. Je commençais à grimper sur le siège avant pour finir à la vers de l'auberge de la Loube sur les genoux de ma Snoooop. C'est alors précisément à cet endroit qu'elle « lâchait prise » et me larguait sauvagement sur le bas côté de la route. Là il y avait deux options : Soit je passais devant, soit je passais derrière la voiture... Cela dépendait en fait de sa forme du moment et de son empressement pour se rendre à la falaise. J'en profitais pour faire quelques haltes vidange histoire de marquer mon territoire et hop la cavalcade repartait de plus belle.
A Buoux, j'avais donc mes habitudes.
Je n'étais pas pénible comme les autres chiens de l'époque à vouloir hypothétiquement rattraper un bout de bois qu'un éventuel grimpeur aurait pu me lancer. J'avais vite compris que concentrés sur leur escalade les escaladeurs avaient d'autres grattons à fouetter. J'étais pénible, je le reconnais, à ma façon. Je creusais, je creusais et je creusais... des trous dans le sol ! Dès fois carrément au pied des voies, dès fois un peu, plus loin car en creusant pour me donner de l'énergie je couinassait surtout lorsqu'une saleté de racine me résistait. Je revenais alors maquillé, plein de terre autour du museau mais aussi sur les pattounettes. J'en ai creusé des trous.... Falaise oblige !
Mon autre trip c'était d'aller mordiller « gentiment » les mollets des grimpeurs. Ca j'aimais ça mais des fois je me prenais des coups de pied dans le train d'atterrissage sans même avoir vu partir le coup.
Les périodes de froid voir de grand froid j'adorais aller me coucher sur les cordes. Pelotes en rond, le museau dans les pattes, j'étais pépère bien confortablement installé sur mes cordes préférées, les plus chaudes, les cordes Béal. La planque était généralement de courte durée car je me faisais éjecter sans trop rien comprendre du reste mais en comprenant toutefois que mon scouat venait de fouarer.
Les jours de grande déprime je m'en allais visiter la falaise à la recherche d'une demoiselle.... C'est alors que j'entendais d'un ton plus que super aigu : Bouilllllllllllllllllll..... Je pouvais être à l'autre bout de la falaise que j'entendais le signal et je savais je devais vite envisager un retour sinon ça allait chauffer pour mon matricule.
Côté bouffe, je ne mendiais pas de trop au pied de la falaise car j'avais aussi vite compris qu'à l'époque les grimpeurs mangeaient soit des graines soit des carottes râpées et que moi les graines et les carottes râpées ce n'était pas trop mon truc. Un jour j'ai dégoté un chapelet de petits saucissons bien secs. Je suis revenu avec au pied de ma maîtresse pour lui faire valoir que moi aussi j'allais à la chasse aux croix...
Un jour aussi j'ai eu droit à un super saucisson sec... Venu du ciel ! J'avais gagné ma journée... En fait c'est une stagiaire qui en grimpant dans la voie « confiture pour les cochons » s'est pris un saucisson sur l'épaule. Il provenait d'un grimpeur qui « saucissonnait » sur la vire des Diamants et qui avait malhencontreusement laissé tomber son casse croûte. Lorsqu'il est redescendu au pied de notre voie pour récupérer sa proie, nous avons fait les innocents... Un saucisson ? Non... pas vu ! J'ai souvenir qu'il était vachement bon !
Je me souviens aussi du vol plané que j'ai fait de la vire de TCF via le sol 7-8 mètres plus bas. Je mettais fait surprendre par un gros berger Allemand. De peur de me faire dévoré, j'ai reculé, reculé et v'lan en bas... Plus de peur que de mal. Du coup je n'ai pas aboyé pendant une semaine.
Et puis les années ont passées.... J'ai vu passer l'an 2000 et puis un beau matin d'octobre, alors que deux jours après je devais aller faire une virée aux Baléares, je ne me suis pas réveillé.
M'am Guignard et Snoop m'ont conduit dans ma dernière demeure.... Un petit coin tranquille dans le vallon, en face de l'os à Moelle qui était le secteur de la falaise que je préférais. Depuis 2000, je mate les réalisations dans ce fameux « os » et je peux vous dire moi qui n'ai désormais plus qu'à tenir les comptes, que réaliser à vue « Regard et sourire » un 7b+ seulement... Relève du top moumoute de la performance...

 

Bouillllll

 

 

Humeur d'ouvreur...

 


Toi qui grimpe et qui ronchonne contre l'équipement parce que la voie est engagée ou trop équipée, que les points sont mal disposés ou bien encore parce qu'une prise est taillée... As-tu déjà équipé ?
Sache qu'il vaut mieux mettre un point cinquante centimètres à droite plutôt que dans une sournoise cavité. Sache aussi que certaines lignes se prêtent mieux que d'autres à l'engagement. Et si un jour tu équipes, tu t'apercevras toi aussi que suivant tes humeurs du matin, tes amours de la nuit, ton travail de la veille, tes envies du moment, un jour tu engageras, un autre tu suréquiperas. Dans une voie tu auras la patience de ne pas tailler, dans la suivante tu forceras le passage. Tu confirmeras qu'équiper, c'est physiquement dur et psychologiquement délicat. Ouvrir une voie est un acte consciencieux et responsable, la plupart du temps bénévole.
De Nombreux sites d'escalade de France ont été équipés de la poche même des ouvreurs, aidés au mieux par les clubs locaux, les comités départementaux et régionaux de la fédération. Même si Buoux a pu bénéficier d'aides financières exceptionnelles pour le rééquipement des voies, tous ceux qui grimpent le font parce que d'autres ont pris le temps d'équiper...

Alors s'il te prend l'envie d'ouvrir une nouvelle voie, à Buoux comme ailleurs, respecte le travail des ouvreurs qui t'ont précédé. Prendre l'initiative d'ouvrir, ne te donne en rien le droit de faire n'importe quoi! Les falaises autres que celles autorisées à la pratique de l'escalade (des secteurs Ratière au Bout du Monde) sont des propriétés privées, laissées à l'état vierge pour des raisons de sécurité mais aussi de protection et de sauvegarde des milieux naturels. La mollasse calcaire de Buoux ne supporte que les fixations double expansions, ou mieux les rings collés au sikadur. La physionomie historique d'une voie, le caractère naturel d'une prise, la dimension d'une prise taillée, ne doivent jamais être modifiées. L'équipement en place dans les voies ne doit pas être transformé. La création de possibles variantes ou autres connexions, doivent se soumettre à l'accord de l'ouvreur de la ligne initiale.
Bref autant de savoir être et de savoir faire qui garantissent la richesse et la beauté de notre activité favorite. Sur ce, bonne grimpe à tous.


Thierry Nief.

Texte écrit en 2004

Décédé en 2006...

 

 

Extrait du topo de Buoux 2007

Buoux, pilier de l'évolution de l'escalade libre et sportive...

 


La fin des années 1970.
Après l'ouverture des grandes voies du début des années 1970, où quelques passages de libre jusqu'au 6a sont réalisé, la nouvelle génération d'escaladeurs va tenter de « jaunir » les passages d'artifs, en grimpant sans s'aider des pitons pour progresser et se reposer. C'est l'explosion de l'escalade libre. Les plus actifs dans le vallon sont incontestablement Bernard Gorgeon,, son frère Daniel, Jacques Nosley, J.Keller, Philippe Borghy, George Giraud, et d'autres amis encore. Grâce à eux de nouvelles voies fleurissent au rythme des week-ends passés à Buoux.
Vers la fin des années 70, beaucoup de dalles sont exploitées (Sex pistol, PGF, Salinas, Transat). Buoux commence à être connu par les grimpeurs français. Certains viennent de loin pour découvrir les falaises des Confines et de l'Aiguebrun, notamment Bruno Fara, Laurent Jacob, les frères Troussier et Serge Jaulin. La traversée du Styx 6b+ ouverte par Pschitt, et la Rape 6b ouverte par Didier Bitoun et Gérard Merlin, sont les principales voies de l'année 1978. En 1979, c'est l'ouverture de Pepsicomane 6b parcourue en libre dès l'ouverture du bas par les frères Gorgeon et leurs amis. Ces trois voies considérées comme les plus belles du vallon, deviennent très rapidement les voies « à faire ». Elles marquent également la fin d'un période ou l'ouverture du bas semble de plus en plus limitée. Les années 80 : l'escalade sportive et médiatisée.
1980 est l'année charnière. L'escalade à Buoux va subir de profonds changements. Nous entrons dans l'ère de l'ecalade sportive. Dans le vallon, les problèmes de libre tombent un à un, et de nouveaux visages arrivent. Jean Pierre Bouvier libère la dernière longeur du Pilier des Fourmies 7a, Jean Claude Droyer réussit la troisième longeur de la Gougousse 7a+, Jacky Godoffe annonce 7c pour le Rut qui descend à 7a après la première répétiton de Patrick Edlinger. L'équipement change : c'est le temps des chevilles à expansion placées en rappel au tamponnoir et au marteau. Laurent Jacob est le premier à utiliser un vilebrequin muni d'une mèche à béton pour forer profond dans la molasse du Luberon. Philippe Macle aux Confines et Serge Jaulin (Schabada swing à l'Aiguebrun) utilisent les premiers scellements. L'emplacement des protections est consciemment choisis en fonction des prises mais aussi l'engagement que veut donner l'ouvreur. On aménage le rocher en brassant le lichen, en adoucissant les prises pour préserver les doigts des grimpeurs. Les prises taillées apparaissent plus fréquemment afin de faciliter ou de créer un passage. La valeur symbolique du sommet disparaît au profit d'un relais en pleine paroi. Une voie peut alors ne comporter qu'une seule longueur. Les ouvreurs cherchent la haute difficulté et l'échelle des cotations s'ouvre vers le haut. De nouvelles voies fleurissent aux Confines comme à l'Aiguebrun. Philippe Macle et Jean Marc Troussier descendent des Alpes tous les week-end et ouvrent de nombreuses longueurs : Buffet froid 6b+, Camenbert Fergusson 6c+, Kaderlita 7b+. les cotations flambent ! Patrick Edlinger met la barre très haut avec Viol de Corbeau en 1981, annoncé 8a, redescendu à 7b+. Laurent Jacob équipe en 1982 L'autoroute du soleil 8a/b, aujourd'hui 7c.
C'est aussi en 1982 que le niveau « à vue » augmente avec les performances de Patrick Edlinger dans Capt'ain crochet, No man's land et Luhora 7b puis la Polka des ringards, premier 7c « à vue ».
En 1981 un nouveau topo sort. Dès 1982, les premiers et les meilleurs numéros de « l'année montagne » sont publiés. Plusieurs chroniques et articles de presses consacrés au « libre » transportent Buoux au rang des plus belles falaises du monde. On parle déjà de sur-fréquentation amplifiée par l'explosion médiatique du film » La vie au bout des doigts » de Jean Paul Janssen.

1983 : L'année du 8a
En été 1982, Laurent Jacob, Jean Baptiste Tribout, Antoine et Marc Le Menestrel, Fabrice Guillot, David Chambre, découvrent la face Ouest. En quelques mois, la bande des « Parisiens » soif de nouvelles difficultés, équipe un grand nombre de voies d'un niveau très élevé. En février 1983, Patrick Edlinger équipe Ca glisse au pays des merveilles aux Confines, sûrement le premier 8a réalisé dans le vallon (en France ?) juste avant rêve de papillon équipée par Antoine et réalisé par Marc Le Ménestrel (15 ans) en avril.
Pâques 1983 reste une date importante de l'escalade à Buoux. La fréquentation du site devient extrême. >On annonce près de mille grimpeurs dans le vallon. Certains accès (camping sauvage, parking anarchique, détritus) provoquent la réaction du Conseil Municipal de Buoux qui décide d'interdire l'escalade sur la commune. Cet arrêté sera cassé pour non-conformité quelques mois plus tard, mais l'ambiance générale en sera profondément bouleversé pour les années à venir. Malgré une baisse très nette de la fréquentation, de nombreuse voies de haut niveau continuent de s'équiper et le 8 février 1985, grâce à des négociations menées par le FFM et le COSOROC... Une convention est signée pour autoriser officiellement la pratique de l'escalade. Les grimpeurs perdent alors l'accès aux Confines et à la Face Ouest.

1985 : le renouveau
Le dynamisme de Bruno Fara, muni de sa nouvelle perceuse à accus, va profondément changer le paysage grimpant. Avec sa griffe et sa fougue, il équipe plus de soixante longueurs, en commençant par la Dérive puis le Scorpion, la Plage et enfin Fakir. Il participe activement au rééquipement bénévole avec Serge Jaulin et Pierre Duret. Les ouvertures vont s'effectuer dans toutes les difficultés, ce qui va entraîner une recrudescence de la fréquentation. Le premier 8b de Buoux et de France est réalisé en août 1985 par Marc Le Menestrel : les Mains sales en face Ouest. Puis apparaissent d'autres 8b dans le nouveau secteur du Bout du Monde ou sévissent Antoine et Marc Le Menestrel, ainsi que Marco Troussier : Chouca 8b redescendu à 8a+, la Rose et le Vampire toujours 8b, comme Tabout Zizi que Marco a failli déséquiper, contrarié par le nombre de prises qu'il avait taillé ! En 1986, Antoine Le Menestrel signe le premier 8b+ de France avec la Rage de vivre suivi de Marx qui enchaîne le Minimum 8b+ également ; voie qui deviendra 8c en 1992 suite à deux prises cassées. Des secteurs entiers se développent grâce à Bruno Béatrix (G.V.B), Eric Revolle (La Croisette), Serge Jaulin (à droite d'Autoroute et sur la vire des Diamants) José Luis et Pierre Duret.
L'année 1987 est marquée par les réalisations éclairs de Jerry Moffat dans les voies références. En une semaine il réalise La rage de vivre 8b+, le Minimum 8b+ et Tabou zizi 8a+/ Puis dans la même journée le Spectre du surmutant 8b+, voie phare de Jean Baptiste Tribout, suivi par La nuit du lézard 8a+ !
C'est en 1987 également qu'Alain Robert commence à s'illustrer en solo, intégral. Patrick Edlinger avait réalisé en 1981, le Rut et le Pilier des Fourmies 7a. Laurent Darlot s'offrira TCF suivi de Camenbert Fergusson 7a et Rose des sables 7a/ David Chambre réalisera notamment la Volière 7b gazeux. Alain Robert franchira en solo de nombreuses longueurs, dont La chèvre et le chou 7c, Rêve de papillon 8a puis surtout en 1991, la nuit du lézard 8a+ au caractère très aléatoire...
Fin 1987, Christine Gambert réalise le premier 8a féminin avec Rêve de papillon, suivi rapidement de Lynn Hill
Début 1988 Catherine Destivelle répète également Rêve de papillon, puis Elixir de violence et la Diagonale du Fou 8a. En mars, elle enchaîne Chouca, le premier 8a+ féminin ! Lynn Hill elle, auteur du premier 8b+ féminin au Cimai, échappera miraculeusement en mai 19879 à une chute de 25 mètres depuis le haut du mur du Styx !
1989 : premier 8c indiscutable
Le 8c est apparu en France en janvier 1989 dans les dévers de Buoux avec Azincourt, ex-dernière longueur des Barouilles, ouverte en artif en 1972 par les Gorgeon and co, imaginée et équipée pour le libre par Laurent Jacob, puis libérée par Ben Moon ! La difficulté de cette voie rarement enchaînée, confirme la performance des premiers répétiteurs : Didier Raboutou, Marc Le Menestrel, Stefan Glowacz, François Dreyfus... La perceuse permet de rationaliser l'équipement. Les doubles expansions et les scellements font de Buoux une des falaises les mieux équipées de France et des plus fréquentées du monde. Tout grimpeur qui se respecte rêve un jour d'escalader les voies types de Buoux : Alertés les bébés 6c+, GVB (Grande veine bleu) 6b, Les diamants sont éternels 7a, TCF (Turbo cibi facho) 7a, No man's land 7b... Cette évolution de l'escalade à provoqué la disparition de certaines voies. Elles étaient plus ou moins bien équipées, parfois très peu parcourues, en traversées ou comportant des passages d'artifs dans des lignes de libre. Par exemple, La Méhdou ouverte en 1978 par Gérard Lucet seul disparait entre Vol au vent et Là bas si j'y suis. L'Hallali de l'élan palan et sa voisine L'Hallali de l'élan lent ouvertes par Michel Bonnon et Bruno Lankester, disparaissent au profit des voies plus dures du secteur Autoroute. Le haut de Super Brown ouvert par Bernard Gorgeon, Jean Gay, Pierre Gras et Jacques Nosley, subira le même sort dans le mur des Diamants. L'Araldite ouverte en 1978 par Christian Guyomar et Christian Hautcoeur passait entre Dérision et Solution finale pour se noyer ensuite dans le grand mur jaune à droite de la Fakir. Le Styx donnera son nom à ce magnifique secteur : le tracé initial empruntait le départ d'Andéavor, traversait de deux longueurs l'ensemble du mur, pour sortir à droite de Proxima Nox ! Enfin si la Rampe ouverte en 1974 par Raymond Coulon, Serge Gousseault et Pierre Gras constitue toujours la dernière voie du Bout du Monde, son récent rééquipement l'a rendu bien plus directe et plus soutenue (7b) : On l'appelle aujourd'hui Tiens bon la rampe.

Les années 1990 : rééquipement et baisse de fréquentation
Le début des années 90 voit le rééquipement systématique en scellements (rings) de la quasi totalité des voies de la falaise, sauf la face Ouest, non autorisée et en grande partie déséquipée à l'initiative de Thierry Nief pour des raisons de sécurité. Ce travail de rééquipement a pu être effectué par des grimpeurs parfois rémunérés, suite aux dossiers de deman,de de subventions réalisées par le CD FFME du Vaucluse, avec l'appui du Conseil Régional PACA et du Conseil Général du Vaucluse. Puis, quelques nouvelles voies voient le jour dans les secteurs de Songe, Styx et surtout la Croisette avec des voies de 5b à 6b réalisées par Pierre Duret. Quelques nouveautés également sont équipées dans le secteur de la Plage par Bruno Clément et Bruno Fara, ainsi plusieurs voies d'initiation par Françoise Lepron et le club Aptitudes. C'est dans le haut niveau que l'on retrouve Antoine Le Menestrel avec Il était une voie 8c (la voie la plus dure de Buoux) puis Bruno Clément avec le Schlafzack et le bierkenstock 8a+, à gauche de la quatrième longueur du pilier des Fourmies, mais surtout avec une nouvelle ligne majeur dans le secteur Dévers : La chiquette du Graal, annoncé 8c par l'ouvreur , puis descendue à 8b+ après le passage d'un répétiteur bidouilleur... Dans ce même secteur, on trouve l'éternel compère de Bruno, Yann Ghesquiers qui équipe Et dieu créa l'infâme 8a+, puis réalise un des dernier problèmes de Buoux : Miss catastrophe 8c.
Certaines vacances scolaires et quelques dimanche de printemps sont synonymes de trop plein. Cependant l'émergence de nombreux sites d'escalade dans la région PACA à contribué à la régulation de la fréquentation sur le site de Buoux. Les grimpeurs français et étrangers viennent moins souvent et moins longtemps.

Les premières années 2000
La stabilisation de la fréquentation se confirme. La falaise est même déserte certains week-ends. Pour autant, l'usure des prises de certains passages augmente la difficulté de voies comme Germanophobie 6c, la Béda 6a+, la Montée aux enfers 6c, Dresden 7a+... Face à la banalisation d'une escalade de plus en plus physique, d'autres voies au contraire ont vu leur cotation diminuée : Camembert Fergusson 6c+, Joe weider's rock principle 7c+, la Mission 8a+... De nouvelles voies apparaissent encore, en particulier au secteur Bout du monde, où Antoine Le Menestrel ouvre la directe de Chouca, Bout'de chou 8b+, Bruno Clément CTN 8b, Laurent Triay TNT 8b+, l'intégrale de l'idole 7c et puis au secteur Fakir une voie de trois longueurs DE Camino a la vereda annoncée 7b, 7c et 8 ? Enfin, tout récemment, Valéry Bernard et Eric Garnier concrétisent un « chantier » de Marco Troussier : Gratton Laberu 8a+. Côté perf « à vue » Chris Sharma réalise Chouca, une première et unique 8a+ « à vue » de Buoux ?
Françoise Lepron avec le club Aptitudes ouvrent de nouvelles voies faciles vers le secteur de la Dérive. Plusieurs purges de blocs instables sont effectuées avec l'aide précieuse despompiers de la section montagne Apt-Bonnieux. Le rééquipement des voies vieillissantes ainsi que la maintenance des relais se poursuivent sous l'impulsion de Pierre Duret et l'aide du CD FFME 84 Début 2004, plusieurs voies semblent n'avoir toujours pas été réalisées : Mea coulpa par Bruno Fara secteur Autoroute, De Camino à la veredad par Laurent Triay au secteur de la Fakir, Le projet de Marc Le Menestrel au dessus de la Plage, Totem Zoulou de Marco Trousssier à gauche de No man's land, Du travail de pro au bout du monde. Puis enfin, d'autres longueurs , dont l'équipement n'a jamais été terminé, laissent présager quelques beaux défis... Avis aux mutants !

 

Eric Garnier

 

Buoux

l’œcuménisme vertical

 

Nous étions jeunes et large d’épaule (surtout moi)

Bandits joyeux , insolents et drôles….Même si je n’ai pas , comme beaucoup de grimpeurs marqué au fer rouge l’histoire de Buoux ,Buoux a marqué mon histoire !

Et je me permet de mettre l’accent sur des flashs qui habitent ma mémoire !

Buoux c’est : Une rencontre forte, comme tous les grands moments de ma vie je me rappelle avec précision de la première foi :Ce départ tardif de Grenoble avec Gabo et les frères Derobert , cette arrivée encore plus tardive dans le vallon pour squatter discrètement la colonie et surtout ce réveil automnal face au mur de la Gougousse (impressionné et muet).

Buoux c’est aussi une vision irréelle du tournage de « la vie au bout des doigts ».

Buoux c’est aussi avec le sentiment :d’une géniale intuition de JP Janssen , d’une totale improvisation,(il grimpe sans concession , redescente à pied , loupe l’hélico qui était chargé de filmer sa prestation dans le pilier des fourmis, quelques images du haut) d’une liberté et d’une vérité forte et enfin d’un incroyable talent ! Buoux c’est :aussi les premières interdictions et règlementations , et donc la prise de conscience des premiers freins au sentiments de liberté totale dans notre activité.

Un « zibandage » qui se passe mal du coté de Chanaz, les mains menottées sur les glissières de sécurité !

Des croix bien sur (mon premier 8 ….) mais aussi des galères pas possibles notamment avec la fissure Serge , réussi après 50 000..Essais

Un retour à Chamonix , direction les sous sols de l’EMHM avec T Volpiato pour avoir manqué à l’appel pendant quelques jours (ou semaines ma mémoire flanche )Et oui la réussite était souvent laborieuse et demandait des heures Sup !!

C’est « Mehmed le mince » en perdition dans sa borie pendant tout un hivers.

Buoux c’est aussi le cimetière des mythes Américains John Bachard (paix à son âme ) et Ron Kauk.Des prestations médiocres liées à la spécificité de l’escalade. Comment accepter de s’écraser les chairs de nos petits doigts pour tenir un mètre de plus !

Une bagarre mémorable entre les ténors du graton pour la 1ère répétition du minimum.

Je pourrais continuer des heures mais il faut conclure au risque de vous ennuyer !enfin une falaise qui rapproche plus quelle ne divise , qui appartient a la communauté des grimpeurs , Merci Françoise pour ce rassemblement, en espérant que des yeux s’illuminent pendant ces deux jours. , et même si je ne suis pas physiquement présent je serais avec vous par la pensée.

 

Luc Thibal

 

 

 

 Historique de Buoux

 

La découverte du LUBERON et de BUOUX, pour Raymond et moi, fut un enchantement vers 1954… La ferme des SEGUINS, le troupeau de chèvres chamoisées, le torrent de l’AIGUEBRUN à l’eau si claire, la lumière de son ciel…

Ce fût un concours de circonstance qui nous fit connaître ce vallon.

Par un groupe de spéléos, très fermé d’ailleurs, également passionnés de préhistoire, rencontrés à la SAINTE BEAUME, près de MARSEILLE, en 1953 (date de notre arrivée en PROVENCE… en motobécane depuis PARIS !) Ils nous ont conseillés de nous rendre dans le vallon de l’AIGUEBRUN à BUOUX pour la beauté du paysage… Ce fut bien sur le coup de foudre pour nous deux ! Avec le désir très vif d’y habiter un jour !

La première fois que nous avons « touché » le rocher ce fut pour descendre la falaise, à gauche des SEGUINS, avec les échelles de spéléos et je peux dire que ce fut assez impressionnant !

A l’époque nous faisions, en plus de la spéléo et quelques fouilles préhistoriques, de l’escalade dans les CALANQUES (quelle merveille), aux DENTELLES DE MONTMIRAIL, etc…Comme entraînement pour la haute montagne en été et du ski de rando en hiver.

En 1958, enfin nous avons pu réaliser notre rêve et venir habiter à BUOUX avec notre première fille, Mireille, âgée de 3 semaines ! Puis un an après, acheter une « moitié de ruine » et avoir enfin des pierres à nous ! Francine notre deuxième fille y est née…

L’envie nous vint donc de grimper ces falaises, situées sous notre nez, avec les quelques copains fidèles dont Pierre Gras, vraiment une petite équipe.

Ayant monté un atelier de ferronnerie (cumulé pendant deux ans avec un bar-restaurant… l’argent étant assez rare !) cela permis la fabrication d’une multitude de « pitons » ajouté à des coins en bois assez originaux car nous étions assez fauchés. Mais quelle joie l’ouverture de ces voies, pas question de regarder la montre, avec descente en rappel pour aller façonner soit le coin en bois, soit le piton qui convenait à la poursuite de la voie et sans oublier de se désaltérer, comme il se doit, avec le nectar des vignes du LUBERON !!!

Et puis, le chantier étant si vaste, nous avons fait appel à la FSGT de MARSEILLE qui, avec la jeune génération ( les Gorgeon, Nosley etc…) ont donné un souffle nouveau, favorisé quand même par l’amélioration du matériel d’escalade.

Pour la suite se référer aux notes de Jean Gay parues dans le guide des falaises de BUOUX.

Ce fut une période joyeuses, pleine de rires, de rigolades et de fêtes mais ne nous ont jamais fait oublier la GRANDE MONTAGNE, ses beautés et ses neiges éternelles qui nous poussaient toujours à la parcourir par tous les temps.

Le 30 mars 2010,

 

Huguette Coulon,

La Roche des Arnauds

 

Voici mes histoires de voies

à Buoux

 

En italique les passages sont issus de mes carnets de bord, ils sont donc dans leur jus. Je les ai peu modifiés.

En écriture normale mes commentaires, mes réflexions, les histoires écrites dans ma période actuelle.

Pour les vacances de la Toussaints 1980, mes parents font cordées et je fais cordée avec mon frère Marc nous découvrons le grand vide du Verdon ensemble comme les grandes classiques que sont Dingo Maniaque, l’Eperon Sublime… mais Pichnibulle par son aura impressionne trop mes parents surtout qu'il y a un passage difficile au-dessus de grands surplombs sans retour possible. Nous grimpons en tire clou avec des pas d’escalade obligés. De violentes discussions ont lieu entre parents et enfants. C'est le choc des générations. Avec mon frère nous insistons. Marc ne veut rien lâcher. Il en demande trop à mes parents. Ils sont prudents par conscience de leurs limites. Mes parents demandent conseil aux frères Marco et Steph Troussier. Le temps est pluvieux nous rentrons sur Paris mais sur la route on s'arrête dans une « petite falaise ». Le 2 novembre 1980 nous arrivons à Buoux et nous faisons la Fesse Wallonne aux Esconfines. En redescendant je vois une très belle dalle avec des reliefs ciselés sur la droite je me dis que je reviendrai bien l’essayer. Cette voie plus tard deviendra Pénélope. A Buoux il n’y a pas de voies neuves. On grimpe surtout dans les fissures. L’assurance se fait sur des pitons, coin de bois, cordelette sur les arbres et lunules. Cela vaut la peine d'y retourner pour y ouvrir des nouvelles voies.

 

Mes parents ont eu raison pour la prudence de ne pas nous emmener dans Pichnibulle. Ce détour à Buoux fut le temps d’une réconciliation familiale et le temps d’une révélation pour ma vie personnelle.

 

Vacances de noël 1982/1983

Nous dormions dans les Bories disséminés sur le plateau des Claparède à Buoux. Il faisait froid mais les doigts collaient au rocher. Il y avait un choix incroyable de belles voies nouvelles. J'ai eu la joie de grimper Pénélope 6c/7a. En quelques essais je réalise, La Polka des Ringards 7c, L’Autoroute du soleil 7c ouvertes par Laurent Jacob et la deuxième ascension de La Pierre Philosophale 7c. J’étais bien uniquement quand je grimpais et j'aimais grimper. Je réalise à vue le Rut 7a, Songes sucrés 7b que je décote 7a/b. En quelques années, les anciennes voies qui avaient pu être libérées l’avait été et il était nécessaire d'ouvrir de nouvelles voies.

C'est Laurent Jacob, pour qui c'était une passion intarissable, qui nous initia aux joies de l'ouverture. C’était un « maître ». Comment découvrir une ligne ? Au départ, une falaise, puis un guetteur à l’affût, qui traque du regard les lignes de prises. Nous prenions du temps au pied de la paroi à l'observer et ressentions l’appel d’une ligne vierge. Il descendait en rappel dans cette paroi sans voie. Cette pratique était révolutionnaire. À l'époque, peu de grimpeurs ouvraient des voies à partir du haut. Pour certains grimpeurs, c’était comme un sacrilège de commencer par le sommet et de descendre pour explorer l’inconnu. Dans notre civilisation, nous devions faire l'effort de la conquête et mériter le sommet comme un Graal. Certains irréductibles comme Christian Guyomard à la Sainte Victoire ont poursuivi l’ouverture à partir du bas, mais cette pratique qui avait presque disparue revient, elle participe aujourd’hui à la diversité de l’escalade.

Laurent préparait au mieux le rocher afin que les grimpeurs aient du plaisir dans la voie. Il avait un gros investissement pour ouvrir une voie. Lolo brossait le lichen sur toute la zone d'escalade afin que tout un chacun puisse choisir ses prises de pieds. Le moindre graton, cupule, bossette ou picot devaient pouvoir servir à un grimpeur en pleine découverte en style « à vue » ou en perdition lors d’une tentative d’enchaînement. Les voies faciles demandaient plus d'investissement, parce qu’il fallait en général brosser davantage, car le lichen s'accrochait mieux aux dalles et il y avait souvent des trous remplis de terre avec des arbustes aux racines denses qui se faufilaient dans les fissures, voire qui les créent.

Il adoucissait le tranchant de la prise pour éviter de se couper les doigts sur les collerettes de pierre. Il préparait le rocher à être grimpé.

Laurent perfectionnait sans cesse ses outils; escarpolette, tamponnoir de 10 rallongé. Il fallait près de 1 heure pour placer un point d'ancrage à la main. Pour toute la bande d'ouvreurs que nous étions, il volait des points d'assurage en les cachant dans son string. Il réfléchissait sur la place des points d'ancrage. C’était nouveau, avant, lorsque les grimpeurs partaient du bas, les ouvreurs mettaient des protections où ils pouvaient en mettre. Il pensait à faciliter les mousquetonnages en plaçant le point d’assurance au niveau d’une bonne prise avant le pas difficile. Il ne cherchait pas à placer le point plus haut pour diminuer le vol potentiel. Il plaçait judicieusement les points d’assurances en respectant la consigne de ne pas chuter au sol. L’exposition et l’engagement entre les ancrages donnaient plus ou moins de tension psychologique. Nous n’avions pas beaucoup d'argent et les points d’ancrages étaient alors espacés. Si les voies étaient engagées c’était surtout dû au temps passé et au cout dépensé pour un point d’encrage. Ce n’était pas que pour une idéologie virile de l’engagement comme certains aime le penser avec nostalgie.  Laurent cherchait l’esthétisme de la ligne de l’enchaînement des points, un équilibre entre les distances, une répartition pour ne pas provoquer de tirage. Mettre un point d'ancrage c'était assumer une responsabilité très importante car d'autres grimpeurs vont s'y arrêter ou y retenir leur vie. Enfin il grimpait la voie de bas en haut sans tomber, en libre.

Après l'avoir réalisée, il avait l'honneur de la nommer et de la signer au pied tel une œuvre. Comme la création d’une œuvre qui allait exister grâce aux autres grimpeurs. Les noms des voies changeaient et son intimité, ses rêves y étaient parfois associés. Dans toutes ses attentions, il y avait une recherche de la perfection et de faire don de la voie à la communauté des grimpeurs. 

 

Avril 1983 :

La Bande des Parisiens (Laurent Jacob dit Lolo, Jean Baptiste Tribout dit JB, Marc Le Menestrel, Fabrice Guillot, Alain Guersen, David Chambre…) que nous étions avaient une éthique qui laissait à l’ouvreur la priorité de faire la première ascension. Nous lui laissions le temps d’essayer en premier. Cette attitude permettait de nous respecter et de garder une certaine distance à ne pas « piquer » une première et consommer l’ouverture des autres. Il y avait un investissement émotionnel et physique parfois long, intense, névrotique. Une ouverture de nouvelle voie est parfois comme un vampire qui absorbait notre pensée, notre énergie, notre peau, notre sang. L’équipement de surplomb demandait de l’investissent dans des conditions fatigantes. Nous étions des grimpeurs impliqués dans l'invention de l'escalade libre et nous avions une part de responsabilité. Certains grimpeurs comme La Mouche étaient aussi très investis et précurseurs de la haute difficulté et d’ouverture. Mais ils ne se préoccupaient pas de cette éthique. Il venait essayer nos nouvelles voies et cela nous affectait. C’est vrai : Quel droit de propriété un ouvreur peut-il avoir sur un morceau de cailloux ? La voie ne lui appartient pas. Certes en grimpant ce morceau de cailloux on en fait une falaise. En équipant un parcours l’ouvreur on fait une voie. Cette voie ouverte appartenait à tous. Pourtant nous étions sensibles à cette relation qui s’était créé entre l’ouvreur, le grimpeur et la voie.

 

J’avais équipé la première partie de la traversé du bombé de la voie Rêve de Papillon 8a. Le mouvement du croisé m’avait inspiré pour nommer cette voie. Le bras par-dessus la tête me résistait tel un battement d’aile. J’ai laissé à Marc Le Menestrel la possibilité de l’essayer. Il était plus fort que moi dans ces mouvements qui demandent de la force. Je savais que je lui offrais la première. Il a équipé la dalle finale et il a réalisé Rêve d’un Papillon en avril. J’ai été sincèrement content pour lui et aussi parce qu’il avait réussi une des meilleures performances sportives de l’époque. Mais cette démarche m’avait coûté personnellement. J'ai eu la révélation d’une relation possessive vis-à-vis de la voie. Je me sentais lié émotionnellement à elle.

 

Avril 83

Nous dormions dans des Bories sur le plateau des Claparède. Un matin très tôt nous fumes réveillés et expulsé rapidement par la gendarmerie c’est ma première rencontre avec Pierre Pessemesse le maire de Buoux (Marie Laure Pessemesse était dans une des voitures). Il y avait vraiment trop de grimpeurs aux abords de la falaise environ 300 tentes avec les détritus et désagréments. On se comportait comme des envahisseurs. Je me souviens que l’on grimpait au-dessus de la route et l’on demandait aux paysans sur son tracteur d’attendre que le grimpeur sorte du pas difficile pour lui permette de circuler. Nous étions irrespectueux des habitants. La falaise était à nous, c’était notre terrain de jeu. Pierre était le maire du village et il avait créé l’auberge des Seguins au fond du vallon de l’Aiguebrun avec ses célèbres plats provençaux. C’était un écrivain poète bourru et atypique. Il organisait des piques niques dans la montagne avec ses clients. Il allait se cacher dans les blocs en espérant que les clients ne le retrouvent jamais. La falaise fut interdite au camping et à l’escalade. Avec Pierre commença le jeu du chat et des souris. Il nous envoyait les gendarmes en vain. Personne ne nous arrêta de grimper. Nous ne pouvions pas nous empêcher de grimper à Buoux. C’était impensable de ne pas grimper.

 

9 Juillet 1983

Le matin nous descendons en rappel dans le pilier à gauche de la face ouest. Une superbe voie à ouvrir à droite dans un bombé qui deviendra L’empire des Lumières 7c/8a. Pour y arriver avec Fabrice Guillot nous passons à travers des broussailles des ronces et autres épineux du genre c’est pénible on s’est écorché, blessée, égratigner. Nos adorables charmants et sveltes jambes sont meurtris !

Je découvre une ligne superbe à droite de la voie de Laurent Jeune Cadre Dynamite je décide de l’équiper. Un bombé parfait sans défaut à la courbure unique j’espère qu’il a une faiblesse son nom sera Elixir de Violence 8a/b.

 

On bulle pendant deux heures gueuleton et le soir on part dans la Gougousse 7b voies mythique par ses potins. (Je m’en souviens plus !) Les deux premières longueurs s’enchaînent bien. L’ambiance est montagnarde du fait de l’équipement éloignées et sur des vieux clous. Dans la longueur dure je tombe au rétablissement après la lèvre. Je redescends au relai puis l’enchaîne. J’atteins difficilement le haut de la falaise à cause du tirage. Au sommet, alors que j’assure Fabrice entrain de grimper je joue avec du sable et des fourmis. Je ne suis pas assez concentré sur ma tâche que je dois accomplir. Au moment même où j’suis le plus distrait un moustique vous avez cet insecte ignoble qui vous pompe votre énergie, cet animal antipathique me pique l’épaule gauche. La corde est dans un frein sur l’arbre à 3 mètres de moi. Alors que je tiens la corde d’assurance mains droite. D’un coup plus rapide que l’éclair, je tue mains droite le moustique posé sur mon épaule gauche. A ce même moment, Fabrice tombe à la lèvre. La corde est livrée à elle-même comme posséder par maléfice. Elle est douée d’une force propre se mets à filer sous mes yeux dans la direction qui donne parfois le vertige et la nausée à certaine personne. Les anneaux qui avaient été si soigneusement plié sur le sol sautent comme l’écume d’un barrage pour s’engouffrer dans le mousqueton. Une fraction d’instant me permet de réaliser ce qui se passe. J’agrippe désespérément la corde à deux mains avec courage. Mais voyant quelle file toujours je serre davantage. Je sens la corde pénétrer dans ma chair et l’odeur grillée qui l’accompagne. Enfin après un effort digne d’un mutant j’arrête le défilement. Fabrice rattrape le rocher et remonte en tire clou pendant qu’à chaque brassée de corde je souffle dans mes mains pour calmer la douleur. Enfin, la tête de Fabrice m’apparait au-dessus du plateau et je lui dis : Suis dessolé.

Fabrice a maintenant les deux mais sur une écaille d’environ deux mètres sur un mètre sur 50 cm, il me répond : « c’est bon tout va bien, j’ai pensé que le relais c’était arraché ». Il était tombé de 5-6 mètres environ puis trois mètres au ralenti.

J’ai fait une erreur grave et je l’ai payé de ma chair.

Fabrice fait son rétablissement final sur l’écaille et soudainement cet énorme bloc se détache de la paroi. Fabrice dans un mouvement de dessin animé grimpe au-dessus pour échapper au monstre de pierre. Le bloc de plusieurs tonnes s’éclipse dans les airs. Les yeux dans les yeux je vois Fabrice blanchir. Il crie : « pierre » d’un ton doux et innocent, sans voix comme s’il avait dit je t’aime dans le creux de l’oreille. Le bloc de rocher se fracasse 100 mètres en contre bas près du chemin qui mène à la colonie de vacances de Marseille encore en activité. L’incident passé nous courons à la voiture pour nous réfugier nous sommes dans une transe de fébrilité. Ce que nous fîmes par la suite n’est pas racontable.

À la suite de cela le directeur de la colonie déposera plainte ce qui contribuera probablement à poursuivre l’interdiction de la falaise en janvier 1984.

 

21 Juillet 1983

Aujourd’hui après deux jours de repos forcé je vais à nouveau essayer l’Elixir de Violence 8a après un essai ou je butte au pas dur, le second essai me fut fatidique. De la bonne prise mains gauche, péniblement je fais le blocage pour attraper la cupule mains droite et je sens une violente et insoutenable douleur qui me fais lâcher prise. J’en ai marre, je n’arrive pas à raconter ce que je ressens. Tout s’embrouille dans ma tête je suis perdu. C’est une tendinite. La violence de la voie et de son nom déchire ma chair.

 

Début Aout 1983 Histoire d’encadrer les possibilités d’ouvertures. Je rééquipe La Rampe à l’extrême Est de la falaise et lui donne une sortie directe Tiens bon la Rampe 7b. J’ouvre la voie la plus à l’extrême ouest L’Empire des Lumière 7c/8a C’est un hommage à la peinture de Magritte. Je vois la falaise sombre dans un rayon de lumière. J’ai comme une illumination. Magritte avait non seulement des rêves lucides mis en plus il les provoquait. « Des rêves qui non pas pour but de m’endormir mais de me réveiller ». Actuellement je fais une recherche pour provoquer des images. Mais je dois contrôler les moments où apparaissent mes images, elles m’arrivent comme des flashs et dois réussir à les imprimer.

 

15/08/1983

Ses prises, je les effleure et je les cueille comme une fleur. Je déflore la prise pour répandre le parfum d’une préhension. C’est La Rose des Sables 7a.

A cette époque je cherchais plutôt des voies difficiles à ouvrir, mais la beauté de la ligne m’invita à ouvrir cette voie que j’espère grimper le plus longtemps possible. La ligne passait entièrement sur le fil du pilier sans rejoindre le repos de gauche et finissait dans la magnifique fissure de Courage Fuyons. C’est lors d’un rééquipement que la sortie finale par la droite fut ouverte par une personne qui m’est inconnu.

 

25 Aout 83

Je cherche surtout à ouvrir des voies loin des autres. Je bouillonne, je suis seul à Buoux j’ouvre Paradis artificielle 7c et Tout de suite 7c/8a juste avant d’aller au Verdon rejoindre la Bande des Parisiens qui est déjà parti.

 

Septembre 1983

Je réussi Elixir de violence c’est la délivrance.

Je réalise l’ascension à vue de la Cage aux orchidées 7b. Je n’ai vraiment pas envie de tomber, je n’aime pas tomber et surtout je n’aime pas grimper en pensant que je vais tomber. Alors je me concentre sur les mouvements pour être dans le flot ascendant. C’est un soulagement de la réaliser.

 

2 -ème ascension de l’Homme programmé 8a. En 1989 mon père Jacque gravi l’Homme programmé pour ses 50 ans c’est une réalisation exceptionnelle. Il est coaché par Marc et font une cordée familiale au Top.

 

Février 1984

Enfin de soirée, on décide avec Marc Le Menestrel d’aller équiper ensemble la voie à gauche de Rose des Sables, un grandiose bombé sur l’Os à Moelle, Regard et Sourire 7b/c. Marco Troussier a ouvert une voie: Os Court avec plusieurs prises taillées dans un mur lisse. Marco veut exprimer que l’avenir de l’escalade passe par les prises taillées. En réaction provocatrice Jacky Godoff visse dans le rocher avec de l’humour plusieurs prises artificielles de couleurs roses des Schtroumpf de la société Entreprise. Avec Marc nous réagissons, on regarde mieux cet os-rocher. Nous équipons cette nouvelle voie sans prises taillées et simplement ont sourie à ces attitudes qui nous semblaient extrêmes.

 

20 février

Je travaille Pacemaker 7c une voie de Marco en référence à Pierre Pessemesse. Il pleut et on lit des BD « Ballade au bout du monde » au café.

 

21 février 1984

Toujours avec Marc et JB on équipe pour escalader en libre cette ancienne voie d’artificielle la Fissure Serge 7c/8a un super mur avec un très beau jeté.

 

22 février 84

Aujourd’hui il fait beau enfin il n’y a pas de vent ni de neige ni de pluie. Nous sommes très matinales nous devons attendre le jour dans la voiture. L’aube arrive et nous sommes au pied de la falaise. Il fait un peu froid à peine échauffé, je m’élance dans Fissure Serge tel un montagnard endurci je passe au « taquet » fidèle à mon habitude. Marc passe super tranquille comme à son habitude. Cette voie a été libéré et il n’en reste plus beaucoup à Buoux. C’est une ascension collective avec Marc. On fait quelques photos réconciliées.

 

23 février

Le ciel est pale fatiguée il fait froid l’ambiance est mouillée avec Marc et Fabrice on va essayer les Mémoires d’une Limace 8a une nouvelle voie que Fabrice à équiper cet été. On s’aperçoit avec stupeur que quelqu’un a taillé des prises. C’est la deuxième fois depuis le Bidule. On nous en veut ? Comment en arrivé là ? comment commettre l’irrémédiable ? L’escalade de cette voie est très technique et très agréable sauf un mouvement aléatoire, tendineux, désagréable, pénible, immonde, sordide qui épluche les doigts comme un morceau de gruyère dans la soupe. Ce mouvement vient conclure cette fabuleuse et unique couenne. Mais comme des mutants sortant d’une poubelle on fait tous les mouvements.

 

24 février

Toujours dans les Mémoires d’une limace.

Le gardien du fort et du vallon de l’Aiguebrun vient nous provoquer il veut descendre avec « Ses fils » peut-être pour prendre le thé ? Je crois que la falaise est interdite ! À peine échauffé on est déjà froid avant chaque essai d’enchainement on réchauffe en faisant la première partie Marc enchaine rapidement aux 3èmes essais puis Fabrice abandonne. Je reste seul dans le froid et la solitude face à cette paroi de plusieurs milliers de millimètres je me sens fort je veux vaincre je suis venue pour cela, si je ne réussis pas j’entrerais en zone de pourrissement. Je me concentre, je respire, je me décontracte, je nettoye les prises à la brosse à dent, je refais les mouvements dans ma tête, je nettoie bien mes chaussons, je chauffe la gomme pour augmenter l’adhérence, je prends du temps, me voilà partie dans les premiers mouvements, je mousquetonne le premier point et mon pied glisse, je tombe. Mes amis rigolent de moi. Tout cette préparation pour ça ? Je suis un peu humilié mais la situation est pleine d’humour. Les essais se succèdent en vain je tombe toujours au même mouvement. Pour l’essai victorieux je suis tellement bien que pour la première fois je parle dans la voie. Il se met à bruiner. On rentre

 

24 mars

Laurent m’offre de finir d’équiper Promenade aux Bords du Gouffre 7c/8a. Je suis super content mais je trouve que ne lui exprime pas assez. C’est une voie avec des mouvements énergiques. La traversée est délirante dans une ambiance impressionnante. Marc équipe les Mains Sales, JB la Force Tranquille.

 

Du 26 mars au 3 avril 84

Je grimpe avec Marc il m’assure dans Promenade aux Bords du Gouffre. Les mouvements sont exceptionnels mais un mouvement ne fait pas dans une petite fissure j’aperçois un trou j’hésite à ouvrir la corolle. On en discute question éthique. Laisser la nature telle qu’elle est ce qui est le plus pur pour le rocher. Mais comme grimpeur face à la beauté de la voie je ne peux pas résister. Je perds une partie de mon étique mais et celle-ci ne doit-elle pas évoluer de nouveau ? Tout est question de relation personnel entre soit et le rocher, mais l’échange avec d’autre grimpeur permet de ne pas aller trop loin.

Marc essaye les Mains Salles probablement 8b il est confronté au problème de l’ouvreur face à Sa Voie, il doute. Un jour il me dit que je peux y aller un autre jour il ne préfère pas. Lorsque l’ouvre une voie, il y a une charge émotionnelle bien plus forte à la grimper. C’est plus facile d’aller faire la voie d’un autre que de réaliser la voie que l’on a soi-même ouverte. J’ai la forme je fais le Corps électrique 7b/c sans l’avoir à nouveau essayé, ainsi que la Volière 7b. Je fais Os cour à vue 7b/c, ça s’est fait. J’équipe et je fais une voie à gauche des Mains sales : Pochette Surprise 7b un style unique tout en technique en contorsion et dans les cuisses. On descend dans Fakir, on ne peut pas travailler en second, tous les mouvements devraient faire. Je travaille souvent les Mains Sales au cas où !

J’équipe et réalise Exquise Esquisse 7b/c, j’aime la grimper en début d’après-midi quand mon ombre danse sur le mur des Mains Sales.

 

Je coupe l’arbre au pied de la Fissure Serge et révèle une porte sylvestre avec un bloc tel un tremplin qui mène au Bout du Monde. Nous avions surnommé cet endroit Le Bout du Monde à cause de la BD Ballade au bout du monde. En 1986 j’ai découvert le livre Voyage au bout de la nuit de Céline : « Il y a un moment où on est tout seul quand on est arrivé au bout de tout ce qui peut vous arriver. C'est le bout du monde. Le chagrin lui-même, le vôtre, ne vous répond plus rien et il faut revenir en arrière alors, parmi les hommes, n'importe lesquels. On n'est pas difficile dans ce moment-là car même pour pleurer il faut retourner là où tout recommence, il faut revenir avec eux. »

 

Nos états psychiques dépendent de nos réalisations. Nous sommes joyeux que quand nous réalisons une voie. La réussite masque nos problèmes. Nous sommes sommet-dépendant. L’ambiance est tendue. Le peu de réalisation de chacun y est pour quelques chose, chacun de nous a ses problèmes et ne peut s’extérioriser. Je travaille Ça glisse au pays des merveilles 8a avec J.B. il fait froid l’adhérence est exceptionnelle, j’enchaine sans problème la section dure, je suis super cool, je suis dans un jour de grande forme. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais je n’ai pas essayé d’enchainer. Le lendemain j’y retourne avec Marc JB et Laurent mais ce n’est plus la même chose, il m’est impossible de refaire les mouvements. Je suis complètement inhibé, je pense que c’est dû à la présence de mon frère. En effet le manque de confiance en moi s’ajoutant à l’apparente facilitée de Marc produit en moi un effet inhibant comme si on m’occultait une drogue ! Marc me tire vers le bas mais je ne le pousse pas vers le haut. Ils essayent d’enchainer mais en vain. Le lendemain on part pour le Verdon.

 

Septembre 1985

2 -ème de Chouca 8a/b. Une voie que Marc Le Menestrel a découvert ouvert et grimper. J’adore cette voie : les premiers mouvements, je les fais sans jamais arriver à les optimiser. Puis un jeté improbable en pleine face qui se poursuit dans une verticalité à doigts enfin un final dans une dalle fine. Notre chienne s’appelle Chouca, une portée de chiots morts nés seront enterrés au sommet de la falaise. Notre chienne est encore plus accro à la nature que nous. Avant d’arriver à la falaise on doit la faire sortir de la voiture tant elle est excitée. Elle fait partie de la famille.

 

La Secte 8a/b. Assis sur le totem rocheux planté au milieu de la vallée, j’observe la falaise auréolée de sa brume matinale. Sa face est illuminée par éclat des étoiles de nos nuits. Dans un désert d’écho, j’écoute le silence. Je scrute chaque face, chaque anfractuosité de la paroi. Je suis avide je m’imprègne de ces lignes colorées de ces ondulations de ces rides bleutées incrustées dans le roc au fils des intempéries. Je veux trouver une voie d’une verticalité déroutante que mon vertige terrestre cesse. Après avoir longuement écouté, une vibration me frappe et tous mes sens sont en action. Sur la falaise, une lueur claque mes sens, La vision d’une dégoulinure bleue nacrée m’éblouie, une voie m’appelle. La ligne est parfaite de bas en haut c’est une suite ininterrompue d’écaille, le temps a fait son œuvre, goute après goute elles ont glissé le long de la paroi et formé des prises. Des gouttes qui viennent de l’immensité bleutée du grand océan céleste. Ces gouttes telles des vagues sont comme des miroirs qui m’apportent la lumière. Je suis ému de cette découverte, mon visage est comme un rivage sur lequel des vaguelettes déferlent sur ma joue et mon cœur vient y épancher sa soif. Je nomme cette voie La Secte parce que nous sommes tout une bande de grimpeurs et grimpeuses avec leurs amies et amis. On s’organise pour faire la bouffe et les courses, nous descendons le moins possible dans la civilisation. Nous avons qu’un but grimper, manger, fêter, dormir et se retrouver tous ensemble et seulement ensemble. Parfois les relations sont plus intimes et j’ouvre Les Croisements de l’été 7a J’ai fait disparaitre cette voie en 2019 pour offrir à Tabou zizi une sortie au sommet. Une voie que pourtant j’ai toujours refusé de faire. Mais une ligne de prises verticales qui va de bas en haut c’est plus important. J’adore mes contradictions.

 

Novembre 1985

La Rose et le Vampire 8b

Cette merveilleuse voie est un Vampire. Ses prises me lacèrent les doigts, elles me pellent la peau et je perds mes empreintes, mon identité ! Ses prises, je les prends comme une tige pleine d’épines pour grimper au calice. Cette voie m’envahie et je ne pense qu’à elle, je ne désir plus qu’elle. Cette voie a soif de mon sang pour nourrir sa beauté, je n’existe plus que pour elle. La Rose est pour vous qui me regardez d’en bas. Je renais pour vous.

 

Les falaises de Buoux c'est toute une histoire, depuis les premières voies ouvertes en « Arif » à l'aide de pitons forgés jusqu'aux passages top niveau. Je vous raconte mon Buoux et sa célèbre voie la Rose et le Vampire. Grimper, c'est une histoire que l'on vit. La vie est une voie. L'escalade nous révèle, à travers le miroir de l'ascension, des facettes de nous-mêmes. La hauteur engendre l'engagement, notre compagnon de cordée assure notre vie. Au pied de la paroi, le choix d'une voie exprime un désir. Je choisis un univers une difficulté, un engagement, la beauté d'une ligne qui deviendra une histoire. A l'intérieur de ces contraintes s'exprime mon désir de grimper, telle une faim primitive.

Buoux, c'est un lieu magique. Si le désir monte en moi, c'est qu'une histoire à vivre va émerger à la surface de mon être, comme des bulles de champagne dans un petit coin de paradis où l'Aiguebrun coule toute l'année.

La vie à Buoux a commencé dans les rochers, il y a 125 000 ans. L'homme de Neandertal y a vécu durant près de 90 000 ans. Plus tard, après la dernière glaciation du Würm, des grottes furent occupées au Néolithique, vers 6 000 av. J.-C. comme lieux funéraires, près de 200 tombes sont creusées à même le roc. Durant le haut Moyen Âge, le vallon de l'Aiguebrun fut sans doute un centre érémitique, sans doute influencé par une forme d'ascèse qui nous vient de Syrie : le stylismes (grec stylos : colonne). Ces " athlètes de Dieu " vivaient sur de hautes colonnes, dans une immobilité absolue. Les cuves, escaliers, trous de poutres et rigoles peuvent leur être attribués. Dans une version plus scientifique on date ces tailles dans la roche aux Carolingiens (IX siècles), lors de périodes de surpopulations.

La falaise est formée de molasse urgonienne, datant du Miocène entre -25 et -12 millions d'années. C'est une roche sédimentaire, née de l'empilement successif de dépôts marins : en escaladant un mètre de rocher, on parcourt en moyenne une vingtaine de millénaires de l'histoire de la terre. La roche de Buoux est unique et recherchée : sans fissures, elle résiste au gel et donc au temps. Son nom latin mollâ : meule vient de ce qu'elle était utilisée pour tailler les meules de moulin. Les formes de la falaise sont rondes et chaleureuses, voire voluptueuses et colorées.

Voici le récit de mon ascension :

Le soleil tombe au ralentit, les dernières rimes lumineuses s'entrelacent. Pour arriver à la Rose et le Vampire, j’apparais par une porte sylvestre. J’emprunte un bloc incliné telle une rampe de lancement qui s’ouvre sur le Bout du Monde. C’est le théâtre de nombreux combats. Un lieu magique ! Je viens pour grimper. Toute la vivacité, toute l’énergie accumulée au cours de la journée se projette dans cette voie. Lors de mes tentatives je me bats avec la même intensité avec ce désir de réussir mouvement après mouvement. Avant chaque essai, j’adopte un rite particulier. Je nettoie les prises. Je les prends dans mes mains. Je les pétris sous mes doigts pour les apprivoiser et les préparer à l’effort qui va suivre. Je mets les doigts en confiance afin que l’influx soit près à jaillir.

D'imposants blocs de rocher gorgés de soleil jonchent le pied de la voie, de leurs pores émanent un parfum sableux aux couleurs désertiques. Au sol sur un gros bloc posé en équilibre je me prépare. Mon matériel artificiel est bien rangé afin qu’en aucune façon il puisse entraver le déroulement de l’ascension. Je m’encorde à Fabrice mon assureur-complice qui tient ma vie entre ses mains. Au cours de mon élévation il me porte par son attention. D’un geste Bleauesque je fais couiner la gomme de mes chaussons. Il me rester à mettre de côté tout ce brouhaha cérébral et faire le vide. Je rentre en symbiose avec la partition minérale avec l’air qui alimente le feu de ma respiration. Chaque fois, je tombe à quelques mètres du sol. Je me demande ce qui me pousse à réessayer sans cesse. Suis-je là sur terre pour réussir cette voie ? Je n’ai pas le choix, cette voie est sculptée en moi. Une vie pourtant ne peut se résumer à un mouvement ? Je me sens petit. Après les premiers blocages très physiques, j’atteins rapidement les prises du passage clé, un croisé de rêve qui se déroule sur une plaque de rocher ocre ayant la configuration d’un cadre tel d’un écran de cinéma. J’essaie d’y pénétrer en me confondant avec le rocher. Je chute toujours les mains aux bords du cadre. Il me manque la sensation d’un grand jour, d’un état de grâce que je ne cesse de susciter. Peu à peu les ombres s’étirent, il ne reste qu’un dernier rayon de soleil, le spectacle s'achève, les acteurs sont exténués, frustrés. Nous reviendrons demain où un autre jour, car certain jour nous laissons la voie se reposer. Dans le dernier rayon de soleil, un nuage de moucherons vol au-dessus des chênes verts. C’est un bon signe. Au sommet de la falaise, je vois en contre-jour une chèvre grimpant dans un arbre. C’est un très bon signe. Dans une respiration, la section difficile fut avalée, j’ai crevé l’écran. Au sommet de la rose le soleil disparait derrière la falaise, c'est bon. Ce n'est qu'une étape au-dessus la voie sans moi continuait.

 

En 1985, nous étions quelques-uns- Laurent Jacob, mon frère Marc, Jean-Baptiste Tribut à l'affût de lignes toujours plus extrêmes et réalisables. C’est un honneur pour nous ouvreur d’être en contact avec un espace vierge. Il en reste peu sur terre, ils sont précieux. Notre travail d’ouvreur sera de dompter la roche nue et de prolonger la création naturelle en la transformant. Voilà ce que j'appelle être créatif dans l'adaptation au rocher…Lorsque nous descendions en du haut, une question nous hantait : Y avait-il suffisamment de prises ? C'était la plus grande inconnue. Le jour où je suis descendu pour la première fois merveille, les prises étaient là, mais elles étaient trop petites pour la gravir à cette époque. Malgré tout, le désir de grimper me poussa à consolider des prises et à en agrandir d'autres, aucune prise taillée n’est surgie du néant. Le rocher dictait mon travail, j'apportais une part supplémentaire aux passages. A partir du moment où l’ouvreur touche une prise, il n’y a pas de limite nette entre, ouvrir un trou, l’amélioration, le renforcement des prises et la taille ! Mon appréciation personnelle est mon unique juge. Il y a une relation qui se créer entre l’ouvreur et la prise. A l’époque où j'ai équipé cette voie, pour moi, améliorer les prises constituait un manque de respect pour les générations futures. J’ouvrais cette voie pour la ligne, la gestuelle, le chalenge. J’avais envie de réaliser une voie difficile au moins 8b. Si j’avais ouvert cette voie en 1987 j’aurais peut-être ouvert un 8c ! L'envie de m'exprimer en ouvrant une voie sur le rocher devait s'arrêter. Tout n’était pas possible. Après cette ouverture j'ai pensé que j'avais trop forcé le rocher. Je n'étais plus créatif dans l'adaptation au rocher mais je devenais créateur de voies. C'est l'apparition des murs artificiels qui m'a permis de canaliser cette créativité. Cette attitude créative m’a permis de découvrir le " croisé de la Rose " un mouvement qui n'existait pas dans le vocabulaire de l'escalade extrême. Patrick Berhault l’avait réalisé dans ces traversées de Danse-Escalade à la Loubières. Le bras gauche va si loin chercher une prise à droite qu'il entraîne la tête sous le bras droit. Ce mouvement m'ouvrait le visage sur l'espace et le monde qui m’entourait, créant une relation entre le grimpeur et les spectateurs. Je grimpais pour moi mais aussi pour les autres. Avec ce nouveau mouvement, je découvrais une autre dimension de l'escalade, je pressentais mon futur métier d'artiste de la hauteur. C’est un mouvement fondateur car il m’a permis d’être en hauteur et de créer une relation avec le public. Une cordée émotionnelle comme disait le peintre Jean-George Inca. Je passais d’une dimension sportive à une dimension culturelle. Ce geste est devenu incontournable de mes danses verticales. Je l'ai exporté sur des décors de spectacle et sur les murs des villes. Bien d’autres mouvements sont nés à cette époque : La Lolotte qui vient de Laurent Jacob et de ses contorsions pour compenser sa différence de force avec nous. Le Yaniro réalisé dans la fameuse voie Chouca ouverte par Marc Le Menestrel, c’est probablement le compagnon de cordée de Yaniro qui fait ce mouvement en premier mais c’est la star qui fait la photo. L’Edlingette c’est faire la grenouille comme Patrick Edlinger avec le bassin plaqué à la paroi en regardant son épaule. La Gastounette vient d’une fameuse définition du changement de pied dans un livre de Gaston Rebuffat

La Rose et le Vampire a beaucoup compté pour moi, elle m'a transformé et a changé le cours de ma vie. En tant qu'artiste-grimpeur je considère La Rose et le Vampire » comme une œuvre créée par l'alchimie d'une falaise, d'un grimpeur et de son désir. L'escalader en Libre a libéré ma corde artistique. Au-delà de mon escalade cette voie a sa propre histoire en enrichie par tous ces ascensionnistes. C’est ma voie.

 

Décembre 1985

Je demande à Pierre Pessemesse de pouvoir aller dormir à La Cabane du Berger, il sait pourtant qui je suis. Il sait que j’ai grimpé pendant l’interdiction de la falaise, il m’a envoyé les gendarmes. Il est le propriétaire mais il aime que ses maisons soient habitées. C’est l’hivers et il n’y a personne. Il nous donne l’autorisation pour que nous puissions allez avec Fabrice dans cet endroit en plein cœur de la paroi. Mais en contrepartie nous devons nous occuper de la maison. On commence par dégager la terre sur la terrasse afin de revoir le rocher.

 

Avril 1986

Je réalise la voie de Marc Requiem 7c à vue. Je me sens bien que quand je grimpe. Je purge mon ma être dans les performances sportives. Le nom de la voie m’a porté. Mon corps et son esprit se sont encordés, la voie et son nom se sont accordés. Je me repose 2 jours et encore 1 jour pour faire remonter le désir et le manque. C’est un jour qui est un grand jour pour moi : je vais grimper en Face Ouest le matin et réalise Jeune cadre dynamite 8a/b une voie d’une grande diversité avec le dernier pas un jeté très long qui demande beaucoup de confiance mais qui en donne beaucoup en cas de réussite. Le soir au premier essai de la journée je réalise La Rage de Vivre 8 b/c. A l’époque la plus haute cotation française.

C’est l’enchainement de la Rose et le Vampire 8b et de la Secte 8a/b son ampleur sa dimension psychologique sa beauté bleuté fluorescente cette dégoulinure parfaite. La voie a 67 prises une longueur inouïes.

RAarr

La vallée est déchirée par ce cri, elle s’emplit d’un écho fracassant. C’est le cri d’un grimpeur libéré. De longs blocs gorgés de soleil jonchent le pied de la voie. De leurs pores émane un parfum sableux aux couleurs désertiques. Buoux. Je sens un bouillonnement dans mon ventre, une inspiration volcanique envoûtante qui assaille mon corps, c’est l’émanation des entrailles terrestres. Dans ce paysage, je suis un fluide magique, une onde terrestre, présent dans chaque particule. Je suis là grimpeur et spectateur. De cette place privilégiée, j’observe avec passion mon mouvement vertical de flux et de reflux sur la paroi. Je suis en grimpeur et je passe toujours plus de temps au pied de la voie qu’à grimper, c’est un rapport qui me surprend.

La vallée se referme sur elle-même, chacun de mes soubresauts brise ce calme.

Le soleil tombe. J’apparaît par une porte sylvestre qui débouche sur le bout du monde, ce lieu magique, théâtre de nombreux combats. Les dernières rimes lumineuses s’entrelacent, Je m’en empare avec humeur. Je viens pour grimper, je suis là pour réussir. A cet instant, je ne doute pas.  Je sais que je suis sur cette terre pour réussir cette voie. Je pense que cette voie est inscrite en moi. Grimper me rend vivant. J’ai la sensation du grand jour. Je ne cesse de susciter l’état de grâce. La journée est fluide. L’influx est là, prêt à jaillir.  Sur un bloc, je m’encorde, je lace consciencieusement mes chaussons, mon crachat purifie la gomme et elle se met à couiner. Je lâche mon brouhaha cérébral, je diminue la pression, je rentre en symbiose avec les éléments naturels, avec cette vibration terrestre, je me fonds en elle. La personne qui m’assure c’est Fabrice il me redonne confiance avant de partir dans l’arène, il me parle peu, juste quelques phrases placées au bon moment. Mais à sa manière de m’assurer, il me porte par son attention. C’est, aussi un ami et que, sans lui, je n’aurais peut-être pas autant de hargne, ni l’envie d’aller plus haut. Fabrice m’écrie : « L’assureur dévide sa corde de son cerf-volant humain.

Il le fixe si intensément, désire si ardemment le voir auprès du soleil, qu’il se sent en lui. Le cerf-volant rétrécit et tournoie dans le ciel. Mais une bourrasque le dévie. Il tourbillonne, percute la paroi, et tombe en criant. Demain ils reviendront. La rage de vivre les habitera si fort qu’enfin ils se poseront ensemble au sommet. »

Le départ de cette voie est trop beau: une première section, un motif jaunâtre et déversant, des premiers blocages très physiques. Puis rapidement le croisé de la Rose crève l’écran et permet d’atteindre une série de trous. Un petit toit raye ce mur. La seconde section suit une ligne bleue ciel, dégoulinure du temps. L’ensemble de la voie se définit par un enchaînement de passages de blocs entrecoupé par des positions de repos trop brèves ! Quand j’arrive un peu plus fatigué à la décontraction supérieure, il faut alors que je récupère le plus rapidement possible, je décompresse, je me concentre, je ne me décourage pas, j’en veux toujours, toujours…J’atteins ma limite. Mon expiration s’infiltre sous mon écorce, épousant mon corps jusqu’à l’éruption. Je me bats avec la même rage avec la même intensité avec ce même désir de réussir difficulté après difficulté. Le soleil disparaît, les ombres s’étirent, un dernier rayon accompagne l’ultime difficulté. C’est le crépuscule. Après un combat de chaque instant, je prends le sommet à pleines mains et je me rétabli pour vivre. J’ai crié comme un nouvel être vivant.

 

13 aout 1986

Je pars à la falaise et descend en rappel à droite de la Rose et Vampire Il faudrait un nom comme Bonjour. Une voie de grande ampleur. Ce sera une Voie puis Il était une voie.

Je descends dans les grands surplombs, la trainé jaune à gauche de Devers Pervers que j’aimerais bien aussi équiper mais je ne voie pas assez de prises. Elle deviendra la Chiquette du Graal.

 

Décembre 1986

Avec Fabrice, nous vivions à Buoux. De la Cabane du Berger nous sommes montés au sommet du piton rocheux. C’est probablement un ancien Hermitage de Stylites, les fous de Dieu qui vivent et prie en haut des pitons rocheux. Avec Fabrice c’est que nous faisons, nous lisions beaucoup de livre sur l’élévation; la bible « Celui qui s’abaisse sera élevé celui qui s’élève sera abaissé » et les écrits Bouddhique, nous pratiquons assidument la méditation Zazen.

J’étais sensé me préparer à la compétition d'escalade de Vaux en Velin, mais Fabrice ne voulait pas grimper alors j’ai fait quelques voies en solo. Cela le dérangea et entre deux livres lues nous allions grimper. J’ai réalisé, J’irais cracher sur vos tombes 7c/8a à vue. J'ai la hargne de grimper et je suis très léger.

En face de nous il y a le fort de Buoux, je rêve : « La brume se dissipe et je découvre sur le rivage du paysage une prou qui déchire l’espace. C’est un vaisseau-pierre au-dessus de l’abime. Ce roc protecteur vogue vers la lune. Ses lignes courbes m’imposent le repos. Je suis inspiré pour aller plus loin que mes propres contraintes. Plus rien ne compte pour moi si ce n’est de monter à bords de cet élan irrésistible, irraisonnable. Je m’élève au-dessus de la mer de nuages, juste assez pour ne plus être imbibé de ce brouillard de pensées glauques qui s’insinue à mon insu au fond de moi-même. Je vogue dans le plaisir. Je voie le paysage à mon image.

Il y a là au milieu de la vallée un rocher en molasse surélevé. Il est fait d’une roche tendre couleur corps. C’est le noyau, le fruit, le cœur, l’essence. Les intempéries et le temps le sculptent comme un visage. C’est la face visible du paysage. Ses lignes sont douces jamais agressives. Sa texture est poreuse, l’eau s’y infiltre comme dans une éponge. C’est une roche qui résiste très bien au temps car elle est tendre, malléable elle se laisse malaxer par les intempéries c’est la moelle de la terre.

A son pied des pierres en calcaire dures et cassantes couleur ciel ne sont plus qu’éboulis. C’est l’écorce, la coque, la surface, la croute. Les intempéries brisent ce masque. Cette pierre plus dure dans sa texture ne fait pas partie du paysage, elle est au niveau du sol. C’est le masculin non malléable. L’eau n’est pas absorbée, l’eau s’infiltre dans les fissures et le gel les fait claquer. Il n’y a plus de falaise de cette pierre si dure. Je me promène sur un éboulis.

La roche de Buoux est ma compagne la plus fidèle. Nous allons grimper à la falaise de la Sainte Victoire. A mon retour à Buoux, cette infidélité minérale rend les prises plus, douloureuses. J’ai la « Buouxiofolie » ».

 

Mon passé se rapproche : Histoires de voies à Buoux de 1988 et 1991. L'idée de départ est de compiler des histoires de voies de Buoux afin de préparer un nouveau Topo avec les cotations, le nom, l'ouvreur mais aussi les histoires des voies. Avec les grimpeurs de Buoux nous sommes preneurs de vos histoires de voies.

Photo Heinz Zac dans : IL ÉTAIT UNE VOIE

1988

La MARABOUNTA 6a

Ma vie change, arrive un temps pour penser l’escalade, méditer, créer des spectacles de Danse-escalade. Dans cette période charnière de ma vie, Patrick Cordier a joué un rôle important. Il était alors chercheur en neurosciences. Il avait marqué l’escalade au tournant des années 1960 et 1970. Au Yosemite, il avait réussi la première solitaire du Nose. Il avait rapporté de Californie les préceptes du clean climbing, qu’il avait été le premier à appliquer dans le massif du Mont-Blanc, réalisant par exemple la première ascension sans pitons de la pointe de Lépiney, vêtu de blanc et d’un bandeau dans les cheveux. Puis il s’était tourné vers le Pakistan, les tours de Trango, la photo….

C’est à ce moment-là que nous nous sommes rencontrés. Tous deux nous ne voulions pas nous reposer sur notre passé de grimpeur de haut niveau. On n’en parlait pas. On voulait aller de l’avant. Patrick Cordier avait entamé, en site naturel, des expériences scientifiques sur ce qu’il appelait la « signature du grimpeur » : il accrochait une petite lumière dans le dos du grimpeur et faisait des photos en pause, à la tombée de la nuit. La trace de la lumière s’imprimait sur la paroi sombre.

Comme beaucoup de grimpeurs et de hippies, Patrick Cordier était allé à Katmandou. Il était resté très proche de l’Asie. Il affirmait que l’escalade peut être pratiquée comme un art martial occidental. C’était l’un de nos principaux sujets de discussion. Les arts martiaux ont été créés au Japon pour entraîner les combattants pendant les périodes de paix. Le geste est lié à la vie et à la mort. Il naît de la rencontre entre un état d’esprit, une technique et une puissance. Comment retrouver cette unité en escalade, où l’on a tendance à être obnubilé par la force ? Comment placer dans le geste d’escalade l’exigence d’un geste d’art martial. Comment éprouver, même si l’on est encordé, cette dimension, symbolique, de vie ou de mort dans le mouvement ? Ces questions me fascinaient. Je les abordais de façon très physique, très corporelle, dans ma pratique de l’escalade et des arts martiaux : aïkido, judo, karaté. Je pratiquais aussi avec assiduité zazen.

Encordé avec Patrick Cordier, nous nous étions retrouvés à Buoux pour quelques jours d’escalade, de réflexion et de rêverie. Un compagnon de cordée, c’est important, si tu es en difficulté, il peut d’encourager. Lorsqu‘il m’assure, il me donne la corde et me pousse vers le haut pour que je m’exprime. Nous cherchions des similitudes entre l’escalade et les arts martiaux. C’était notre état d’esprit qui déterminait notre façon de grimper. On pratiquait l’escalade comme source de méditation. Le nom de cette voie MARABOUNTA nous avait amené à méditer sur les bienfaits de l’escalade et sur son envoutement. C’était la première voie de la journée, et nous voulions sortir au sommet en voyageant à deux. Nous nous sommes engagés dans la première longueur. C'était une fissure évasée qui demande des techniques évasives. Elle repoussait les grimpeurs et avait ainsi préservé son caractère d’évasion. Dans la voie, je ne cherchais pas à me blottir dans la fissure, ce qui aurait augmenté la difficulté ! Au contraire, je laissais le vide naitre entre mes jambes en repoussant les deux versants avec mes mains. Laisser le vide vivre en nous devenait source de facilité.

La seconde longueur, une dalle, nous emmena dans le royaume des lézards. Les pieds enracinés à la paroi, le haras embrassait le rocher, ainsi je pouvais extraire la tête au soleil à la recherche des prises. Se concentrer sur le bas du corps et non sur sa force ouvrait des espaces gestuels.

Je grimpais en essayant de laisser sur le rocher une signature de grimpeur aussi fluide que possible, tel une petite fumée qui court le long de la paroi.

Régulièrement perché sur notre piton rocheux, avec Fabrice nous découvrons René Char le poète de L’Isle sur Sorgues,

Nous lisons RETOUR AMONT et le poème Sept parcelles de Luberon, voici un extrait :

« Ton naufrage n’a rien laissé

Qu’un gouvernail pour notre cœur

Un rocher pour notre peur

O Buoux barque mal traité »

 

Mars 1991

IL ETAIT UNE VOIE 8c.

J’écris pour raconter mon histoire avec cette voie. Non pour donner des règles d'ouverture.

Pourquoi j’ouvre une voie? Pour réaliser une belle ascension ? Pour laisser une trace ? Pour avoir son nom dans le topo ? Parce qu’un élan irrésistible me pousse à explorer l'inconnu ? Parce que cette voie est le support de l’expression de mon désir ? Pour offrir cette voie aux grimpeurs ? Parce qu’une voie minérale nous appelle ? Pour s’émerveiller de l'existence des prises ? Pour grimper un rocher vierge d’humanité ? Pour révéler un territoire inconnu ?

D’où vient mon élan exploratoire ?

L'inconnu m’appelle, il ouvre la porte de l'indéfini. Le vide m'attire et je fais le premier pas sur la pierre. Ouvrir une voie c'est ma méditation existence ciel.

Lorsque les prises sont là, c'est magique et je remercie intimement la nature. C’est comme un cadeau, je suis ému. La prise est une surprise. Parfois, je brosse à droite et à gauche et découvre sous le lichen un trou si petit qu'il permet tout juste le passage. J’essaye de suivre le chemin là où m’emporte le rocher. Lorsque j’ouvre une voie il y a de multiples influences qui se cristallisent dans cet acte :

  • Je donne le haut comme direction. C’est un code il est totalitaire

  • Je cherche une logique de la ligne qui donne une identité à la voie.

  • Je cherche une individualité. La voie ne doit être trop proche vis-à-vis de ses voisines, j'évite que des prises soient communes entre deux voies. Il m'arrive de ne pas en ouvrir par trop de proximité avec une notre voie.

    Je pourrais nettoyer toutes les prises et laisser libre cours de choisir mon itinéraire, sans aucune voie prédéterminée.

    Des lignes de prises parfois se croisent. Je dois faire le choix d'un cheminement :

  • L'homogénéité de la difficulté est souvent un facteur influent.

  • Une belle forme, un beau mouvement peut m’inciter au détour.

  • Le désir que la voie ait une certaine cotation peut influer sur tel ou tel choix de passage.

    Il y a donc de multiples paramètres qui m’influencent sur le tracé de la voie. C’est un privilège pour moi, ouvreur d’être en contact avec un rocher vierge d'humanité. Les pôles, les sommets des montagnes, les profondeurs de la mer sont souillées exceptés quelques gouffres profonds. Sur terre seule quelques rare parois verticales subsistent.

    À Buoux souvent une prise est masquée par une dentelle rocheuse. La prise vierge me met directement en relation avec les origines de la terre. Comme ouvreur je suis le premier en contact avec la prise naturelle. Une relation entre nous va s’établir. De quelle qualité est cette relation ? Mon intervention sur la prise dépend de nombreux facteurs :

  • De la culture escalade de mon pays

  • De l'histoire de la falaise

  • Du type de rocher

  • De mon éthique personnelle

  • De la grosseur de mes doigts

  • De mon niveau d'escalade

  • De mon désir.

    A partir du rocher vierge, je révèle ma conception de l’escalade et ma personnalité. Je vais m’adapter à ce que le rocher me propose. J'interviens sur le rocher mais avec quelle intensité? Vais-je dompter la roche telle une bête sauvage, la faire plier à mon désir ou créer une relation ? Il va naître un échange entre la pierre l'élément minéral figé et mon être mental en mouvement. Il n’y a pas de limite nette entre préparer la prise, l’améliorer et agrandir une prise. Mon appréciation personnelle est mon unique juge. Je me suis souvent retrouvé avec l’ange qui me dit de ne pas intervenir et l'ange de la tentation. Il y a en fait un rapport conscient, une contradiction entre mon désir et la volonté de respecter le rocher. Je prends le droit d’intervenir mais tout n’est pas possible pour assouvir ma faim de nouveauté. Je dois de mettre des limites. Mon désir est illimité tandis que mon environnement est limité.

    Dans l'ouverture d'une nouvelle voie je crée un espace pour penser mon escalade. C'est en ouvrant des nouvelles voies que j'ai progressé en escalade.

    IL ETAIT UNE VOIE est la voie la plus difficile que j’ai réalisé. C’est le sommet de ma performance sportive. Jusque-là j’ai été dans le temps de l’ascension, depuis c’est le temps de la descension.

     

    C’est Robert Cortijo qui m’assure voici la lettre que je lui envoie, Voici la lettre que je t'avais envoyé,

    Cette après midi de retour du sommet je t’ai remercié je t’ai pris dans mes bras comme la vierge noire ce matin ton calme ta présence m’ont permis de réaliser cette voie. Ton humilité aussi car tu as pris sur toi mes crispations tu m’as accompagné. J’ai grimpé comme si de rien n’étais léger tel un enfant intiment et profondément concentré en lui détaché de tout.

    Quelques instants une porte c’est ouverte et je n’ai fait qu’effleurer les prises

    J’ai fait l’amour à une vierge sur laquelle j’avais pourtant déjà grimpé de nombreuses fois.

    Le sable du siroco avait lavé les prises la pluie les avait rincées et le vent les avait séchées, la température était fraiche et clémente. Tout ce jour un souffle m’a emporté mes déplacements et mes mouvements. J’étais juste sans hésitations. Je savais secrètement que j’étais dans la voie. Je ne me le disais pas.

     

    Mon carnet de Bord

    Ce matin long Zazen, j’ai plusieurs fois eu froid dans la nuit. Je me suis réveillé pensant qu’il était 7 H, puis je suis allé prier. Prier sans cesse devant la vierge noire de Manosque qui d’ailleurs n’est pas à sa place, elle est dans un lieu un peu trop haut la vierge noire ce n’est pas Marie, elle doit rester caché. ! Je l’ai touchée embrassée caressé j’ai prié aussi tel un chevalier qui demande aide et protection. J’ai fait un petit déjeuné frugal, j’ai perdu 3 kg en 10 jours. Il faut juste s’arrêter la bouché avant d’être rassasié. Je raconte à Robert des histoires sur les vierges Noires. Pas de pétards la veille. Quelques étirements chez Robert en attendant qu’il règle ses affaires de gendarmerie ! Je suis serein, le temps est l’inconnu d’aujourd’hui. En voiture nous traversons de grosses averses. A Buoux, il pleut, il vente mais la température est clémente. Encore une demi-heure d’assouplissement d’étirements petite déchirure à la cuisse droite. Je travail bien les remonté de pieds très haut et les transferts de bassins, les équilibre, la monté d’énergie. Je fais Alambic-Papapapou-TCF à la suite. Je bondis je vole mais j’espère ne pas m’envoler avec une bourrasque de vent. Je travaille ma précision de pieds et des doigts dans la Cage aux Orchidées-Dresden et un Zest d‘inceste enchaîné d’une traite. Mon corps était étiré, étiré de partout, relâché proche de l’endormissement. Je refais les mouvements oralement pour les expliquer à Robert. J'entame la voie comme si de rien n’était, tel un enfant, mais intimement concentré. Je suis puissant dans le premier blocage. La suite n’est que préparation aux mouvements suivants, relâchement, respiration, peu de pensées. J’essaie le mouvement avec le bi doigt et ça passe. Je sens la puissance, je continue. Je respire comme par surprise. A chaque temps possible je relâche. Je replace une fois le pied au deuxième passage, juste une hésitation avant le toit. Dans la dalle finale, je ne suis jamais tombé là, ça passe. Dans l’oreille sommitale je regarde Robert je crie. J’ai beaucoup de mal à mousquetonner le dernier point, je suis fébrile, peut être en transe. Au sommet de l’écaille, ma tête grimpe vers le ciel. J’ai les doigts parfaits pas d’épluchure de peau, je n’ai pas tiré, j’étais comme dans un rêve, j’étais comme un souffle. J’ai grimpé comme si je faisais l’amour avec une vierge grise, pourtant cette femme, je l’ai déjà parcouru, on se connait, on s’aime.

     

    1999

En 1999, cela faisait 8 ans que je m’étais écarté des parois tant j’étais absorbé par ma danse-escalade sur les monuments. Depuis quelques années, je crée des chorégraphies m’adaptant à différents supports qui deviennent mes espaces scéniques :  les échafaudages, les façades urbaines ou en carton. Au cours de mes spectacles, je joue avec des prises faites avec des matériaux multiples, en métal, bois, zinc, pierre, caoutchouc, recouverte de fientes, sales ou brûlantes, l’architecture est artificielle et une certaine gestuelle en découle.

L’envie de grimper débordait. Je me suis donc remis à grimper sur les rochers proches de chez moi sur la falaise de Buoux. J’avais envie de renouer avec mes racines minérales et mes origines reptiliennes. Mais mon désir de mouvement naturel s’est trouvé malmené par des voies comportant des prises que des ouvreurs dont je fais partie avaient taillées dans les années 80. Mon corps n’appréciait plus l’escalade de ces voies, il n'arrivait pas à bien se lover dans le flot des prises.

Or ce qui me plaît dans l’escalade libre sur site naturel, c’est être en relation intime avec le rocher. Moins il y a d’intervention humaine, d’acte volontaire et de création de prises, plus mon être grimpant pourra être en communion avec l’esprit du rocher. La taille de prises directement dans le rocher suppose une relation avec un ouvreur et je préfère développer cette relation sur les murs d’escalade.

Une prise est précieuse comme les pierres peuvent être précieuses. Elles nous relient à la planète, en grimpant sur la Molasse calcaire de Buoux on remonte le temps. Quand l'on commence la voie, on est plusieurs milliers d’années en arrière, et quand on monte, on se rapproche du présent. Je trouve beau que la pratique repose sur quelques centimètres carrés de minéral. L'escalade repose sur le respect du rocher, un consensus qui fait que notre pratique existe toujours. Notre pratique s’invente sans cesse, et c’est la richesse de notre activité, c'est la diversité des approches, chacun peut inventer sa voie.

Je me suis pris au jeu de « GRISER » les prises taillées comme on a pu en Belgique « JAUNIR » les clous qui ne servaient plus à la progression. Griser les prises, c’est un jeu pour : 

- Rendre le rocher gris symboliquement plus proche de son état initial.

- Être grisé et s’enivrer d’une purification

- S’exalter gestuellement dans un mouvement naturel.

- Faire naître en nous un état créatif.

Je me suis bien amusé et j’ai fait un petit topo détaillé des prises « GRISÉES » de Buoux.

Voici mon Florilège sur prises :

- la prise est l’appui sur lequel repose notre pratique. La prise est précieuse.

- L’escalade naît à la première prise, expire à la dernière.

- Le hors prise n’existe pas en escalade. C’est dans l'entre-deux prise que nous vivons l’escalade.

- Chaque prise à sa voisine.

- Les prises sont enchaînées les unes aux autres

- Chaque prise est unique et fait partie du patrimoine minéral de l’escalade.

- Les prises sont le point faible de notre pratique, on peut volontairement les casser, les agrandir, les boucher, les tailler, les consolider, les remplir de magnésie. Elles sont à la merci du bon vouloir de l’ouvreur et des grimpeurs. Nous en sommes tous responsables.

- Les prises se transforment, elles s’usent avec le temps et plus rapidement quand les chaussons d’escalade ne sont pas bien nettoyés. Elles peuvent se casser sous les préhensions répétées. Juste après une pluie, elles deviennent particulièrement fragiles.

- Une prise s’use avec les passages. La tendance d’une voie d’escalade est toujours de devenir de plus en plus difficile.

- Une prise est toujours victime de son succès.

- Une prise à sa forme, sa dimension, son orientation, sa couleur, elle est une note sur la partition minérale et nous sommes des danseurs qui interprétons cette chorégraphie.

- Le grimpeur est tel un caillou qui ricoche sur les prises.

- Sans les prises, les grimpeurs n’existeraient pas.

- Une prise relie tous les grimpeurs, elle est notre point de contact dans lequel nous laissons notre peau, notre sueur et parfois du sang, gomme et terre, magnésie et résine.

- Les prises ont les aimes, on les lave, on les sèche…

- La prise nous permet de grimper de prendre position, à la descente nous pouvons effacer notre trace avec un simple coup de brosse.

- Tenir bon et lâcher prise

- Prendre une prise sans tirer

- La prise est porteuse d’une inconnue, du mouvement qu’elle engendre, la prise est porteuse d’une surprise.

 

2000              

Voilà neuf ans que je n'avais pas essayé une voie difficile. Chaque année j’ai deux mois d'escalade comprimés entre deux tournées de spectacles. Ils sont écoulés. Je dois la réalisation de Bout ‘Chou à la mise en place de toutes les conditions favorables à son ascension. J'avais rendez-vous avec Éric Garnier mon assureur préféré, il s'était rendu disponible pour m'accompagner dans cette dernière tentative de Bout ‘Chou qui serait une nouvelle voie dans le secteur du "bout du monde". Je savais que c'était avec lui que je réaliserais la première ascension. Nous formions une cordée mais il n'était pas simplement au bout de la corde, lorsque je grimpais, il me transportait littéralement vers le haut par sa concentration.

La veille du grand jour, ma femme et moi avions dîné avec des amis artistes, Charlot et Tania, et à cette occasion-là Marie Laure avait sorti de sa cave une bonne bouteille. Mes amis étaient intrigués, je leur racontais ce qui m'attendait le lendemain. Chacune de mes paroles s'envolait avec une légèreté incroyable de ma bouche. J'étais déjà porté par le courant qui m'emmènerait au sommet de cette voie. Mon ascension avait déjà commencé.

Le lendemain, il faisait beau, l'air était sec, la température fraîche et je n'avais pas fait la vaisselle du matin "Merci, Marie Laure !", pendant cette semaine j'avais juste perdu les quelques kilos nécessaires, ce qui me permettait de me sentir léger. Qu'il soit bon de ne pas sentir son poids, c’est une sensation éphémère.

J'avais pris le temps de m'assouplir, je m'étais concentré et puis échauffé. C'était la mise en place de toutes ces conditions qui engendrait l'état favorable à ma meilleure escalade.

J'avais placé les 17 dégaines de cette voie de 40 mètres de niveau 8 b/c. Et c'était vraiment indispensable si je ne voulais pas trop souffrir dans la première partie de cette voie. Elle empruntait un Bout de Chouca, une voie mythique ouverte par mon frère Marc. Les premiers mètres très prisés en trous, ne m'avaient jamais permis d'optimiser les mouvements. Chaque essai c'était toujours comme une première fois. Bien reposé, j'avais poncé mes doigts pour ne pas laisser de traces de mon identité. Sur les fins grattons minéraux.

J'avais optimisé certains mouvements avec Alex Duboc. Par son niveau il aurait pu réaliser cette voie mais par respect pour moi il n'avait pas insisté et son attitude m'avait encouragé à persévérer.

Au repos avant la dernière section difficile, mes mains s'agitaient en alternance comme un fouet pour monter des blancs en neige, je respirais, j'étais en haute altitude. La section difficile fut avalée dans plusieurs expirations, grâce à un jeté de talon et une crispation sur un bout de prise grosse comme le doigt de notre bébé Joakim, notre Bout ‘Chou.

Ça faisait déjà quarante minutes que durait l'ascension, j'arrivais au dernier repos, j'enlevai mes chaussures. En fait j'avais peur de tomber dans la section sommitale pourtant plus facile. Voilà qu' Éric pris le temps d'uriner en contrebas de son poste d'assurance, voyant cela, je me suis aussi relâché, et les derniers mouvements furent un grand moment de plaisir.

Au sommet de Bout ‘Chou le soleil disparait derrière la falaise, j’étais bien avant de grimper, c’était bon de grimper, c’était bon de redescendre retrouver mes proches. Ma vie c’est grimper.

 

2002

Carton Jaune 6a/b

Avec Pierre Duret et Éric Garnier ce nouveau départ de Scorpion. Je crois qu’Éric m’adresse cet avertissement car il trouve que je ne grimpe plus assez

 

La Flèche 6c

Nous équipons ensemble cette voie dans un petit coin d’espace minérale encore vierge mais entouré de vestige des anciens habitations troglodytes ; rigoles de récupération d’eau, trous pour accueillir les poutres, escaliers, verrous de porte…Je trouve un carreau d’arbalète planté dans le rocher avec une inclinaison qui fait penser qu’il vient du Fort de Buoux en face. Dans cette falaise il n’y a pas eu que nos combats.

 

2012

Prises précieuses 6c

Un jour Joakim mon fils est venu me demander de l’emmener grimper. Sa demande fut un cadeau de la vie. Voilà 10 ans que je ne grimpe presque plus. Nous allons ouvrir cette dalle avec 2 mini-grattons. Je lui transmets un peu de ma passion. C’est un nouveau départ d’escalade et d’ouverture.

 

2016

Bas O Bas 8a/b

Une descente n’est pas indécente. A plusieurs reprises je préfère arrêter mes tentatives enchainement afin de ne pas risquer de me blesser et surtout j’ai envie de la réaliser en grimpant bien sans forcer. Je n’ai pas de problème à revenir depuis 2 ans dans une voie dont j’aime la complexité et la beauté des mouvements. Je suis un Sisyphe, Camus nous dis : « C'est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m'intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même. Je vois cet homme redescendre d'un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s'enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher. »

 

Sommet sans issue 6c

Le sommet est une voie sans issue. On ne reste pas au sommet d’une montagne. Le sommet est invivable, la cime est inhumaine. Il y a du vent, il fait froid, le soleil brule, il n’y a pas d’oxygène, les montagnards ne peuvent plus dormir ni manger, ils ont des hallucinations, les nuages sont des tempêtes. Le paradis n’est pas en haut. C’est un mensonge.

 

2017

La trilogie des 3 dalles le cinquième appui 7c/8a, Expire 7b/c, O Nadir 7 a/b que l’on peut lire comme une phrase le cinquième appui expire au nadir ! c’est ma devise pour grimper. J’étais descendu en rappel dans ces dalles dans les années 1990 mais je n’avais pas vu de prises. En 2015 alors que je pratiquais une escalade poétique avec ma maman. En redescendant de l’Escart Paulette un chouette jeu de mots pour un ouvreur. La brosse métallique à la ceinture je déchiffrais sous le lichen quelque petites gouttes d’eau. Je m’aventurais rapidement à explorer les prises et les cheminements possibles. La découverte d’une prise était une surprise. Chaque prise était un cadeau. Ce fut le début d’une belle vague d’ouvertures à Buoux

 

La Dictature du Sommet 7a/b

Je suis un être humain né sur terre dans la civilisation de la conquête du sommet notre rêve favori est : en haut c'est bien plus haut c'est mieux. Nous pouvons retrouver cette attitude dans la croissance économique et la richesse, l'ascension sociale et sa reconnaissance, la volonté de monter sur la plus haute marche du podium, devenir un start, la recherche d’un paradis céleste imaginaire, le pouvoir se manifeste au balcon en s'adressant au peuple. Au nom de cette quête altière, la société accepte que l’on puisse marcher sur la tête de ses concitoyens que l’on épuiser notre planète terre. On est tombé sur la tête. Nous vivons hors sol. Nous avons un désir illimité dans un corps et une planète qui eux sont limitées. L’escalade est une prise de position et la descende une prise de conscience. Aujourd’hui descendre c'est un acte à contrecourant. Un retour en aval. C’est résister mais comment faire quand notre langage et notre imaginaire polarise le haut positivement et le bas négativement ? Ce n’est pas possible de sortir par le haut d’un problème de terrien. Je suis en descension.

Le Partage est mon Sommet 6b

La cordée n’a plus le sommet comme objectif commun. Mon assureur me porte par sa concentration. On peut partager un moment d’escalade sans discrimination de sexe, de niveau, d'âges, de niveaux, de morphologie. Lorsque je prends la journée d’escalade comme elle vient, j’attends l’appel d’une voie d’escalade. Je grimpe sans sommet, j’oublie le sommet. Pas à pas le sommet vient à moi. J’aime être en relation intime avec le rocher. La paroi est une partition chorégraphique. Il est indispensable de lire cette partition et d’avoir un corps à corps avec la roche. On se connecte avec ce rythme en adaptant son escalade en grimpant avec fluidité ou détermination, avec des mouvements explosifs ou des pauses. J'ai peu de temps pour grimper, alors je prends chaque voie d’escalade comme un cadeau que me donne la vie, Pendant l’escalade, j'essaie de suivre le flux de mon énergie. Je m’encorde avec le monde. Je m’accorde avec le monde.

 

Folambule 6b/c

Tel un Folambule, je suis un danseur de façade qui voyage sur les murs à la rencontre de mes rêves. Je vous les rends sensibles afin qu’ils deviennent des rêves dans vos têtes, une réalité dans vos corps. Toujours en hauteur, je mets pacifiquement ma vie en jeu pour en dévoiler la fragilité. Je sonne les cloches du rassemblement poétique et raconte des histoires sans hauts ni bas. Dans un corps à corps avec mes façades, il danse ma vie en plein vide.

 

De 5 à 6, 5c/6a

Avec Jean-Luc Bichon on nettoie cette voie pendant la campagne présidentielle nous ouvrons et souhaitons l’avènement d’une 6-ème république.

 

2018

Le Poids de la tête 7c/8a

Si mes pensées s’accrochent à moi j’hésite, je me fatigue, je tombe. Si je pense je tombe.

Dans le dos de chaque grimpeur, il y a le vide

Sans le vide, le grimpeur existe-t-il ?

Dans la falaise, il y a des prises creuses

Ces prises sont-elles un refuge pour mes mains ?

Entre les prises, il n’y a rien

Le mouvement naît il de cet espace?

Dans mon esprit, je fais le vide

Mes pensées sont-elles plus pesantes que mon corps ?

N’y a-t-il pas de liens entre tous ces vides ?

 

J’ai eu l’honneur et le plaisir d’assurer Arnault Petit dans l’ascension à vue de cette voie.

 

Laisse tomber le ciel 6c

Je pense aux Gaulois qui avait peur que le ciel leur tombe sur la tête et à la chanson Laisse tomber les filles.

 

Le procès de Zeus 6a/b

« Zeus, il a eu un nombre de femmes incroyable, il les embobinait

Et hop il n’en faisait qu’une bouchée ! Il s’attaque aux femmes d’accord, mais pas que, il y a aussi les jeunes hommes et les enfants parfois. C’est grave, le fameux Homère il en parle, comme ça ne mine de rien. Mais c’est un procès qu’il faudrait faire. Oui on devrait organiser le procès de Zeus.» Extrait d’un texte écrit par Marie Do Freval pour la création La Dictature du sommet. En Mai 2020 au festival des Rencontres d’Ici et d’Ailleurs à Garges Les Gonesse.

 

Pic de Diversité 7a/b

Le sommet est un pic, isolé, le point de contact le plus près du ciel. La diversité, elle est multiple et s’étend horizontalement sur Terre à hauteur d’humanité.

 

Parti Pris.e 7c

L’orthographe inclusive est là. Il y a de plus en plus de féminin pour contrer le masculin mais plutôt que l’opposition je préfère d’autre voies comme le neutre ou le bisexué. Il manquait deux prises dans cette voie et je voulais l’arrêter en pleine paroi. En sondant la paroi avec le marteau un morceau de pierre c’est détaché. La prise est partie. Cette pierre c’est une prise. Cette pierre, j’en fait mon parti. Une prise que je sikate au rocher, j’assume mon parti pris.

 

Mr Seguin 6a

Cette voie est un hommage à Pierre Pessemesse qui décède en décembre 2019. Un poète qui meurt c’est un évènement. J’ai mis près d’une semaine à nettoyer cette fissure. Le lendemain de son décès, je suis allé au pied de la falaise je voulais la grimper il faisait sec et ensoleillé amis j’étais seul. Stéphanie Baudet passait par là. J’ai profité de ce rayon de douceur pour partager un moment d’escalade.

Joakim écrira : Pierre Pessemesse est une figure de la langue provençale qui s'envole ce matin, un emblème du théâtre occitan, un écrivain de son territoire, un maire immortel de sa commune, un historien de son pays, le symbole de son auberge.

 

La Chèvre d’Or 6b

En l’honneur d’une légende provençale. Celui qui trouvera la chèvre d’or épousera la belle de Buoux.

 

Les 3 Chênes 4

Je nettoie cette fissure pour ma maman.

Janvier 2019

Je m’aperçois qu’a Buoux il y a beaucoup de projet dont l’équipement n’est pas terminé J’appelle Marco, mon frère Marc, François Legrand, Quentin Chastagnier. On rééquipe ensemble avec François Legrand son ancien projet au bout du monde. C’est un beau moment de partage.

Je fini d’équiper Il était une voie l’extension du surplomb sommitale que je n’avais pas équipé car les prises étaient trop petites. 9a en vue.  Cette voie a une histoire et elle porte bien son nom.

Marco me propose de finir d’équiper sa voie Mao sait tout 8 b en vue (j’attends d’avoir des scellements, et la fin de ma retraite).

Avec Fred Ripper nous voulons faire un film sur les différentes éthiques d’ouverture mais on ne trouve pas les financements.

                                                                                                                                

Mauvais joueur 7b

Juillet 2019 il fait chaud mais la face Ouest est un havre de fraicheur avec dans certain endroit de la climatisation naturelle. Je fais mes gammes d’Escalade Libérée avec Robert Cortijo, J.B., Valé, ma maman : Le plaisir est mon sommet.

Si j’ai trop peur je peux prendre la dégaine.

Si je sens un mouvement tendineux je peux mettre un pied sur un point d’assurage.

Je peux grimper en moulinette une partie de la voie parce que les gestes techniques de mousquetonnages sont très difficiles.

Je peux revenir plus tard car les conditions météo, relationnelle ou corporelle ne sont pas bonnes.

Je peux mixer plusieurs voies et choisir ma voie.

Je peux escalader et désescalader.

Je ne suis pas obligé de progresser en faisant des voies plus difficiles, je peux progresser dans une voie facile en choisissant une difficulté que je me donne à moi-même.

Je ne compare mon escalade ni à mes jeunes années ni à la dernière sortie d’escalade ce qui serait une source de souffrance.

J’aime toujours m’engager à fond dans une ascension mais je n’ai pas le droit de me faire mal. Je ne veux plus me dépasser, je cherche plutôt à m’incarner. Je suis à l’écoute de mon corps et de ses limites. Sentir la limite entre prendre la prise et tirer sur la prise. Souvent mon corps me prévient, il y a des jours je ne me sens pas bien. C’est surtout dans ces moments-là que je ne dois pas forcer. Sinon je risque la blessure. Ma volonté n’est pas de réussir mais d’écouter mon corps. Mon corps est mon guide.

 

Je grimpe avec François Legrand, Stéphanie Baudet et Arnaud Petit nous rejoignent

J’ai comme un désir de grimper cette voie : Mauvais joueur, est-ce le nom qui m’appelle ? Pierre Duret l’intarissable ouvreur nous a ouvert cette belle dalle. François me met une corde sur le 3-ème point, puis il place les dégaines. Arnaud me cake quelques prises clés, Stéphanie m’assure. Une équipe de lutins s’affairent à me mettre en œuvre les bonnes conditions. Il ne fait pas trop chaud. La sensation est agréable, elle invite au don de soi. Donner un peu de soi à la vie. Je n’ai plus le choix mon désir veut s’exprimer. Je commence à grimper et je me sens porté, j’arrive en haut. Je n’ai pas grimpé tout seul. J’adore cette sensation que m’a réussite ne m’appartient pas entièrement. Le soir j’ai une peur à posteriori d’avoir grimpé si intensément sur des petites prises. Je suis autorisé à grimper mais pas à me blesser. Mais j’ai bien géré la tenue de prise. J’ai pris les prises sans trop tirer.

 

Aout 2019

J'ai grimpé la voie HopHopHop 6c en second de cordée. J’adore grimper en second je me préoccupe que d’escalade et non de mouvement artificiel qui me parasite. Cette voie de Pierre Duret est un BIJOUX de BUOUX. Cette voie longe une fissure qui m'a réveillé tout le corps. Le creux de mes mains était moite, les aisselles perlaient. Avec Valé mon compagnon de cordée nous partageons ces voies, Nous avions grimpé ensemble dans ce secteur de la face Ouest en 2010 quand mon père glissait vers la mort et que nous équipions une nouvelle voie en dalle Archéologie Minérale non réalisée 8b/8c. C’est bon de partager l’escalade. Dans Zénith 7c, j'ai vécu un moment de grâce. Zénith est une voie difficile pour moi car je ne l’ai jamais grimpé en libre et je ne suis pas sûr de réussir les pas à chaque fois. Valé escalade la voie en second de cordée. Dans la dalle, il s’arrête au passage difficile et il le fait avec une grande aisance tel une étoile filante. Pourtant ce passage est une poussée de jambe sur une goutte d'eau avec des amorces de prises dans les mains. Je vais essayer en second mais avec mes chaussures souples je n'arrive pas à faire ce mouvement, je redescends. Je mets mes chaussons les plus rigides, les plus petits, deux pointures en dessous que celle de ville. C’est l’été, une petite brise se lève et l'air se rafraîchi telle une climatisation naturelle. Je commence à grimper sans but ni esprit de réussite, je suis bien. Sans hésitation, mes yeux visent les prises et j’y visse mes pieds. Je pousse sur mes jambes jusqu'au Nadir dans la profondeur de la Terre. Je rythme chaque geste sur mon expiration. Mes doigts ne tirent pas sur les prises. Mes doigts prennent les prises pour seulement retenir mon corps. Puis la paroi se verticalise, je progresse et je suis toujours bien. Je connais chaque geste mais pas à pas ce n'est plus ma mémoire qui me guide mais c'est mon corps qui grimpe tout seul. Je ne pense plus. Valé m’assure et m'encourage sobrement mais sa présence est intense. Au pas difficile, en pleine dalle, je sens mon corps se mouler dans une enveloppe invisible. Valé avait-il laissé une trace de son passage aisé sur la paroi ? Je suis comme emporté par la trace de son mouvement. Le mouvement difficile se réalise tout seul. Je suis étonné de ma réussite. Il reste encore des mouvements pour finir la voie. Je les réalise très rapidement avant de me faire envahir par ma conscience. Je suis surpris et soudainement mes pensées resurgissent. Je suis comme perdu sur la paroi, je ne vois plus les prises. Je perds la mémoire et je ne me souviens plus comment réaliser les deux derniers mouvements pour arriver au sommet. Valé m'encourage plus intensément, il me crie qu'il ne faut pas m'inquiéter, en effet il me suffit de pousser sur mes jambes et c’est les prises qui viennent à moi. Finalement, je me rétabli sur la plate-forme au milieu de la falaise. Je n'arrive pas à réaliser, je ne suis pas fatigué, je me sens bien. J'ai grimpé Zénith en libre ! Dans cette escalade je ne me suis pas dépassé, je ne suis pas allé au-delà de moi. J'ai eu la sensation d’être habité par les mouvements ? par des énergies mystérieuses ? D’en haut je tends mon pouce positif à Valé resté en bas. Nous sommes encore encordés et je suis en-accord avec mon corps dans ce décor, c’est magique. Je ne reste pas longtemps en haut, Je descends, En bas nous sommes seul tous les deux au pied de la voie. Nous sommes fébriles, nous avons envie de partager ce moment avec le monde entier. Alors voici ces quelques mots couchés sur un écran.

Je suis fidèle au Nadir et volage au Zenith

 

2020

Le Maximum 8b/8c qui peut faire une extension en deuxième longueurs avec Le Minimum ou Chouca ou Total Khéops. Je rencontre Enzo et je lui propose d’y aller, et il réalise la première en février 2020. Je suis soulagé et fier que des jeunes grimpeurs s’exprime dans mes ouvertures.

 

Malo L1 5c et L2 7c Fin janvier, un jour de grand froid nous sommes allés dans Malo une nouvelle voie à gauche de Tradition du Geste. Une voie que j’ai ouverte en hommage à sa fille. Malo c’est le surnom de jeunesse de Marie Laure et je suis son mari. Ce jour-là j’ai fait un essai en tombant au sommet puis JB l’a réussi et moi juste après. Il a été déclencheur, il m’a aidé à me libérer. Comme dans nos jeunes années nous en avons fait plusieurs premières où l’on enchainait l’un après l’autre. Nous avions alors décidé de ne pas avoir de premier et de deuxième. C’est une ascension collective.

 

Le 13 février 2020

Démonté 8a/b c’est une voie qui marque un passage dans ma vie. En escaladant en libre cette voie je me libère du désir de réaliser la première ascension. Et pourtant je réalise la première ascension. D’où vient ce désir d’être le premier ? Ce désir d’être le premier me vient surement de la valeur de la conquête, fondatrice de notre société occidentale dans laquelle je vis. Cela me vient aussi de mes premières ouvertures en Avril 1983 : La Bande des parisiens que nous étions avaient une éthique qui laissait à l’ouvreur la priorité de faire la première ascension. Nous lui laissions le temps d’essayer en premier. Cette attitude permettait de nous respecter et de garder une certaine distance à ne pas « piquer » une première et consommer l’ouverture des autres. Il y avait un investissement émotionnel et physique parfois long, intense, névrotique. Une ouverture de nouvelle voie est parfois comme un vampire qui absorbait notre pensée, notre énergie, notre peau, notre sang. L’équipement de surplomb demandait de l’investissement dans des conditions fatigantes. Certains grimpeurs ne se préoccupaient pas de notre éthique. Il venait essayer nos nouvelles voies et cela nous affectait. C’est vrai : Quel droit de propriété un ouvreur peut-il avoir sur un morceau de cailloux ? La voie ne lui appartient pas. Certes en grimpant ce morceau de cailloux on en fait une falaise. En équipant un parcours minéral l’ouvreur en fait une voie. Cette voie ouverte appartenait à tous. Pourtant nous étions sensibles à cette relation qui s’était créé entre l’ouvreur, le grimpeur et la voie.

A Buoux il y a le morceau de rocher que l’on appelle l’os à moelle avec lequel j’y ai déjà ouvert La Rose des Sables 7a en aout 1983. En Février 1984 avec Marc nous ouvrons ensemble la voie à gauche de Rose des Sables, un grandiose bombé, Regard et Sourire 7b/c.

Sur L’os à Moelle, j’ai équipé Démonté à l’hiver 2019. J’étais déjà descendu il y a 30 ans dans cette face du creux de l’os à moelle, mais à l’époque je n’avais pas vu la suite de prises qui redescendaient en traversant. Pour trouver le cheminement j’ai dû me rapprocher au plus près de la paroi pour scruter le rocher. En brossant le lichen réfugié dans le crépi minéral, j’ai révélé des prises. En commençant à la grimper cette automne seul, pendu à ma corde face à une suite de prises qui est pour moi impossible à relier. Grimper cette voie c’est cheminer de l’impossible au possible des mouvements. Apprivoiser l’inhumain jusqu’à l’incarner de mon être grimpant.

Des prises de pieds et de mains ont commencé à casser alors j’ai consolidé des prises au Sika dur, je ne voulais pas prendre le risque que la voie se diminue et qu’elle soit de plus en plus impossible à grimper pour moi. C’est comme un accord que j’ai fait avec la prise et mon mode d’intervention. 

Puis quand j’ai commencé des tentatives, l’idée même de réaliser la première ascension de cette voie me mettait une intense pression. Au repos, chez moi j’avais les bras qui restaient gonflés comme fatigués avant même d’avoir grimpé. Je devais réagir et me libérer de cette emprise. J’ai appelé mon amis Arnault Petit pour qu’il aille l’essayer mais il partait en Jordanie. J’ai demandé à J.B. de venir avec moi. Nous avons fignolé les mouvements ensemble, il m’a aidé à affiner des techniques. Il apportait un regard neuf. J’avais défriché la partition minérale lors de courtes et nombreuse séance sur le rocher. Dans ma tête j’avais aussi essayé de résoudre ces rébus minéraux. J’adore préciser le geste de la pose de pied, la prise de mains, poser son regard sur la prise, le doigté est passionnant dans les trous de Buoux, le dynamisme propre à chaque mouvement. Avec JB mon compagnon de cordée de beaucoup de belles ascensions il m’a toujours porté par son énergie.

J’épuisais l’intensité de mon désir en grimpant les mouvements en tête. Le but se rapprochait : je suis tombé une fois parce que je découvrais les mouvements en tête, une fois pour arriver à réaliser chaque mouvement, une fois pour relier les mouvements entre eux, une fois pour relier les sections entre elles, une fois parce que je n’étais assez chaud alors que je ne forçais pas, une fois c’est parce que j’avais trop envie, une fois parce que j’étais fatigué.  Avec Robert Cortijo, mon ami de longue date, il me tillait il me disait : tu ne veux pas faire la première mais cela serait mieux quand même de faire la première. Oui c’est vrai mais je ne dois pas le dire à mon cerveau. Ce n’est pas le seul objectif. Si j’ai le désir de libérer cette voie c’est moi que je dois libérer. Pour réaliser cette voie je sens que je dois me libérer de la pensée de réaliser la première. J’aime grimper cette voie, l’essayer est un plaisir. Je ne sais pas quand je la ferais, dans 3 ou 4 séances, je ne suis pas pressé. Allongé dans mon lit, j’y pense je refais souvent le film des mouvements, j’affine mes techniques. Je diminue ponctuellement mon poids 3 kg c’est une sensation indispensable de légèreté, je fais beaucoup d’assouplissements.

Pendant mes vacances je me suis préparé pour gagner en résistance, c’était la filière énergétique dans laquelle je devais progresser. Nous sommes rentrés de vacances, nous sommes jeudi. Seul je suis allez revoir les mouvements. J’ai butiné du bout des doigts les aspérités des prises en grimpant avec la corde. La rencontre avec Les Grimpeurs de Buoux m'a donné une opportunité, Merci Yohan Believable pour ta dense concentration qui m’a allégé. Il s'est mis à bruiner je me suis lancé en pensant que ce serait une bonne préparation pour la belle journée de samedi. J’étais si détendu que j'ai grimpé jusqu'en haut sans hésitation sans émotion. Au moment du repos juste pour me relâcher je me suis encouragé. La pensée voulait me reprendre car pour réaliser le dernier mouvement d’amplitude, je dois tenir la prise et relâcher l’épaule en même temps. Je suis surpris de ma réussite, presque déçu d’avoir réalisé cette voie. Il y a un moment ou une énergie naît de je ne sais d’où et m’emporte. Au pied de Démonté nous avons échangé sur l'art de la pente avec Yohan. L’art pentu.

Je l’ai ouvert Démonté en même temps que sa voisine Dévalé dont le départ et la sortie est commune avec Démonté. Dévalé a la spécificité de pouvoir se grimper avec un certain nombre de pied sur une dalle c’est ce que l’on appelle une éliminante la cotation va de 6c à 8b suivant le nombre de pied que l’on pose dans la dalle. Alors j’ai déséquipé cette voie elle ne pourra se faire qu’en second. Je ne suis pas fier d’avoir dû enlever 3 points qui ont laissé une cicatrice dans le rocher. Marie Laure m’as dit que c’était n’importe quoi que je ne sois pas sur un mur d’escalade et que cette façon de grimper était inadapté à la falaise.

Maxence Horvazth vient de réaliser la seconde ascension de Démonté et la première ascension de Malo L3 8a/b il m’en a fait part cela me touche d’avoir des nouvelles de ces voies.

Si vous allez dans mes projets sachez que je peux venir vous encourager.

 

Je me demande de quoi je vais me libérer dans la prochaine voie ?

L’escalade libre est l’art de me libérer.

 

Antoine Le Menestrel